En toute honnêteté (ou toute méchanceté), Mickael est criant de banalité. Pas plus qu’un homme ni plus bête que le dernier des idiots, il incarne ce qui existe de plus simple. Pas au point que ce soit affligeant, voire pénible en constatation; non, Mickael est basique. Quoique ses tendances maniaques soient parfois à la limite du supportable. Des défauts comme des qualités, rien de quoi en faire un fromage (excepté peut-être son entêtement qui ne possède aucune réelle limite). C’en est pourtant presque risible, que dans un monde ou “l’anormalité” soit devenue commune à tous, le fait de naître sans surpuissance est perçu à la limite du surnaturel.

Mickael n’a rien d’une figure légendaire (quoique physiquement cette partie soit discutable), car rien caractériellement parlant ne laisse entendre qu’il s'apparente de près ou de loin à une incarnation divine. Il n'est pas semblable à Dieu, comme l'archange. C'est un homme de trente ans désormais (échappé du temps); et perché au-dessus de son cou, une tête blonde aux mèches cendrées qui peut rapidement se transformer en jungle s’il omet d’écourter les pointes. Tel un croisé les cheveux toujours en bataille, complètement en désaccord avec un style vestimentaire à la fois sobre et détaché. Son visage est en partie grignoté par un début de barbe (plus proche de celle de l’adolescent pré-pubère que de l’archétype d’un “male” à proprement parler), qui lui confère au choix, un aspect strict et professionnel et/ou un côté rustre et négligé (mais nous nous tairons sur la réponse). De larges cernes, mises pourtant à rude épreuve à coup des mokas de la pause de dix heures, qui traduisent une fatigue constante; mais un sourire insatiable, pendu à des lèvres roses et fines, qui lui, ne faillira jamais.

La vérité est que Mickael fait partie de la classe moyenne située entre le bon, et le mauvais. C’est un personnage tout en contraste. La douceur qui se dégage de Mickael est balancée par une démarche plus affirmée; une assurance presque scabreuse sans pour autant sortir des convenances; et une gestuelle persuadée, qui lui confère un charisme certain, particulièrement lorsqu’il anime des  conférences, ou enseigne en amphithéâtre. C’est un homme convaincu, néanmoins bourré d’incertitudes (étonnant n’est-ce pas ?), possédant des yeux parfois trop naïfs, finissant par se remettre en questions tout entier au moindre problème. Toujours ce besoin de plaire, socialement parfait mais bien trop attentif aux regards des autres. De caractère posé, il lui arrive d’être plus ou moins anxieux, et supporte assez mal la fatigue sur le long terme. Mais jamais on ne le voit agressif ou blessant dû à une empathie ainsi qu’une sensibilité prononcée. Cependant, il faut être prêt à accepter quelques piques moqueuses, et un sens de l’humour plus ou moins noir et intelligent, qui ne trouve de réelles limites qu’à travers la personne à qui il s’adresse.

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Tombée du ciel, la goutte de pluie brillante traverse le brouillard comme la balle d’un piètre chasseur perfore les nuages. Les rafales froides du nord-est chassent par instant ce crachat incertain de mai vers un fleuve non-loin, de quoi le remplir de nouveau; dans le sens de la longueur, et de la largeur, vers les écoles et les rues commerçantes. Il reste bien dans l’allée quelques vieux bougres qui n’ont pas échappé aux caprices de Mère Nature mais ils ne semblent guère affectés par un peu de flotte. Le vieux Henry, ce personnage à la barbe blanche et au regard fatigué se balance dans son siège en bois et il fume la pipe. Les médecins lui ont rappelé plusieurs fois que ce genre d’activité n’est pas bien pour ses poumons déjà fragiles, mais que voulez-vous, un homme ayant tant vécu mérite bien quelques excès, non ? Donc, cette goutte brillante tombe, se ternit de plus en plus avant de prendre une couleur aussi grise que le ciel tandis qu’elle perfore la couche de brouillard qui s’est formée au-dessus de Londres telle une coupole ornée. La pluie tombe lourdement sur les vitres du collège. Mickael est assis sur un de ses sièges de salle d’attente, bleu en plastique, assez solide pour se balancer d’avant en arrière. Ses yeux fixent avec amertume les gouttelettes qui viennent s’écraser contre les fenêtres. Il les observe dans un état contemplatif, descendre tout en bas de la vitre avant de disparaître dans les rebords en béton gris. De son point d’observation, Henry attire son attention. Le vieux à la barbe blanche qui fume la pipe sans que personne ne vienne remettre en doute ses intentions. Un coquard bleu et violet se dessine tout autour de son œil gauche dont la paupière se soulève de spasmes identique à un tic depuis maintenant une bonne demi-heure. Un garçon l’a battu, jusqu’à ce qu’un professeur intervienne pour les séparer. Il avait traité Mickael de “pédale” avant de le frapper.

Le vent siffle sur les murs gris de la fac. C’était peut-être le climat de la ville qui rendait la décrépitude si visible déjà, à moins que ce n’ait été une illusion. Peut-être que le seul fait de savoir que les bâtiments appartenaient à Londres faisait apparaître ces mêmes immeubles comme les cathédrales pillées du capitalisme dans une ville de non-pratiquants et d’infidèles. La pluie dérive vers le sud-est, au-dessus de rues aux pots garnis de ravissants bouquets, où les hommes d’affaire avec leurs costumes de pingouins s’adossent aux façades pour s’abriter de la sempiternelle miction du ciel, grelottant mais se moquant de ceux qui se pressent, trempés jusqu’aux os. Il est tôt et le brouillard s’est installé en ville sans qu’il demande la permission, le climat est humide et transpire le début de semaine. Quoique l’année soit, Londres est toujours grise.

Malgré un climat des plus capricieux (pour un mois d’avril qui plus est), Mickael ne déteste pas Londres. Au contraire, il contemple méticuleusement, à l’identique d’un objet de thèse, une goutte de pluie échappée des nuages qui, par mégarde, s’est écrasée sans formalité sur les hautes baies vitrées qui bordent les escaliers de l’amphithéâtre. Ses prunelles, d’une belle nuance de noir, s’attarde sur les fenêtres immaculées de l’égoutture de la bordure béton. Il en vient même à les compter, au goutte à goutte, s’inventant un divertissement, du moins une distraction pour se défaire de la voix soporifique du professeur. Mickael s’ennuie comme un rat mort, sans pour autant se désintéresser totalement de son cursus, puisqu’après tout il s’agit de sa propre décision que de s’inscrire en face d’anglais. Il ne part pas non plus du principe que sa place appartenait à un autre plus assidu sur le sujet; à vrai dire il mérite comme chacun des étudiants son siège inconfortable. Loin d’être le plus mauvais, Mickael réussira d’ailleurs avec brio la plupart de ses examens.

Pourtant, Mickael est né dans un foyer des plus étonnant. Entre une mère superhéroïne qui n'a avoué à son père sa nature qu'une fois marié, entraînant de temps à autres, même des années après les faits, des disputes bruyantes, une famille à rallonge entassée sur le canapé dans un appartement de Kensington à gueuler sur le téléviseur ou la radio à chaque match de foot ou de rugby; Mickael a rapidement compris qu'il fallait pousser la voix dès le berceau pour se faire entendre, sans jamais pourtant partir dans les aiguës. Le paraître à toujours été au centre de l’éducation de Mickael; les Black n’ont jamais véritablement eu les moyens de résider à Kensington, quartier chic de Londres. Pour compenser ces quelques écarts de budget, les enfants de Mr. et Mrs. Black ont pu testé une riche variété de pâtes durant leurs folles années : pâtes à l’eau, pâtes au beurre, pâtes soupoudrées d’un soupçon de gruyère, et parfois (mais seulement les jours de fêtes) des pâtes au parmesan. Néanmoins ce cadre des plus inhabituels entraîne un début de scolarité excellent et des appréciations favorables vis-à-vis des professeurs, Mickael est loin d’être le profil type des sales cons qui volent le goûter des gosses à la récréation, des enfants qui se comportent comme le dernier des gars pour un kinder qui colle au papier. A vrai dire, Mickael est comblé de réussites, et mis à part quelques idiots dissimulant leur jalousie sous des remarques homophobes; il a toujours su garder le sourire, et une bonne image en toute situation.

Une nouvelle distraction s’impose à Mickael, néanmoins cette dernière est cent fois plus plaisante que les simagrées de la météo. Un simple regard échangé avec un grand brun suffit à rendre le cours le plus intéressant depuis le début de l’année.

Leslie Lee a tout pour plaire à Mickael; en plus d’être son idéal masculin (ce qui est un plus qu’on ne refuse pas), les deux s’entendent à merveille. Il suffit d’un mois à peine pour que les jeunes gens officialisent leur relation, et l’obtention de leur diplôme de faculté pour se marier. Une décision peut-être précipitée pour des étudiants fraîchement licenciés; du moins pas pour eux, qui se projettent déjà avec trois chiens et une perruche. Ils prennent un appartement, tandis que Leslie recherche un emploi et Mickael entame son doctorat. Les pouvoirs de Leslie ne gêne en rien son compagnon, habitué à une société de superhéros et acclimaté à la situation grâce à sa mère. Il est d’ailleurs un des seuls à savoir gérer ses crises, à force de scotch double face sur sa précieuse vaisselle pour éviter toute casse. Disons que les deux se complètent, malgré des caractères opposés, ce qui poussera d’ailleurs Mickael à faire sa demande. Une routine des plus agréables se forment au fil des années, ponctuée des manies du blond et de tout ce qui constitue le plus basique d’un couple, allant même jusqu’aux pyjamas assortis. Leur chez-eux devient une véritable caverne aux trésors, et renferme d’ailleurs les meilleurs moments de leur couple. Entre les dizaines de photos que Mickael a pris de Leslie qui sont exposées sur le frigo (sous la couche de magnets qu’il collectionne); la figurine de la mariée en topping de leur gâteau de mariage qui les a fait pleurer de rire, le patissier n’ayant clairement pas compris qu’il s’agissait d’un mariage gay; ou encore la panoplie de coussins paillettes que Mickael stocke sur leur canapé, à la consternation de Leslie : leur appartement regorge de souvenirs. A vrai dire, on ne peut pas savoir à quel moment précis la situation a viré de bord; mais l'idylle a fini par se dégrader petit à petit. Le job de Leslie au SHinc lui était clairement monté à la tête, et Mickael ne pouvait tout bonnement plus subir les excès de colère de son mari.

Alors l’inévitable se produit, et Mickael impose un break. Une décision qu’il regrette amèrement. Après tout, l’amour est toujours au rendez-vous, seulement lorsqu’ils s’aiment, ils se déchirent. Désormais ils vivent séparément, ils ont jugé que c’était pour le mieux, néanmoins Mickael a gardé les photos de Leslie sur son frigidaire. Parfois, lorsqu’il conduit dans Londres à bord de sa vieille Mazda bleue, qui démarre à sa guise et dont les sièges empestent le gouda ( ses collègues lui ont plusieurs fois conseillé de se débarrasser de sa voiture, et ont même comploté pour la dégager du parking de la faculté, mais celui qui y touche peut dire adieu à ses doigts); il lui vient des pensées nostalgiques. Il lui est impossible d’oublier Leslie; et quand bien même Mickael essaye de construire une relation avec un autre, il ne peut aller au bout des choses.

Alors, il coupe le contact et reste immobile, les yeux fixés sur le long bâtiment en brique dont les deux ailes sont séparées par une grande baie aux vitres teintées. Sur le devant s'étend une pelouse et des places de stationnement et, au-delà, on aperçoit un vaste espace non pavé, puis d'autres bâtiments gris. “SHinc” annonce le panneau. Il s’imagine raccompagner Leslie à la sortie de son travail, lui payer un starbucks sur la route et faire comme si de rien n’était. Mais c’est impossible. Alors il détourne le regard, allume le contact, démarre sa Mazda bleue et quitte le parking, comme si de rien n’était.

Niveau 1 : Au début, c'est plus une sorte de jeu qu'un réel besoin d'en connaître plus sur l'autre. Mickael s'amuse souvent à deviner le prénom du chien, la couleur préférée, la date d'anniversaire ou anecdotes du même gabarie relativement évidentes; quitte parfois à se planter. Cela relève bien sûr strictement du coup de poker; dans tous les cas, le hasard fait généralement bien les choses.
Niveau 2 & malus : En dehors de la chance, son intuition l'amène parfois à écouter avec plus d'attention ses congénères, se doutant immédiatement lorsque quelque chose de mauvais (ou de bon) se trame. Un tantinet fouineur dans ce genre de situations, il lui arrive de se montrer déplacé dans ses mots, sans pour autant le vouloir. La curiosité à des défauts.
Niveau 3 & malus : Mickael a du flair lorsque les évènements tournent au vinaigre, et dans la plupart des cas, il se méfie à raison. Pourtant son anxiété prend généralement les devants, frisant la paranoïa et l'empêchant de raisonner de manière rationnelle.

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