L'espace d'échange avec le SHinc

Après avoir quitté l’espace de restauration en laissant Isaac et Kennedy gérer sur place, j’arrivais à l’espace échange où j’avais vu Giuseppa pour la dernière fois. Mais c’était bien une heure plus tôt ? Un peu plus ? J’en savais rien. Il y avait de fortes chances pour qu’elle ne soit plus là. Il y avait aussi des chances pour qu’elle se trouve autour de Big Ben et qu’elle soit complètement morte comme une souris dans un piège. Elle ne pouvait pas simplement répondre à mon message, évidemment que non. Il fallait qu’elle soit dans la lumière encore et toujours. C’était probablement un plan pour que je lui accorde de l’attention et bien congratulations la truie, je suis ici pour te retrouver et tu ne me facilites pas la tâche. Pourtant ça ne devait pas être très difficile de trouver une souris taille humaine. Mais la foule était tellement hostile que je n’osais même pas demander si quelqu’un avait vu Happy. Je venais de voir une fille pousser un gamin par terre pour passer avant lui, et ça ne me faisait même pas rire : j’étais définitivement en mode panique. Je devais retrouver l’idiote du village, c’était ma mission. Les héros ne manquaient pas, les secours étaient là et tentaient de prendre en charge la plupart des personnes qui voulaient bien se laisser approcher. J’avais du mal à accepter cette vérité, mais Happy était la tête d’affiche de la compagnie. Et je ne pouvais me résoudre à la laisser. Et ce n’était pas pour elle : c’était pour les fans, pour la compagnie, pour le monde. Non, je continuais à en avoir rien à faire de Giuseppa. Mais alors pourquoi mon cœur battait autant ? Pourquoi je courais dans tous les sens en la cherchant du regard ? Pourquoi je mettais autant d’énergie à la retrouver ? Je… Arg c’était ridicule. Elle m’énervait. Dans sa manière de me snobber, elle m’énervait.
Je poursuivais mes recherches, mais un mur de personnes se dressait devant moi. Je tentais de passer, mais la foule commençait véritablement à devenir agressive. L’égoïsme à son paroxysme, il n’y avait plus réellement de solidarité. La peur prenait le dessus sur le reste. Ce mur humain m’empêchait de passer, et j’avais beau crier de se pousser pour une fois personne ne m’écoutait. J’étais en panique à essayer de contourner ces gens mais ça allait prendre beaucoup plus de temps que prévu. Et le pire c’est que je n’avais toujours pas trouvé Giuseppa. Visiblement agacée, je poussais un hurlement strident afin de surprendre et de tétaniser les gens autour de moi, cela dans le seul but de finalement réussir à me frayer un chemin dans cette foule. J’y étais parvenu mais cela m’avait permis de faire uniquement quelques mètres, ce qui n’était rien. L’espace échange était énorme, le nombre de personnes encore présentes était impressionnant et les chances pour que je tombe pile sur elle était très minces. J’arrêtais alors de courir, regardant autour de moi. Mon cœur me faisait mal, extrêmement mal. Et je commençais réellement à envisager le pire. Cette idiote. Je la détestais.

J’étais littéralement prête à en tuer un sur place. Certains crétins profitaient clairement de la cohue pour me mettre des mains aux fesses. Ils n’avaient clairement pas honte, sur une femme presque enceinte. Finalement, au bout de la 42ème main au panier, je me retournais pour envoyer une énorme gifle dans le visage d’un espèce de goujat. Il y avait eu assez de catastrophes, il n’y avait pas besoin d’en rajouter. Je me retournais pour poursuivre la recherche de cette espèce de vieille folle qui était peut-être morte alors que je devais personnellement la tuer. Ariès était là, devant moi. Il venait d’apparaître comme par magie, tel une bonne fée du stylisme. Ce dernier avait l’air un poil paniqué, ce qui était assez compréhensible au vu des évènements. Il cherchait Happy, comme moi. Mais il cherchait également Archie. Ainsi que son chat. J’avais déjà du mal à trouver une souris, personnellement, alors il ne fallait pas trop m’en demander. J’attrapais son bras pour le forcer à me suivre alors que je reprenais la route pour trouver Giu. « Tout va bien, Ariès. J’ai déjà vécu ça lors de soldes chez McQueen, il suffit de garder en tête son objectif : on va trouver Happy, on va trouver Archie et on va trouver ton chat. » Je n’étais moi-même pas très convaincu de tout ça, mais il devait y croire pour éviter de sombrer. On ne pouvait pas tous sombrer en même temps, certains devaient réussir à se contenir. Et sans vouloir paraître un peu trop sûre de moi, même si évidemment c’était le cas, je pensais vraiment être un peu plus à même de gérer une situation de crise que le pauvre Ariès dont le visage tout transpirant jurer un peu avec sa tenue élégante. On s’engouffrait tous les deux dans la foule, pour finalement se retrouver nez à nez avec Giu ! Mon cœur fit un bond, me causant une douleur intense mais agréable sur le moment. Je l’avais retrouvé. J’ignorais pourquoi mais j’étais contente. Pourquoi j’étais contente ? Je préférais croire que c’était de voir qu’elle était vivante, et que j’aurais la liberté de la tuer moi-même. Mais au fond… j’en savais rien. C’était un drôle de sentiment. Elle était devant nous, et elle semblait différente. Perturbé. Ce qui était compréhensible, mais elle semblait réellement dépassé et presque à l’ouest. Ce n’était clairement pas son état normal, et je la connaissais un peu en dépit de notre rivalité constante. Ça ressemblait à ses effets secondaires. Dans ces moments-là, il y avait une chose importante : ne pas croiser son regard. À moins de commencer à agir d’une façon un peu bizarre, comme cette mamie qui venait de se mettre à chanter. Je lâchais Ariès pour me concentrer sur Happy devant nous, cette dernière commençant alors à s’excuser sans réellement me donner la possibilité d’en placer une. Elle n’était réellement pas dans son état normal. Elle ne m’aurait jamais dit tout ça. Et même si j’avais l’impression que le malus parlait pour elle, je ne pus retenir ce sourire. La situation était critique, on pourrait très bien revenir à cette guerre froide dès le lendemain. Cependant, et alors qu’elle continuait ses excuses, elle fit allusion à Major et au fait de dire la vérité. Ce n’était pas envisageable ça. Du moins pas comme ça. Elle ne devait pas agir sous l’effet de son malus, elle ne pouvait pas tout perdre en partie par ma faute. Je n’étais pas sérieuse, ou peut-être que je ne le pensais pas. Bon sang, il fallait toujours qu’elle complique tout cette folle. Et alors qu’elle venait de sortir son téléphone, elle prit tout simplement la fuite ! Le tout sur le regard d’Ariès et de… Archie ? Et un chat ? Bon sang tout allait beaucoup trop vite, je ne comprenais plus grand-chose mais mon regard tentait simplement de voir où pouvait bien aller Giuseppa qui ne m’avait même pas donné l’occasion de lui répondre. Elle était en train de partir, téléphone à l’oreille à semer la zizanie sur son passage à cause de ses capacités hors norme. Ariès me demanda de suivre Archie, et Archie tenta de nous convaincre de le suivre. Je regardais les deux hommes, puis je regardais Happy s’éloigner de plus en plus. Je me mordis la lèvre. Pourquoi faire simple quand on pouvait faire compliquer ? Cette situation n’avait rien de simple, voilà pourquoi.

« Je… je suis désolé, je ne peux pas la laisser. Partez tous les deux, aidez les gens que vous croiserez et mettez-vous en sécurité. Je m’occupe de Giu. Je ne peux pas la laisser toute seule. Je suis désolé. »

Sans même attendre une réponse, ce qui leur donnerait une occasion de vouloir me convaincre de rester avec eux, je me mettais à courir pour partir retrouver Giuseppa. Elle ne pouvait pas gâcher sa vie, elle n’était pas en état de prendre des décisions aussi graves. Elle n’était pas en état de retrouver Major seule. Et elle était en train de contaminer toutes les personnes qui avaient le malheur de croiser son regard. Elle avait besoin d’une personne. J’avais été son âme-sœur, fut un temps. J’avais été sa personne. Je pouvais le redevenir. Au moins pendant quelques minutes. Cette guerre stupide reprendrait demain. Et la Pearl peste et complètement barré aussi. L’heure était grave, des vies avaient été enlevés et le chaos régnait. Il n’y avait aucunement besoin d’une autre catastrophe, ce n’était pas possible. Je courrais comme une folle, me prenant des coups de la foule au passage. Je l’avais retrouvé, alors il était possible de la retrouver encore une fois. Soudainement, je l’aperçus à l’arrêt. J’attrapais l’une de ses oreilles de souris pour la forcer à se retourner. Il ne fallait pas croiser son regard. « Cette fois tu te tais et tu m’écoutes ! Tu n’es pas plus responsable que moi pour ce qui s’est passé entre nous, alors tu ne culpabilises pas. On garde la tête froide, et on retrouve ton Major et ta fille. Et tu oublies l’idée de lui avouer la vérité, je comptais pas le faire moi-même et ce n’est pas le moment. » Je lui disais tout ça en me concentrant sur ses oreilles idiotes de mascotte à la noix. Mon regard était inexorablement attiré vers le sien, mais je ne pouvais pas la regarder. C’était beaucoup trop dangereux. Je risquais de sombrer dans une folie passagère, comme les gens autour de nous qui avaient le malheur de la regarder dans les yeux. Il fallait régler ce problème. Il fallait que je fasse quelque chose. Je ne pouvais pas rester impuissante. « Je… je vais t’envoûter Giu. Quelques secondes, juste pour que tu puisses retrouver tes esprits. Ça va remettre ton cerveau à zéro. Pendant ce temps tu seras consciente, mais tu n’auras plus le contrôle de tes actions. Tu seras comme ensorcelée. Je suis désolé pour ça, c’est la seule solution. » Je n’étais pas plus heureuse qu’elle de devoir utiliser mon pouvoir, en vérité. Archie m’avait aidé, il m’avait sauver la vie de façon temporaire et je m’étais juré de ne plus utiliser ce pouvoir maudit dont le malus me conduisait tout droit vers une mort lente mais certaine. Mais là… il s’agissait de Giuseppa. Et de sa famille. Je n’avais personne, mais elle avait une famille. Et je ne pouvais pas rester sans rien faire. Au nom de ce qu’on avait été. Je fermais les yeux, laissant une chaleur intense s’emparer de moi. Mon esprit se concentra sur le visage de Giuseppa, alors que mon cœur s’emballait à toute vitesse comme prêt à sortir de ma poitrine. J’étais dans un état second, alors que je puisais dans mon énergie pour pouvoir utiliser ce pouvoir. Je rouvrais les yeux, et croisais son regard. C’était obligatoire pour que ça fonctionne. Cela était à double-tranchant : si ça avait réussi, alors la folie ne m’atteindrait pas. Si ça ne réussissait pas, alors j’allais danser sur une table. À priori, ça avait fonctionné. Giuseppa était calme, mais en transe.  Elle était sous mon contrôle, pendant quelques instants, prête à faire tout ce que je lui demanderais comme un petit soldat. En temps normal, j’aurais usé de ce pouvoir pour la forcer à se tourner en ridicule : sauter à pieds-joints sur une peau de banane, porter des ballerines, mélanger du jaune et du rouge pour ressembler au clown de McDonald’s. Mais pas aujourd’hui. J’attendais quelques secondes, avant de claquer des doigts pour la sortir de son état léthargique. Et lui redonner son comportement normal. Celui où elle me détestait habituellement. Car oui, c’était aussi le risque de tout ça : j’avais entendu ses excuses, ce qui avait été agréable en fait. Mais désormais elle redevenait elle-même avec son arrogance, ses mensonges, sa haine pour moi. Mais elle avait de nouveau la tête sur les épaules et était en pleine possession de ses moyens. Elle pouvait retrouver Major et sa fille. J’avais fait ce que j’avais à faire. Je baissais les yeux, avant de pousser un petit cri. Je m’écroulais, les genoux au sol, la main sur ma poitrine. Mon cœur venait de se solidifier à nouveau, mais en provoquant une douleur beaucoup plus intense que d’habitude. Sans doute n’avait-il pas apprécié la remise à zéro par Archie. Sans doute voulait-il me le faire payer. La main sur cet organe défaillant, je fermais les yeux. Ça valait le coup.

C’était une drôle de sensation. Une sorte de bien-être intense, comme si toute la douleur que j’avais ressenti s’était envolé. Je n’avais plus conscience de rien, j’avais simplement l’impression de flotter. Je ne voyais pas grand-chose à part cette lumière aveuglante dans cette pièce immaculée. Mais j’entendais. J’entendais des voix. J’entendais la voix de Giuseppa, elle essayait de m’aider. Je… je n’arrivais pas à ressentir. Je n’arrivais pas à réagir. Mais sa voix m’apaisait. Ses mots m’apaisaient. Le ton qu’elle employait m’apaisait. Je l’entendais me dire toutes ces choses et j’étais reconnaissante envers la vie de m’avoir donné la possibilité d’entendre tout ça. Peu importe l’endroit où j’étais, et ce qui allait m’arriver. J’allais… mourir, c’était ça. Cette épée de Damoclès au-dessus de ma tête, elle avait fini par s’abattre sur moi. Ce n’était pas une surprise. Mais ce n’était pas non plus le bon moment. J’aurais espéré avoir du temps, cette fois. Pour profiter un peu de Giuseppa, des 5 minutes de gentillesse qu’on pouvait avoir l’une avec l’autre avant de redevenir des ennemies parfaites. Profiter un peu de Kyle et lui permettre d’accomplir son objectif, lui qui m’avait offert son amitié sans détour. Profiter aussi de Hayley, ma meilleure équipière, qui ne gagnera plus jamais de mission sans moi avec ses cheveux jaunes. Je… Je n’avais pas beaucoup d’amis. Mes fans allaient me regretter quelques temps avant de passer à la fille qui me remplacera. Je ne suis qu’un numéro. Je ne suis qu’un pion. Je ne suis rien. Et ça se confirme aujourd’hui. J’ai toujours trouvé ça fascinant. Le fait de se réveiller un matin et d’ignorer qu’il s’agit du dernier. De prendre son rouge à lèvre Chanel, et de l’user une dernière fois le rendant impossible à redistribuer. De venir à un évènement à priori sans danger, et se trouver le lendemain sur la liste des personnes décédées. Je n’étais pas triste. Je ne ressentais rien. Mais j’aurais voulu du temps.
Et je les entendais. Je t’entends, Hayley. Et je crois que c’est grâce à toi que je ne ressens aucun mal. C’est grâce à toi que je suis dans cette sorte de béatitude un peu bizarre. Et je te remercie, vraiment. Je suis incapable de le dire. Mais je te remercie, réellement, pour tout. Je sens alors une décharge. Première douleur depuis mon arrivée ici. Ça ne pouvait pas être si simple. J’entendais une voix inconnue, puis une autre voix. Non, ça ne marchera pas vous… vous allez juste rompre le pouvoir de Hayley. Elle qui devait être une loque humaine désormais, méritait au moins que son pouvoir ait servit à quelque chose. Arrêtez, ça ne fonctionnera pas. Il fallait Archie, il était le seul à m’avoir aidé. Mais Archie… Archie n’était pas là. Archie ne m’appréciait pas. Et Archie avait souffert la première fois. Alors Archie n’avait pas à subir ça. Et quand bien même, rien ne pourrait aider. J’étais condamné ? Je l’étais oui. J’allais mourir, pourquoi j’en étais si persuadé ? Pourtant j’entendais sa voix, celle de ce rouquin un peu trop musclé pour avoir une tête aussi angélique. Il était là, mais je refusais d’y croire. Je devais délirer. Il ne me sauverait pas. Il y risquerait la mort lui-même. Mais je l’entendais, sa voix me dire de lui refiler ma maladie. Je crois même qu’il avait dit putain. Je ne pouvais pas rire dans cet endroit, et la situation critique ne devrait pas me pousser à rire, mais je trouvais ce mot drôle. ‘’Putain’’. Il voulait dire tellement de choses, il était utilisable pour tant de situation. C’était le mot universel, celui qui passait partout. Oui Archie, putain, j’essayais. Je fermais les yeux, alors que cette lumière se faisait véritablement attirante. Mais je n’y arrivais pas. Je rouvrais mes yeux qui devaient être réellement magnifiques pour partir en direction de cette lumière. J’y étais presque. J’étais proche. Mais… mon cœur ? Je pouvais sentir mon cœur ici ? Je… j’étouffais. Et je… la pièce n’était plus blanche, elle devait sombre. Je poussais un cri, et je me réveillais d’un bond.

J’étais là, à l’espace d’échange. Là où tout s’était terminé. J’étais… vivante ? J’étais vivante ? Il s’était passé quoi ? J’étais ici avec Giuseppa, puis j’étais dans cette pièce blanche, et il y avait toutes ces voix, et puis Archie… ARCHIE ?! Je tournais la tête. Il était inconscient, à côté de moi. Avec du sang. Du sang, et un Archie avec des yeux beaucoup trop fermés à mon goût. Je jetais un œil vers Hayley qui semblait faire la danse de la joie. Et Giuseppa qui pleurait comme une dépressive. Et un journaliste ?! Je… Bon sang, il se passait quoi ici ? Je me levais pour chercher du regard une aide quelconque. « Bon sang c’est quoi ce putain de bordel ! ». Putain, il passe partout ce mot. Mais il n’y avait rien. Juste Archie en train de mourir. J’étais dépassé. J’ignorais ce que je pouvais faire. J’étais apparemment la seule à être véritablement là, moi qui avais probablement été morte l’espace d’un instant. Mon souffle se faisait rapide, j’étais en train de paniqué. Je ne pouvais pas paniquer. Étrangement, tout reposait sur mes frêles épaules. Comment la situation avait pu s’inverser à ce point ? Je baissais la tête. Il y avait une solution. Mais ça voulait dire… ça voulait dire revenir au point de départ. Je pus sentir une larme couler sur ma joue. Cette journée. Cette putain de journée. J’avalais ma salive. J’étais une héroïne. C’était mon devoir. Pour une fois, j’allais être cette héroïne. Je relevais le visage et me tournais vers Giuseppa. Une nouvelle larme coulant sur ma joue. Un sourire sur mes lèvres. Et j’allais vers elle pour l’entourer de mes bras. Elle pleurait, elle disait des choses ignobles sur elle. C’était son pouvoir, elle l’avait encore utilisé cette idiote et maintenant elle était en train de dire n’importe quoi. Ne t’inquiète pas ma belle, ça va bientôt s’arrêter. Car tu n’es pas tout ça. Tu es forte. Tu es intelligente. Et je suis jalouse de toi, depuis toujours. À partir de maintenant, je serais fière. Fière d’avoir été ton amie. Et Hayley. Je jetais un regard vers elle. Elle était en train de faire une marelle sans dessin au sol. Elle était encore innocente, elle était trop heureuse pour voir le malheur s’abattre sur chacun d’entre-nous, les uns après les autres. Avoir un pouvoir c’était un cadeau, mais aussi une tare. On s’en apercevait avec ces malus qui nous menaçaient la vie, parfois au sens littéral du terme. Et j’allais m’en apercevoir, cette fois encore. Je prenais une grande inspiration, alors que je lâchais Giuseppa pour regarder Archie au sol. C’était un mal nécessaire. Le mal pour faire le bien. J’étais déjà morte une fois. Après tout. Et ce n’était pas si douloureux. Je pouvais encaisser. Archie lui, n’avait pas à vivre ça.

Je fermais les yeux, me concentrant comme jamais je ne l’avais fait auparavant. Je sentais mon cœur trembler, mon corps se crisper sous la puissance de ce pouvoir que je n’avais jamais vraiment utilisé avec une telle intensité. Je visualisais le stand dans ma tête, les environs dans ma tête. Je visualisais mon objectif, je visualisais mon but. Et très vite je… je sentis mon cœur se durcir. C’était fort. Très fort. Je n’en ressentirais les effets qu’après, comme à chaque fois. Mais j’étais heureuse. Ça voulait dire que ça avait marché. Je rouvrais les yeux. Ils étaient devant moi : Giu, Hayley, cette homme, ce journaliste, et quelques civils qui étaient proche dans un rayon d’environ 10 mètres. J’avais utilisé mon pouvoir à sa pleine puissance. Toutes personnes dans un rayon de 10 mètres étaient désormais envoutés par ma personne, prête à exécuter mes moindres désirs. Seul Archie n’avait pas été réceptif. Preuve qu’il n’était déjà plus conscient. Je me mordais la lèvre, essuyant ces larmes qui coulaient sur mes joues. Je devais être une héroïne. Il n’était plus l’heure de pleurer comme une pauvre fille. « Vous, les deux que je ne connais pas. Et vous aussi, les deux costauds là. Vous allez porter cet homme au sol. Et vous y allez doucement, c’est pas un sac à patate, il est très musclé et il peut vous ratatiner la tronche. » Je tournais la tête vers la plupart des autres personnes, donc mes deux amies. « Quant à vous, vous allez me suivre. On va se frayer un chemin jusqu’à la sortie. Il est temps de sortir de ce putain d’enfer. » Je tournais la tête vers une sirène que j’entendais au loin. C’était par là. « Ça suffit les conneries. » Je me mettais à marcher, avec mon armée derrière moi. Giu et Hayley étaient derrière moi, elles semblaient n’avoir plus aucune émotion mais ce n’était que temporaire. Ça n’avait rien de satisfaisant pour moi, que de les transformer en poupée de chiffon sans libre-arbitre. Mais il s’agissait de les sauver. Les 4 autres avaient levé Archie, et le transportaient avec douceur comme je l’avais demandé. J’étais devant, comme une conquérante en train de poser un pied sur une nouvelle terre, avec mes petits zombies derrière moi. L’image avait quelque chose d’héroïque. La situation ne l’était pas vraiment. C’était la solution de la dernière chance. Au bout de quelques dizaines de mètres, on franchissait les barrières de sécurité qui délimitaient la zone d’échange. On en était sorti ? Je tournais la tête pour voir une ambulance non loin. Je m’y dirigeais, suivi de près par mes équipiers. Je venais de ramener des héros, des civils. Ils avaient plus qu’à faire leur travail.

« Je suis FeelinGirl, et je suis accompagné de Happy et de Kat Eyes. Ces gens sont des personnes qui n’arrivaient pas à sortir de la zone. Et cet homme que ces garçons portent, il s’agit de Miracle Medecine. Il a besoin d’une assistance médicale renforcée. Il va mourir si vous ne faites rien et je vous interdis de ne rien faire parce que cet homme est un héros. Un véritable héros. Et je… je refuse d’avoir fait tout ça pour rien. Alors vous allez l’aider, vous allez le prendre en charge et lui sauver la vie. J’espère que c’est clair. EST-CE QUE C’EST CLAIR ?! » Le médecin face à moi fut rapidement rejoint par d’autres ambulanciers, surprit par un attroupement soudain et par mon agressivité apparente. Heureusement, mon pouvoir n’était effectif qu’au moment de son utilisation, et n’avait donc aucun effet sur les médecins. Rapidement, certains s’affairèrent pour amener un brancard afin d’y déposer Archie. J’attrapais alors le col du médecin à qui je venais de parler. « Je… je suis en pleine utilisation de mon pouvoir. Ces gens sont contrôlés par moi. À la seconde où je vais stopper ce pouvoir, je… je vais m’écrouler au sol et j’aurais besoin d’une assistance moi aussi. Vous allez probablement devoir user de moyens importants pour me sauver la vie. S’il vous plaît, faites ce qu’il faut. Et ces gens vont probablement être désorientés, ne pas comprendre comment ils sont arrivés ici. Il faudra les rassurer. Je… je peux compter sur vous ? Dites-moi que je peux compter sur vous pour ça ? » Le médecin me fit oui de la tête, très rapidement. Je laissais un sourire se dessiner sur mon visage. J’avais accompli mon devoir. C’était terminé. J’avais sauvé Archie. Et j’avais permis à tout le monde de s’en sortir, de sortir de cet enfer. Mes remerciements envers ce médecin pouvaient se lire dans mon regard. Je fermais alors les yeux pour mettre fin à ce pouvoir qui pouvait être aussi bénéfique que destructeur. Tout un poids se délivra alors de mes épaules, comme si je venais de mettre toutes mes forces en un seul coup. Je rouvrais brusquement les yeux, titubant. « Putain… ». Je tombais au sol. Fin.