The show must go on... with you. ft Evelyn

Please, say yes

Alejandro sortit de son entretien avec un sentiment mitigé. Le producteur de la chaîne pour laquelle il travaille n’avait pas tarit d’éloge à son sujet, ce qui lui donnait un doux sentiment et une envie de continuer dans cette voie. Les audiences de The Power montaient en flèche et ce malgré - ou grâce - au scandale qui avait défrayé la chronique avec la mort de trois héros. Les réseaux sociaux étaient sans appel, le public s’était entiché pour le nouveau présentateur et son accent chantant, et ce n’était pas la presse qui ira dire le contraire au vue du nombres d’interview qu’il avait reçu. Ca c’était la partie positive de son entretien, la partie plus compliquée était le fait que, comme le lui avait dit le producteur, si le public à quelqu’un dans la peau et il faut lui en donner plus. Le principe était rodé : celui qui est aimé sera sur toutes les émissions jusqu’à saturation et, hop, il sera remplacé par un nouveau et ainsi de suite… ainsi va la vie et Alejandro avait bien compris le message : son poste était éphémère, et il devait en profiter à fond dès maintenant. C’est ainsi qu’Alejandro se retrouva à signer un contrat pour une futur émission qui commencera dès la fin de la saison actuelle de The Power ; ce qu’il ne précisa pas évidemment fut le fait qu’il avait accepté car ça servirait aussi les intérêts de Major, mais ça c’était une autre histoire. Là maintenant, l’histoire, c’était qu’il devait accéder à la lubie de son supérieur. Tu vas bien me convaincre Evelyn Clark de travailler avec toi sur ton emission, n’est-ce pas ? qu’il lui avait dit après signature, et Alejandro avait évidemment répondu Bien sûr monsieur alors qu’il paniquait rien qu’à cette idée. Comment il allait faire ? Il ne lui avait JAMAIS parlé de sa vie ! Alors oui forcément qu’il le connaissait mais il le connaissait comme un amateur de danse sait où se cache le talent ! Le ballet n’était pas le domaine de prédilection d’Alejandro mais il avait toujours apprécié s’y rendre, encore plus lorsqu’il était devenu chorégraphe, lui trouvant un talent non négligeable. Il était d’accord avec son supérieur, l’homme serait parfait pour le poste et travailler avec lui serait sans nul doute très enrichissant, mais… enfin… pourquoi il faut que ce soit à lui de lui parler ? Il ne pouvait pas envoyer un agent spécialisé dans le recrutement plutôt… Si tu n’arrives pas à lui vendre notre concept alors tu n’arriveras pas à faire adhérer le public avait poursuivi Johnson en lui mettant la pression, ce qui était inutile, Alej se la mettait déjà bien assez tout seul.

C’est donc craintif, peu en confiance, qu’il se rendit là où travaillait Evelyn afin d’essayer d’obtenir un entretien avec lui. Lorsqu’il avait appelé on lui avait simplement dit “de passer à la fin de la répétition, vers 19h ça devrait être bon” et c’est ce qu’il avait fait. Ses mains trahissaient sa nervosité, il tirait un peu trop sur son pull noir aux motifs zèbres or pour que ce soit juste pour le remettre bien. Il finit même par enlever, puis remettre, son manteau, ne sachant quoi faire de lui-même alors qu’il attendait dans le hall comme l’agent d’accueil lui avait suggéré de le faire.

Enfin, Evelyn Clark sortit de la salle de spectacle.

Monsieur Clark ! L’alpagua Alejandro en allant marcher à côté de lui, excusez moi de vous importuner, je ne sais pas si on vous a prévenu de ma visite ? Il eut un air désolé, se passant la main sur la nuque qui y resta, je suis venu pour vous parler d’une offre que j’ai à vous faire de la part de SHinc Prod. On ne devrait peut-être pas en parler ici… dios mio je suis inconvenant c’est votre lieu de travail et je vous parle d’un autre travail, c’est gênant, très gênant, il détourna le regard, enleva sa main tout en fronçant les sourcils, avant de revenir sur Evelyn. Puis-je vous inviter à prendre un verre avec moi ? Je connais un endroit très sympathique où nous pourrons discuter. Je ne serais pas long, c’est simplement, voyez-vous, nous avons imaginé un nouveau concept. Enfin, Shinc Prod a imaginé un nouveau concept moi je suis juste le messager, et, enfin, bref, ils ont pensé à vous pour travailler dessus. Comme chorégraphe mais aussi intervenant lors des émissions, vous aurez vraiment beaucoup de liberté dans les choix artistiques et… voilà que je commence déjà à vous présenter le poste ! Excusez-moi, du coup, ça, ça vous va ? Que l’on en discute ensemble ? Il eut un sourire d’excuse, franchement gêné par la situation mais pour autant bien décidé à tout donner pour le convaincre…

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Ça devait être la quinzième fois qu'Evelyn interrompait un mouvement pour le reprendre. D'accord il était perfectionniste, mais là il était surtout de mauvaise humeur. Jerry était relou avec les papiers du divorce (alors que c'était quand même lui qui se barrait avec un autre franchement !) et Evelyn avait passé la soirée à foutre sa collection de balle de golf à la poubelle parce qu'à un moment fallait arrêter de faire chier. En plus il avait toujours détesté ces stupides balles qui prenaient la poussière et beaucoup trop de place, et ça faisait déjà plusieurs fois qu'il menaçait son mari de les lui jeter à la tête s'il venait pas les récupérer lui même. Poséïdon l'avait convaincu de se contenter de tout foutre à la poubelle parce qu'il avait pas besoin que le juge ajoute "violence" sur les papiers du divorce. Mais enfin bon quand même ! Des balles de golf quoi ! Qui collectionnait ça ???

Il était donc arrivé le matin déjà de plutôt mauvaise humeur, mais en plus il avait été accueilli par le directeur du théâtre. Ça, en général, ça n'augurait jamais rien de bon. Oui bon ok il avait séché une séance ou deux des AA mais HÉ, il avait dit qu'il serait assidu, pas qu'il allait y passer sa vie non plus ! Puis fallait savoir à un moment, il voulait qu'il aille à toutes ces foutues réunions ou qu'il fasse du charme les potentiels donateurs lors des premières ? Mince à la fin !

Mais non, c'était pas pour ça. Justement, il était bien question d'attirer des donateurs : en participant à une nouvelle émission de télé. Ça, on avait pu entendre Evelyn gueuler dans tout la partie administrative du lieu... Sérieux ? Comme s'il avait que ça à foutre d'aller jouer les ours dansants pour une émission du SHinc ! Il avait quand même pas bossé tant et tant depuis l'adolescence pour aller apprendre la macarena à des crétins qui voulaient leur quart d'heure de gloire télévisuelle ! Sauf que le directeur avait insisté. Et de fil en aiguille, Evelyn avait quand même bien senti que bon, un refus de sa part serait mal vu. Le Royal Ballet avait, comme toutes ces institutions, besoin d'argent, et l'occasion était trop belle pour se permettre de refuser. "Enfin t'as le dernier mot quand même hein bien sûr..." Bien sûr...

Inutile de dire que le niveau d'exigence qu'il avait pour ses danseurs venait encore d'augmenter. Fallait pas déconner. Aussi fûrent-ils soulagés quand Evelyn annonça la fin de la répétition. Non parce qu'à ce stade, ils ne voyaient même plus ce que le chorégraphe cherchait encore à améliorer. Lui non plus d'ailleurs. Puis il pouvait commencer à sentir le tremblement familier dans sa main. Il était temps d'aller fumer une clope et d'enterrer cette maudite journée ! Sauf qu'il avait à peine émergé de la salle de répétition direction le hall qu'il fût aussitôt abordé par un Espagnol nerveux et un brin collant. Il aurait dû garder une balle de golf ou deux tiens. Ça pourrait être utile pour repousser les importuns tiens !

"Ha oui, c'est vous."

C'est vrai qu'on lui avait dit que quelqu'un passerait pour cette histoire. C'est que ça perdait pas de temps ! Pourquoi il avait l'impression de le connaître ce type ? Où est-ce qu'il l'avait vu ? Par contre il était rigolo à être nerveux comme ça. Evelyn leva un sourcil amusé, ne voyant pas très bien en quoi c'était un problème de lui parler "d'un autre travail dans son lieu de travail" alors que c'était littéralement comme ça que fonctionnait tout ce milieu. D'où il sortait lui ?

"C'est vrai que c'est gênant."

Répondit-il sarcastique. Surtout parce que l'inconnu se mettait entre lui et sa cigarette du soir alors qu'Evelyn pouvait sentir sa main trembler légèrement dans sa poche alors que l'autre l'invitait à "prendre un verre". Dans quel monde il était censé aller parler d'un boulot pour la téloche avec un mec qui savait visiblement pas aligner deux phrases et ne pas mettre d'alcool dans son verre ? Finalement il allait les garder les balles de golf, ça allait vraiment servir !

"Ok, on a qu'à faire comme ça, ça sera plus confortable que plantés ici au milieu du hall."

Ça au moins c'était vrai. C'était quand même rigolo comme choix de "messager" pour le convaincre ! On aurait dit que le gars allait se liquéfier à la première occasion ! Evelyn lui montra donc la sortie du bras, histoire d'initier le mouvement. Non parce que sinon il craignait que l'autre ne se lance dans un historique détaillé du premier truc qui passerait dans son champ de vision, et vraiment il avait plus la patience pour ça sans nicotine ! Une fois dehors, Evelyn attrapa son paquet de cigarettes pour en griller une dont il tira aussitôt une bouffé avec un soulagement évident. Ne restait plus qu'à lui embrayer le pas.

"Et sinon vous avez un nom j'imagine ? Non parce que "messager" ça doit pas être évident à porter au quotidien. D'ailleurs pourquoi c'est vous qu'on envoie comme messager ?"

Please, say yes

ft @Evelyn Clark

Qu’est-ce qui est plus gênant qu’un moment gênant ? S’entendre confirmer que, oui oui, c’est très gênant tout ça. Alejandro se sentit rougir, la chaleur sur ses joues étaient désagréable au possible et, faute de pouvoir la faire disparaître, il déglutit en détournant le regard. Bien, c’est pas ce qu’il espérait entendre, être un peu rassuré lui aurait fait plus de bien mais passons. Le plus important était que l’homme avait accepté de discuter posément avec lui, c’était déjà une victoire en soit. Ils partirent donc vers un lieu quelconque, Alejandro ayant l’habitude de flâner, il se sentait plus à son aise dans ce mode de fonctionnement qu’en tête à tête à devoir vendre un concept.

La remarque, ou la blague, ou la moquerie, il ne saurait dire, lui tira un sourire amusé même s’il n’en ressentait pas vraiment le côté drôle. Alejandro, il était un peu surpris de ne pas avoir été un minimum annoncé mais ce n’était pas grave. Si ça se trouve, en vérité, son patron n’avait que lui sous la main ce qui l’avait empêché d’informer en amont qui viendrait voir Evelyn. C’est que je suis le présentateur de l’emission, et mon chef m’a dit que, et bien, ce serait bien que j’en discute avec vous, il eut un sourire un peu timide, comme s’excusant de l’idée imposée par son supérieur.

L’odeur de la cigarette était désagréable, au début il fit comme si ce n’était pas grave mais lorsque l’envie de porter sa paume à son nez se fit sentir il préféra changer de position avec Evelyn pour marcher de façon à ce que le vent ne porte pas l’odeur vers lui. Votre cigarette… l’odeur… bref, je reviens à mes moutons, s’empressa t-il d’ajouter, se sentant s’enfoncer avec ses justifications sur ce mouvement inopiné. L’emission que je vous propose est en prime time le samedi soir, elle reprendra le créneau de The Power quand cette dernière sera terminée. Le concept est simple : des civils et des SHinkies s’affronteront dans un concours de danse, il y aura un jury pour les départager. Cette fois-ci le ton de sa voix était plus sérieux, plus affirmé. Il connaissait le concept, il pouvait en discuter et, pour le coup, c’était son milieu. Après Alejandro ne s’imposait pas, loin de là, il parlait en regardant droit devant lui, parfois observait les bars sans s’y arrêter car pas à son goût. La chaîne aimerait que vous les entraîniez et créiez les chorégraphies. Et peut-être aussi faire de la co-animation avec moi, si ça vous tente.

C’était le moment de lancer la première offensive d’argument, s’il s’arrêtait à ça l’autre n’avait qu’à dire non et c’était terminé. Peu enthousiaste, Alejandro décida de gagner du temps en imposant le bar où ils se poseront. Il y a une table de libre, ce sera parfait. L’établissement vantait ses produits locaux sur sa devanture, cachant une décoration relativement simple mais efficace. Ce n’était pas le lieu de l’année mais ça aura le mérite de faire l’affaire. Voilà. Ils sont assis en terrasse. Nouveau passage de main sur la nuque, il décide de croiser les mains sur la table pour les obliger à être tranquilles.

Comment aborder la chose ?

Kylie lui avait conseillé de le flatter, mais il ne se voyait pas faire ça de but en blanc. Ce serait… bizarre.

Que savait-il sur Evelyn qui pourrait lui servir ?

Outre son CV, il avait lu sur internet qu’il était du 10 juin, autrement dit qu’il est gémeaux. De fait, Alejandro en avait conclu que c’était une personne cérébrale et porté sur les remises en questions, les débats… c’est un artiste naturel… Mais c’est un solitaire, il va donc garder ses idées pour lui. Par contre Evelyn étant devenu un artiste renommé, il a dû dépasser sa nature introvertie et ce changement, cette évolution, est à prendre en compte. Il pourrait lui montrer doucement qu’il peut toucher encore plus de monde ? Apporter de la nouveauté à la télévision ? Changer l’image qu’on les gens des SHinkies mais de la danse en générale ? Apporter même une nouvelle vision du concept de héros ? Etant lui-même amateur de réflexion intellectuelle, il était assez friand de ce côté de la personnalité d’Evelyn. Bon, le côté moins sympathique de sa personnalité, c’est que le gémeau est un pessimiste naturel à tendance paranoïaque qui ne fait pas confiance facilement. Il va donc falloir être très fin psychologue pour ne pas le brusquer, ou lui faire croire malgré lui qu’il lui veut du mal. Quant au reste de sa personnalité, c’est un papillon, il va d’idées en idées, de projets en projets, se poser sur un truc ce n’est pas lui : lui, il a dû mal à résister à l’attrait de la découverte. Et, ça, c’est un gros point pour lui.

Quand faut y aller, faut y aller. Alejandro eut une légère inspiration avant de se lancer dans sa plaidoirie, le ton et le regard plus sûr de lui maintenant que sa préparation était faite. Ce qu’il dira sera énoncé du ton de la conversation, il avait l’accent chantant et son visage restait le même, doux, et ce malgré les mensonges qu’il avancer sans une once d’hésitation, sans aucun tic, véritable maître dans l’art du mensonge.

Avec cette émission vous allez pouvoir diversifier vos activités. Il faudra adapter votre emploi du temps pour les entraînements mais c’est jouable, surtout que vous aurez des assistants si vous le souhaitez. Que vous pourrez vous-même choisir, bluffa Alejandro, je sais que vous êtes un danseur de ballet exceptionnel, ah oui la flatterie cela se case facilement, lmais imaginez, vous pourriez être reconnu dans plusieurs styles, et on a pas défini le contenu musical de l’emission donc vous participerez au choix des danses, des chansons… à tout, bluffa de nouveau Alejandro. Il y eu un silence pendant lequel il bougea un peu pour se mettre bien, croisant les jambes et posant ses mains sur ses genoux. Personnellement j’adore la danse et le concept de l’emission me parle, j’aime bien l’idée qu’on apporte un peu de magie aux téléspectateurs, et qu’on leur donne accès à une culture que beaucoup ne peuvent pas s’offrir. Il se tut pour sourire doucement, osant se dévoiler pour essayer de créer un lien qui calmerait la méfiance naturelle d’un gémeau, et vous ? Vous aimeriez apporter quoi, à ceux qui vous regarde ? Qu’est-ce que vous aimez dans le métier de chorégraphe, au final ? La question ouverte était posée autant pour avoir des arguments pour le convaincre, pour créer un lien que par réelle curiosité intellectuelle. Il aimait ça, découvrir l’autre, le comprendre, s’enrichir de l’expérience d’autrui et si Evelyn était réceptif, cela pourrait peut-être être un bon moment à partager.

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Evelyn avait jamais été très doué pour cacher quand quelque chose l'agaçait. Faut dire qu'il avait jamais vraiment essayer non plus, alors forcément, ça risquait pas de marcher. Puis fallait croire que râler sur le directeur ou dans les SMS d'Ezra, ça n'avait pas suffi. Le chorégraphe n'avait pas forcément le choix d'être là, e qui ne l'enchantait guère, et il n'avait aucune intention de s'en cacher ou de faciliter la tâche au fameux messager. Bien sûr, l'idée que lui aussi se soit vu forcer la main lui avait bien traversé la tête, mais il voyait pas trop en quoi c'était son problème.

"Et bien Alejandro, on dirait qu'on est dans le même bateau."

Bon d'accord, si lui aussi il s'était vu imposé ça par son directeur, il allait peut-être faire un effort pour pas trop lui faire payer sa mauvaise humeur. Peut-être. Ça irait mieux après la clope déjà. Oui oui, il avait remplacé une addiction par une autre, ou pas vu que ça faisait longtemps... disons plutôt qu'il avait pas eu les nerfs d'en couper deux d'un coup. Au moins on fait pas de connerie avec une clope. Sauf enfumer des présentateurs de télé-crochet semble-t-il. Décidément, qu'il était agaçant cet Alejandro ! Evelyn lève les yeux au ciel et ravale la remarque acerbe qui lui vient, summum de l'effort. S'il veut que l'Américain soit un minimum coopératif, il ferait mieux d'accepter l'odeur de la clope ! Pour le reste, Evelyn se contente d'écouter. Ha oui donc, on lui proposait bien de faire le singe dansant !

"Sauf que c'est pas mon métier ça."

Chorégraphier passe encore. D'autant qu'il le pensait vraiment quand il en parlait avec Ezra. Si y avait pas cette stupide loi Scalla, y avait moyen d'utiliser les pouvoirs des gens pour créer des chorégraphies absolument hallucinantes. Aux États-Unis, ils avaient pas ce genre de connerie et il avait lui-même pu participer à des chorégraphies mêlant humains et super-héros. Une sacrée expérience ! Bien sûr, il s'était bien gardé de dire qu'il avait un pouvoir lui aussi... il aurait perdu toute crédibilité dans le milieu ! Mais de toute façon, au pays du SHinc, c'était même pas la peine d'y penser. Qu'est-ce qui lui avait pris d'immigrer ?

Bar choisi. Bon, va falloir être sage. Evelyn écrase son mégot qu'il jette dans une poubelle avoisinante plutôt que dans le cendrier sur la table, histoire d'épargner ça à son interlocuteur. Voilà, il avait donné dans la politesse.

"Et du coup il vous refourgue tous leurs télé-crochets ? Ou vous choisissez ? Comment ça se passe ?"

Après tout, il connaissait pas le milieu, ni comment ça marche. Tout ce qu'il savait de tout ça, c'était Josiane qui lui avait dit, et la brave femme n'était pas la personne la plus fiable de tout Londres ! Sacrée Josiane, faudrait vraiment lui trouver quelque chose à faire !

En attendant, à quoi il pense le présentateur là ? On dirait un gamin qui essaie de se souvenir de son texte... il a intérêt à le retrouver vite parce que si ça traîne trop Evelyn va finir par être forcé de se rallumer une clope pour s'occuper les mains ! Ceci dit il est rigolo. Ok il a promis à Ezra qu'il serait méfiant... sous prétexte qu'il était foutu de changer de continent sur un coup de tête pour rentrer dans une compagnie il passait pour quelqu'un d'impulsif ? pfff ! Est-ce qu'il regrettait de plus danser ? oui. Est-ce qu'il vivait mal sa gloire perdue ? sans doute. Mais fallait pas déconner : il avait pas bu assez d'alcool dans sa vie pour croire que n'importe quel contrat aussi avantageux soit-il avec le SHinc lui rendrait sa jambe et la possibilité d'être d'être danseur pro. À partir de là, si Alejandro voulait avoir la moindre chance, faudrait que sa proposition soit effectivement moins chiante que se taper toutes les réceptions du Royal Ballet en étant sobre.

Ha ça y est ! Alejandro s'est décoincé ! C'est parti pour le grand jeu ! En tout cas il a l'air plus sûr de lui que tout à l'heure. C'est l'odeur de cigarettes qui le perturbait à ce point ? Ou alors il avait oublié de répéter le début de son speech et il arrivait maintenant à la partie qu'il maîtrisait plus. Froncements de sourcils. Genre c'est à lui d'adapter son emploi du temps ? Ça part bien ça tiens. Bras croisés, la tête calée dans une main, il écoute le présentateur dérouler son speech. Sceptique. Qu'est-ce qui lui fait croire qu'il a envie de se diversifier ? Bien sûr qu'il adore la danse sous toutes ces formes, mais son truc, ça a toujours été le ballet. Qu'est-ce qu'ils l'emmerdent tous là ? La partie donner accès à ceux qui peuvent pas lui plait déjà plus, mais il est complètement sûr non plus que ça soit la meilleure façon de le faire. Le chorégraphe allait pas apprendre le ballet à des newbies en une semaine !

"Elle est bizarre votre question, vous partez du principe que j'ai déjà dit oui pour me demander ce que je veux apporter aux gens qui regardent ?"

Dans la mesure où on venait le chercher, c'était quand même un peu prendre les choses à l'envers que de lui demander ce qu'il voulait apporter. Il voulait rien du tout lui ! D'ailleurs puisqu'on lui en parlait...

"D'ailleurs c'est un peu gonflé de la part de vos patrons de venir me chercher pour ensuite exiger que j'adapte mon emploi du temps à leurs contraintes. Les calendriers pour la saison sont déjà fixés, c'est pas vraiment comme si je pouvais tout envoyer bouler, y a des gens qui dépendent de ces décisions."

Parce que même s'il acceptait, la troupe du Ballet restait sa priorité. Il pourrait éventuellement aménager les master class qu'il donnait, mais là encore, c'était limité. Et s'il pouvait envisager de faire leur émission à la con parce qu'il y avait de pires façons de payer ses factures que de faire danser des gens, même à la télé, le Grand Art, ça restait en haut de la liste. Soupir. Bon, Alejandro avait fait un minimum 'efforts pour présenter son speech, alors il allait essayer de pas lui mettre des bâtons dans les roues non plus.

"C'est un métier qui permet de faire ressortir la beauté chez les autres. On les pousse à se dépasser, même si pour ça on doit les poncer jusqu'à l'épuisement. Mais corrigez moi si je me trompe, mais la beauté, c'est pas vraiment la priorité de ce genre d'émission non ? Pourquoi opposer des civils et des shinkies déjà ? Quel intérêt ?"

Bon d'accord, il lui mettrait juste un nombre raisonnable de bâtons dans les roues.

Please, say yes

ft @Evelyn Clark

Les yeux levés au ciel n’échappent pas à Alejandro qui ne dit rien mais n’en pense pas moins sur l’attitude du chorégraphe. Monsieur à le jugement facile dis donc… pas surprenant, ça va bien avec la paranoïa où il est plus simple de s’agacer pour justifier qu’on prend ses distances, qu’on se méfie, de quelqu’un. Pas surprenant mais ça ne va pas lui faciliter la tâche. La remarque à sa présentation eut pour réponse un sourire aussi polie qu’hypocrite. Une expression désolée pour lui, il sait que ce n’est pas son métier… pauvre lui qui se fait approcher par les médias, rabaisser à un ce rôle alors qu’il est un si grand chorégraphe… Compassion désolée sur le sourire, profond désintéret à l’intérieur. S’il était honnête, il lui aurait répondu un “oui et ?” pour marquer à quel point c’était pas vraiment la question ici. Si on vient lui parler, c’est parce qu’il a quand même quelque chose d’intéressant, il croit quoi ? Que son supérieur n’a pas regardé le CV avant de l’envoyer ? Il voulait quoi ? Qu’il lui sorte un milliard d’arguments pour justifier cette incohérence ? Visiblement oui, alors jouons le jeu… C’est vrai que vous sortiriez de votre zone de confort, sauf si vous n’assurez pas la partie co-animation, vous resteriez dans ce que vous connaissez : la chorégraphie, une pause pour l’observer. Est-ce que l’homme va être piqué dans son orgueil et va s’accrocher à l’idée de prouver qu’il peut faire des choses inédites. Après c’est sûr que c’est un défi pour vous, vous entraineriez des débutants et non des danseurs professionnels. Mais je ne doute pas, nous ne doutons pas, que vous vous en sortirez, une oeillade et un sourire complice, amusé, à la fois flatterie et provocation.

La question suivante lui donna la désagréable sensation qu’il se moquait de lui. “Refourge tous les télé-crochets” ? Ça sonnait extrêmement péjoratif, il maitrisait assez l’anglais pour en connaître les nuances. Bien, ça s’annonçait pas sous un bon jour tout ça. Je ne suis pas forcé d’accepter tout ce qu’on me propose, non, si le projet me parle j’y vais, tout simplement, doux sourire, la production me propose des emissions, je pourrais leur proposer des concepts ou me placer sur des emissions existantes mais je n’ai pas encore ressenti ce besoin, une pause avant de reprendre toujours d’un timbre doux,et non, on ne me refourgue pas tout, sourire amusé, léger sourire peu visible,je suis disponible et ils savent que c’est deux sujets qui me passionnent, je n’allais pas refuser. Il taisait la raison première qui était qu’il avait le vent en poupe et que c’était un des premiers trucs qu’il avait apprit dans le milieu : dès qu’un présentateur à la côte la chaîne le case partout jusqu’à ce que le public se lasse. A lui de bien jouer pour que cela n’arrive pas

Ah. Il ne s’attendait pas à cette question après son petit speech. Ni à tout ce qui suivi, mais aucune surprise ou agacement ne fut visible. Est-ce qu’il sentait qu’ils avançaient vers une incompatibilité totale de caractère ? Oui, mais il avait une mission alors allons y, prenons sur soit. Evelyn ne le faisait pas - son soupir n’avait pas échappé à Alej - mais il était en position de force, il aurait tort de le faire. Néanmoins il n’était pas parti alors c’était qu’il y avait de l'intérêt pour l'émission malgré tout… il l’espérait car si sa décision était déjà prise - comme le laissait entendre ses innombrables remarques - ce serait irritant. Je ne m’avancerai pas en pensant que vous êtes déjà convaincu par mes arguments. J’essayais de vous projeter dans l’emission, voir sous quel angle vous l’aborder. Mais c’était un peu tôt, excusez moi, un sourire poli pour souligner ses excuses qu’il ne ressentait pas. Evelyn était vraiment méfiant - encore une fois pas étonnant - pour conclure qu’il le prenait pour un acquis après une malheureuse question ! Pour le calendrier je comprend totalement et pour une fois il était complètement sincère et je pense que vous pourrez avancer cet argument si vous souhaitez le poste. Je sais que l’organisation est possible, mais ce n’est pas à jouer de vous en charger, je pourrais remonter ça à mon supérieur suite à notre échange si vous le voulez ? Une pause avant de reprendre avec un peu plus de sérieux dans la voix. Par contre, excusez moi, mais je ne suis pas d’accord avec vous. Je le suis sur le fait que la danse est l’expression d’une beauté mais c’est ce que l’on souhaite ici : montrer cette beauté. La faire ressortir, la faire expérimenter, à des débutants. Je me suis mal exprimée, ce sera des civils et des shinkies qui danseront ensemble contre d’autres binomes du même ordre. On ne veut pas que “le shinc” affronte des civils, ils peuvent danser ensemble et, mieux, l’un et l’autre peuvent s’apporter énormément dans le jeu. Le ton devient plus léger pour une petite boutade qui a un fond de vérité audible. De vous à moi nos shinkies sont parfois un peu dans leur bulle, la réalité des civils va leur faire du bien. Alejandro se tut pour laisser à Evelyn le temps d’intégrer ce qu’il lui a dit, l’intérêt ici est de montrer qu’une cohésion est possible et, je ne sais pas ce que vous pensez de la situation actuelle, mais entre l’attentat, les gangs… nous avons besoin de cette cohésion. Il se tut, n’osant aller plus loin même si sur le sujet il avait énormément à dire. Ce sera un divertissement très positif, je pense, conclut-il en laissant la chaleur, l’enthousiasme, qu’il éprouvait pour l'émission s’exprimer dans sa voix.

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En fait, le type commence à sérieusement l'agacer. Bon okay, il l'a peut-être pas accueilli à bras ouverts comme il s'y attendait. D'accord. Evelyn a un peu la flemme de faire genre que toute cette histoire ne le soule pas. C'est pas tellement le fait que la télé existe, c'est bon, il a passé suffisamment de temps devant pendant sa vie américaine pour éviter de cracher dessus. Enfin si, dans son milieu, il vaut mieux prétendre ne pas connaître la grille des programmes, ne serait-ce que pour le principe. Non c'est le cirque des financements et de toute l'hypocrisie qui va avec. Celle de son directeur. Celle de cette approche. Et celle de ce type commence particulièrement à l'énerver. À la base, même s'il l'a mal accueilli, il était prêt à considérer que le présentateur non plus était pas forcément à fond dans cette histoire. Mais si le chorégraphe aime bien qu'on lui flatte l'ego, il aime moyennement qu'on le prenne pour un con... Non, il a pas vraiment de doute qu'il pourrait le faire. Aucun même. Après tout il peut tout faire non ? Mais il ressent pas le besoin de faire ses preuves devant ce genre de guignol. Donc pour le moment, il ne réagit purement et simplement pas. Il n'a pas de doute, ses patrons n'en ont pas, lui non. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes sans doute donc.

Par contre, il écoute la réponse d'Alejandro sincèrement curieux. D'une certaine façon, ça le rassure un peu de savoir que le type est au moins un minimum motivé par la salade qu'il vend. Ce sera quand même mieux si en bout de ligne il se retrouve à accepter.

"Tant mieux pour vous alors, ce serait usant et assez pénible sinon j'imagine..."

C'est dit sans sarcasme. Le type le gonfle mais bon, le milieu de la télé c'est un peu comme celui de l'art pour ça : pas mal d'hypocrisie et de trucs relous. Il va éviter de trop lui tirer dans les pattes tant qu'il sait pas si Alej est hypocrite par habitude sociale ou parce qu'il l'est tout simplement. Encore une fois, de son côté, Evelyn sait pas à quel point il peut vraiment dire non. Inutile de se le mettre à dos direct. Enfin pas plus que ce qu'il a déjà fait à pas cacher qu'il était irrité par la situation.

N'empêche que ça a l'air vraiment mal foutu leur affaire ! En tout cas mal organisé... Bon cette fois il va faire l'effort de rien dire. Alejandro n'y est pour rien dans le fond si ces gens sont à l'arrache. N'empêche que c'est soulant. Ça veut dire qu'avant même que ça soit commencé, il va falloir négocier. Aller, Evelyn veut bien faire un effort aussi pour se montrer aimable, puisque l'autre en face la fait...

"Je ne sais pas qui de vos patrons ou des miens sont les moins organisés, mais les deux ensemble, ça a l'air terrible."

Ce qui risque de causer des conflits d'intérêt assez ridicule, au moins d'un point de vue pratique. Enfin bon, c'est pas fait. Pour le moment, le présentateur remet les pendules à l'heure. Le chorégraphe écoute attentivement, plutôt content d'avoir mal compris pour le coup.

"Mes excuses, j'avais effectivement mal compris. Oui c'est plus intéressant comme ça."

Par contre il voit bien ce qu'il veut dire quand il dit que les shinkies sont dans leur bulle. Vu ce que Posé lui raconte de ses interviews parfois ! Quant aux attentats et à ces histoires de gang... il avait pas trop d'avis sur la question. C'était médiatisé n'importe comment, ça c'était sûr. Et il avait assisté à suffisamment d'événements similaires aux États-Unis pour savoir que c'était pas une émission de télé qui allait changer grand chose. Au moins, ça ferait pas de mal et venant de la télé, c'était déjà bien quand elle ne jetait pas de l'huile sur le feu. Ceci dit, il allait pas crever la petite bulle de son interlocuteur, d'autant plus que là dessus, il avait l'air assez sincère. Il garderait ses râleries pour la maison donc. (parce que quand même. quand même !)

"Ça en a le potentiel effectivement. Enfin c'est à ça que sert l'art à la base... enfin au moins en partie. Vous savez déjà comment les candidats vont être choisis ?"

Non parce que si c'était pour choisir les plus à même de faire du buzz et donc du conflit, son divertissement positif il risquait de s'assoir dessus ! Mais ça pour le coup, ça faisait sans doute pas partie des choses sur lesquelles il avait la main non ? Encore que, s'il avait le vent en poupe, il pouvait peut-être négocier... Evelyn en savait rien dans le fond. Mais au delà du niveau de danse, qui dans le fond l'inquiétait pas, c'était surtout les caractères déjà... il avait déjà dû faire danser des troupes qui se détestaient, c'était un enfer sur terre à gérer ! Des fois la compétence à ne pas être un connard fini avec le reste de l'humanité l'emportant sur la compétence technique...

"Il vous faudrait une réponse pour quand ?"

Parce que bon, il est pas beaucoup plus avancé. Le projet en lui-même, pourquoi pas. Dans le fond, c'est toujours intéressant de faire danser des non pros. C'est motivant, et ça l'oblige à repenser certaines choses. Par contre, tout le décorum autour le soule, que ça soit la télé réalité ou le plan de son directeur... Pas gagné quoi.

Please, say yes

ft @Evelyn Clark

Alejandro eut le sentiment, en écoutant les diverses réponses, que la discussion se calmait. C’était moins agressif côté Evelyn, plus ouvert, ce qui était parfait : il était en train de le convaincre. Rien n’était gagné - vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué n’était pas le genre d’Alej - mais ça s’annonçait pas trop mal. Aucune idée, ils ne me l’ont pas dit, comme la conversation avait perdue en tension Alejandro se permit de laisser échapper dans le ton de sa voix, dans un mouvement bref de la main le léger agacement qu’il éprouva. C’était comme le planning, son chef n’avait rien anticipé. Il avait le sentiment qu’il s’était réveillé ce matin pour lui donner la mission “convaincre Evelyn” et basta. Je vais me renseigner, s’ils veulent tenir leur délais ils doivent déjà y penser. Si c’est comme The Power, ils vont prendre des personnes avec des personnalités marquées pour faire adhérer le public. Du provocateur qui fait le buzz à la candide qui a un background difficile… clichés mais ça marche à tous les coups. Sauf pour les provocateurs qui avaient tendance à “disparaître” dans les hangars de Major, pas désolé pour eux mais l’homme de main ne supportait pas ces candidats bully indisciplinés. Ils auront pour la plupart un minimum de connaissance en danse sinon ils ne seront pas capable de tenir la cadence, pas tous forcément…Il se tut avant d’ajouter qu’Evelyn aura vite une idée du candidat que la production voudra gagnant dès le premier jour. Mais comme dit, je n’en sais rien donc je vais me renseigner, ton affirmatif il n’avait aucun doute d’obtenir ces informations. La prod aurait même dû les lui donner dès le début mais passons.

Alejandro se cala un peu mieux dans son siège pour répondre à la prochaine question. Il pourrait répondre “maintenant” pour mettre la pression à Evelyn mais vu le personnage il doutait que ça marche. D’un autre côté, lui laisser du temps c’était prendre le risque de le perdre… Son chef voulait la réponse au plus vite, le “maintenant” n’était pas un mensonge… Début de semaine prochaine, ça vous laisse le week-end pour y réfléchir et moi pour vous donner des précisions. Sur le casting et sur le calendrier, doux sourire pour accompagner sa réponse. ll coupait la poire en deux, prenait un risque mais son instinct lui soufflait que c’était la meilleure chose à faire. S’il forçait trop il craignait qu’Evelyn allait redevenir méfiant, se braquer, et ce n’était pas le but ! Si jamais vous avez des questions qui vous viennent, ou si vous avez pris votre décision avant que je ne revienne vous voir, vous pouvez me contacter directement, joignant le geste à la parole il sortit de son porte-carte une carte de visite sur laquelle était notée son nom, prénom, ainsi que son numéro de téléphone. Avant il écrivait sur un bout de papier ses coordonnées mais ses collègues l’avaient invité à fabriquer ces cartes de visite pour qu’il soit plus “professionnel”. Résultat des courses, il se retrouvait avec une vingtaine de cartes noires écriture en blanc pour plus de “style” qu’il trouvait ridicule, c’était juste présomptueux à ses yeux mais soit, il avait joué le jeu.

Je vous laisse réfléchir à tout ça. Merci pour le temps que vous m’avez accordé, monsieur Clark, il n’avait pas plus d’informations à lui donner donc autant quitter les lieux avant que la discussion ne s’envenime de nouveau. Alejandro tendit sa main à Evelyn pour la lui serrer avec un sourire polie, je vous souhaite une excellente fin de journée, et j’espère que nous nous reverrons sur un plateau la prochaine fois, petit sourire amusé. Sur ces mots Alejandro s’en alla.

Okay le gars était agaçant et travailler tous les deux ne sera pas une totale partie de plaisir mais… mais une partie de lui avait beaucoup aimé la conversation. Une partie de son être qu’il ne regardait pas avait apprécié l’hypocrisie, les mensonges ; apprécié le challenge que c’était que de convaincre Evelyn. Cette part de lui avait envie de le revoir pour un second round.

made by black arrow

Bon, ça l'agaçait d'être là, et il n'aurait su dire pourquoi, ce type l'agaçait tout autant, mais Evelyn avait vaguement conscience que continuer à être agressif allait pas le mener bien loin. Surtout qu'il était toujours pas sûr de la marge de manoeuvre réelle qu'il avait pour accepter ou refuser ce projet, et que s'il se retrouvait à devoir bosser avec cet Alejandro, ça serait mieux de pas être déjà en guerre. Au moins pas tout de suite ! C'est pas vraiment comme si l'avis de ce type lui importait beaucoup. Et il était presque sûr que l'inverse était tout aussi vrai. Parfait. Bonne ambiance. Autant enterrer la hache de guerre dans un premier temps. Surtout qu'Alejandro avait l'air d'avoir autant envie que lui d'être là. Alors même si ça restait trèèèèèèèèès tentant de lui faire payer... il fallait calmer le jeu un peu, histoire d'être un minimum un humain décent (pour une fois).

Ça l'empêche pas de grimacer un peu quand le présentateur lui explique un peu le principe du casting. Évidemment, on allait se taper toutes les ficelles de la télé réalité. Great. Il avait traîné suffisamment devant la télé avec son père ~~et une bouteille de whisky~~ pour savoir comment ça marchait. Ça l'agaçait déjà. Tout pour le spectacle quoi. Sauf que bien sûr, la télévision avait sa propre définition du spectacle en question... Au delà même du contenu "poubelle" loin du raffinement et de l'élévation qu'il visait, comment est-ce qu'il était censé se refader tout ça sobre alors même que ça le renverrait directement à ces longues soirées de vide avec son père à ne créer du lien que sur la morosité ? Mais ça, il pouvait difficilement le dire à son directeur, et encore moins à cet inconnu.

"Je vois effectivement le genre de castings oui. Des classiques quoi."

Et pour le moment il n'en dira pas plus.
Ce qui n'empêchait pas le délai d'être court. Semaine prochaine. Décidément, tout ceci respirait le "longuement préparé" à plein nez. Pas du tout le coup fourré ou le faux bon plan. Vraiment. Faudrait être un monstre de cynisme pour se dire ça. Et ce n'était vraiment pas son genre ! Ou presque pas. Enfin c'était dur de pas l'être. Evelyn s'était dit qu'il allait faire des efforts pour que les choses restent calmes mais, mais là, on lui facilitait pas la tâche ! Franchement, il allait pas se gêner pour demander à son parrain pourquoi est-ce qu'il pouvait pas juste être sarcastique 24/7, il voyait pas où était le problème. "Blabla ça abime l'estime de soi à force blablabla et le rapport au monde blablablablablabla" L'Américain l'entendait déjà son parrain tiens ! Quel relou celui-là ! DONC, il allait encore falloir faire l'effort d'enterrer son soi sarcastique, juste histoire de pas se retrouver face à un Ashton décidé à lui faire la leçon, ça risquait de faire beaucoup pour une journée après l'hidalgo de la télé là !

"Je comprends bien, je vais tâcher de faire au mieux."

Des questions il pensait pas qu'il en aurait tant que ça. Enfin si. Du genre "vous savez c'est qui les cons qui regardent ça ? enfin oui j'imagine y a des études marketing pour ça. à quel point c'est scripté ? puis à quel point t'es en train de me prendre pour un con ?". Mais ça, il allait le garder pour lui. Donc pour le moment, Evelyn se contente de récupérer la carte de visite qu'on lui tend, en affichant son plus beau sourire colgate, celui des soirées caritatives. Heureusement qu'il le maîtrise ce sourire d'ailleurs, parce que s'il se retrouve coincé dans cette émission débile, il va avoir plus d'une occasion de s'en servir ! Nouveau sourire aimable en lui serrant la main, bien content que ce foutu entrevu soit enfin terminé !

"Je vous remercie d'avoir pris de votre temps pour ces explications, malgré visiblement des délais quelque peu mal négociés."

Oups, c'était sorti tout seul. Oui bon hein, fallait pas trop en demander non plus !

"Je vous souhaite une excellente soirée aussi."

Alejandro avait à peine tourné au coin de la rue qu'Evelyn se rallumait une cigarette. Ça avait été agaçant. En tellement de points ! Il avait qu'une envie, c'était de dire non ! Qu'ils aillent tous se faire foutre avec leurs idées à la con. C'est bon, c'était artiste, bah dealeur de came télévisuelle ! Le simple fait qu'on le considère comme le parfait guignol pour ce genre de projet l'énervait d'autant plus. Suivant les conseils d'Ezra, en rentrant, il avait entrepris d'éplucher son contrat, non sans guetter le retour de Posé histoire de pouvoir avoir quelqu'un auprès de qui râler. Parce qu'on râlait toujours mieux de vive voix, c'était quand même pratique d'avoir un bon voisin pour ça ! En soi, rien ne l'obligeait à accepter et son directeur ne pouvait pas l'y forcer. Il était censé participer à des activités permettant d'obtenir des financements, mais c'était formulé de façon suffisamment vague pour faire entrer n'importe quoi en n'importe quelle quantité. Toutefois, Evelyn savait lire entre les lignes, et lorsqu'il croisa certains membres du CA le lendemain, le chorégraphe comprit rapidement qu'un refus de sa part lui compliquerait drôlement la vie. Dire non là, c'était potentiellement se priver d'un joker pour une prochaine nécessité. À peser le pour et le contre... il avait encore tout intérêt à accepter. Et vu comment ça le faisait chier, ça n'allait clairement pas faire plaisir à ses futurs collaborateurs !