Et tout deviendra clair... et vice et versa ! [ft Ezra]

Et tout deviendra clair...

et vice versa !

Ezra & Samson

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Je rentre de ma rapide pause déjeuner en jetant un regard dépité à mon bureau. C’est un vrai champ de bataille… d’habitude, je le range tous les soirs avant de partir, parce que je déteste laisser traîner mes documents, même ceux pas importants. On sait jamais. Et puis ça fait pas sérieux pour les clients et en plus, j’aime pas le désordre. Y’a rien qui m’agace plus que de devoir farfouiller dans des piles pour trouver ce qu’on cherche… c’est nettement plus facile quand on connaît l’emplacement de choses ! Enfin bref, le truc c’est que ça fait deux jours que j’ai pas eu le temps de le faire, autrement dit, une éternité. Avant-hier, Mallory est passée me chercher en me faisant la surprise et j’ai pas voulu la faire attendre et la veille… je me suis perdu dans le boulot, j’avoue. Faut dire que ça prend du temps d’organiser le partage des tâches… j’ai pas encore l’habitude de bosser en équipe - enfin, hors secrétariat - et le fait que Linc bosse à distance parce qu’il vaut mieux éviter de le foutre trop sur le terrain avec le powerflu, ça complique un peu le tout. Enfin, je savais dans quoi je m’engageais, alors j’avais quand même prévu le coup, c’est juste qu’en attendant de bien connaître son rythme de travail, je dois faire un peu gaffe. Je veux pas lui donner trop, mais faut l’occuper quand même… tout en veillant à ce que ce soit des trucs réalisables de chez lui et pas chiants ou monotones. L’avantage, c’est que comme on fait le point, au moins ça nous permet de nous ajuster.

Enfin bref. C’est une bonne chose, au moins, de l’avoir embauché. Je réalise toujours difficilement qu’il ait dit oui… mais ça me va ! Ce mois d’octobre me fait vraiment du bien, l’air de rien. Tous ces changements, après des semaines de tensions et de merdes qui arrêtaient pas… c’est un vrai bonheur. Alors oui, le changement demande un peu d’adaptation, mais je risque pas de m’en plaindre, ces nouveautés sont plus que bienvenues ! Surtout pour ce qui est de Mallory. Officialiser les choses après tout ce temps… ça m’a soulagé. J’avais beau essayer de me convaincre de l’inverse, je flippais vraiment qu’elle soit passée à autre chose. Cela dit, l’arrivée de changements ne signifie pas que mon bureau peut ressembler à une explosion nucléaire. Je crois qu’il est plus que temps de me dégager un moment pour le ranger… deux jours, c’est déjà trop.

Je m’attelle donc au rangement en me lançant un café, triant mes documents en réfléchissant en parallèle aux enquêtes que je pourrais confier à Linc, au moins en partie. Finalement, les dégâts étaient pas si considérables et au bout d’une vingtaine de minutes, j’ai presque fini. Je suis en train de soigneusement remettre mes dossiers dans l’ordre alphabétique quand Lexie toque à la porte et passe sa tête dans l’embrasure.

- Samson Chadwick, ça te parle ? Il demande si t’es dispo pour le recevoir.

Je fronce les sourcils. Samson ? Qui se déplace jusqu’à Pandora sans prévenir ? O.K… c’est bizarre, ça… et… inquiétant, surtout. Même si je suis pas tous les jours au SHinc, j’y passe du temps, ça aurait été plus simple pour lui d’aller me voir là quitte à ce qu’on se retrouve à une pause de midi. Donc… soit c’était trop urgent pour attendre demain, soit c’est en rapport avec un truc qu’il a pas envie de me dire au SHinc… Un truc en rapport avec son agression par Musculator ? Alec m’en a touché deux mots, ça m’a tellement énervé… En tout cas c’est sûrement pas pour me demander des nouvelles. En toute logique, s’il est là, à mon cabinet… je vois qu’une explication : c’est pour le côté professionnel. Il aurait besoin d’une enquête ? C’est quand même pas anodin de faire appel à un détective… merde, j’espère qu’il y a rien de grave !

- Oui, c’est bon, réponds-je en contournant mon bureau pour rejoindre la porte et aller accueillir le nouveau venu.

C’est effectivement lui, planté là, l’air aussi à l’aise que s’il attendait de faire un discours retransmis à toute l’Angleterre. Je peux pas m’empêcher de me sentir inquiet. Je me décale pour le laisser passer, me retrouvant à croiser les doigts pour qu’il lui soit rien arrivé d’autre. Si ça avait été le cas… Alec m’en aurait parlé, non ? Je veux dire, même sans entrer dans les détails, si Sam est dans la merde, autant qu’on soit plusieurs à l’aider ! En plus, son sourire me rassure pas vraiment et son boitillement non plus, même si ça, pour le coup, y’a moyen que ça vienne de son altercation avec l’autre dangereux abruti… N'empêche qu’il paraît définitivement nerveux et je sais bien qu’un sourire, ça veut pas forcément dire que tout va bien. Au contraire. Je referme la porte en répondant presque par automatisme, parce que même si j’ai l’esprit plus occupé sur les raisons de sa présence que sur la politesse, c’est quand même la moindre des choses de faire des salutations correctes.

- Salut. ça va, oui… et toi ? J’imagine que ces dernières semaines ont pas été évidentes. Alec m’a dit que t’avais dû bosser de chez toi… et avec l’affaire de Musculator j’imagine que ça a pas aidé…

J’aurais préféré que les nouvelles s’arrêtent aux manigances que Klaus a faites dans le dos de mon frangin pour l’inviter un soir - pour une fois que son petit ami fait un truc intelligent ! Même si je suis sûr que c’était l’idée de Sam. Bref. Je secoue la tête en lui faisant un petit signe de la main pour lui signifier qu’il y a pas de mal.

- Bah attends, c’est normal. Et t’inquiète, mon prochain rendez-vous est dans presque deux heures, ça laisse le temps. Qu’est-ce qu’il y a ? Rien de grave, j’espère ?

Je lui désigne le coin de mon bureau un peu moins formel avec la banquette et une petite table basse pour qu’il s’installe. Même si mes sièges de bureau sont confortables, ça fait moins… sérieux on va dire. Pas que ça le soit pas, j’imagine bien que sinon il serait pas ici, mais je préfère. C’est pas juste un client lambda. En attendant qu’il prenne place, je vais vers mon petit débarras.

- Je te sers un truc ? Thé ? Café ?

J’ai beau en avoir bu un juste avant, je sens que je vais pas regretter de m’en lancer un autre…

Et tout deviendra clair...

et vice versa !

Ezra & Samson

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Sérieux, c’est quand même vraiment inquiétant de voir Samson aussi nerveux. Heureusement que j’ai l’habitude de recevoir des gens dans cet état dans mon bureau - en même temps c’est un peu mon métier - parce que sinon, je crois que j’aurais fini aussi tendu que lui. Cela dit, c’est une chose d’avoir l’habitude que des clients viennent me voir parce qu’ils ont des problèmes à résoudre et c’en est une autre quand c’est quelqu’un que je connais et, plus encore que j’apprécie. J’espère vraiment que je pourrai l’aider, parce que ça fait presque mal de le voir comme ça, et son claudiquement arrange pas les choses. Je savais qu’il avait douillé avec l’histoire de Musculator, n’empêche que c’est autre chose d’en être témoin. Je grimace devant sa propre mimique qui parle d’elle-même. Ouais… c’est clair que de ce que m’avait dit Alec, ça doit pas être la joie et il le confirme. Enchaîner le powerflu et un SHinky fou furieux… super. Effectivement, tu m’étonnes qu’il ait pas l’air en forme… ça m’énerve tellement ! Tu vires le SHinc de l’équation, y’aurait eu ni powerflu, ni agression. Combien de gens ont été victime de cette merde, sérieux ? Beaucoup trop. Les chiffres font peur, et encore, c’est des approximations. Puis dans la réalité, c’est bien plus profond… parce que y’a pas que les gens atteints de cette “maladie”. Y’a aussi tous ceux dont la vie est impactée… sans compter tous ceux que le SHinc a pourri depuis sa création. Pfff. ça me débecte. Vivement que j’ai des preuves tangibles pour changer tout ça.

- Ah ouais, merde… tu peux pas passer un coup de fil de temps en temps pour avoir un petit topo ?

Pour le coup, je compatis. Déjà, devoir rester chez soi à tourner en rond, ça doit être un véritable enfer - je le vois bien avec Devon qui a beau faire genre, c’est évident qu’il trouve le temps long - alors enchaîner avec un arrêt… surtout qu’à cette période, ça doit être la galère au service informatique, normal qu’il redoute l’état dans lequel il va retrouver tout ça !! J’aimerais pas être à sa place… Je suis tellement content d’être mon propre patron, perso ! Au moins si je veux travailler, je travaille, même avec la cheville cassée. Enfin clairement, dans son état, je pourrais pas faire grand-chose… mais bon. Au moins, si un jour il m’arrive un truc, je sais que je serai sûrement chiant parce que j’appellerai Lexie et Linc régulièrement… Bref. C’est pas plus mal qu’il se repose, d’un côté… j’imagine.

Je laisse là mes considérations pour l’inviter à s’installer, histoire qu’il sollicite pas trop sa cheville et qu’on puisse commencer à entrer dans le vif du sujet. Parce que bon, l’air de rien… ça me travaille. D’autant plus quand il me dit qu’il sait pas si c’est grave ou non… Ah. Ce genre de choses. Investigation, donc, j’imagine… ça explique pourquoi c’est moi qu’il vient, voir, j’imagine. Ce qu’il confirme rapidement alors que je fronce les sourcils, déjà concentré sur ce qu’il me raconte. Compliqué, hein ? Ouais. C’est rarement simple quand les gens sont nerveux. J’espère juste qu’il s’est pas fourré dans un truc dangereux ou qui pourrait lui attirer des ennuis… Enfin j’imagine que je vais vite le savoir.

- Je peux rien te promettre sans savoir, mais ça me coûte rien d’essayer, ça c’est sûr, fais-je en hochant la tête.

J’ai envie de lui poser des questions, mais je m’abstiens. Il vient d’arriver et ça se voit qu’il sait pas trop par quel bout prendre les choses, je vais éviter de le noyer sous les demandes. Je préfère qu’il trouve son rythme, sinon y’a moyen que ça le coupe et que du coup, des choses soient oubliées. Du coup, je prends mon mal en patience… mais comme je suis incapable de rester planter là en attendant, je vais lancer du café. Apparemment on est deux à en avoir besoin… je lance la machine et je sors deux mugs. Il me faut pas longtemps pour ressortir, un dans chaque main, l’arôme familière et agréable de mon café - du vrai café, de bonne marque, pas ces horreurs sans goût qu’on sert au SHinc - et les poser sur la table basse. Je m’installe à mon tour sur la banquette, à moitié tourné vers Samson pour l’encourager. Par contre… j’avoue, je m’attendais pas à une question. Ses parents ? O.K., au moins maintenant, je sais le thème de notre rencontre. J’imagine que ses préoccupations sont liées à ça…

Je prends une rapide seconde pour soupeser le pour et le contre. Avec Alec, on se dit énormément de choses. Pour ma part, je lui raconte juste… tout. Sans forcément faire dans le sentimentalisme, hein, c’est plutôt comme si je tenais un journal sauf que c’est mon frère. C’est une habitude que j’ai prise quand… ben quand j’étais tout gamin, en fait. Je sais pas pourquoi. Je crois qu’à la base, c’était parce que j’avais peur que la concurrence que notre père foutait entre nous lui pèse. Il était tellement sévère et il nous mettait tellement l’un contre l’autre sans arrêt, ça aurait été super facile pour mon petit frère de penser que je voulais juste l’écraser et être meilleur que lui, vu notre éducation. Et comme je savais pas comment lui montrer que c’était pas le cas, dès tout petit, quand on se retrouvait tous les deux, je lui racontais ma journée. Un moyen de… construire un pont au-dessus de tout ça, j’imagine. J’en avais pas trop conscience à l’époque, je crois. Je me disais que c’était mon frère et que… bah… c’était mieux si on était proches. Avec le recul, je réalise que si j’avais pas fait ça, on aurait sûrement pas du tout eu la même relation, tous les deux. Faut croire que je prenais des décisions mieux étant gamin qu’adulte…

Enfin tout ça pour dire que ouais, j’ai continué à tout lui raconter, y compris mes enquêtes - comme ça si un jour il m’arrive un truc à cause de ça, il aura les clés pour comprendre ce qui se passe, peut-être. De son côté, je peux pas affirmer qu’il fait pareil, mais… j’imagine qu’il me dévoile beaucoup de choses aussi. Donc forcément, ouais, il m’a parlé de Samson… et de ses parents. Logique. Il était à la fac, ça faisait beaucoup à porter pour lui… Je sais qu’il est pas rentré dans les détails et je lui ai jamais demandé d’en dire plus. Je voulais pas le mettre dans une position inconfortable. Donc sans doute que je sais pas tout, mais… je sais pas si je dois raconter ça à Sam. Ce serait trahir la confiance de mon frère, d’avouer qu’il a parlé de ça. D’un autre côté, si c’est compliqué, ce serait obliger mon interlocuteur à expliquer ça en plus du reste… Putain. ça promet, si déjà ça commence ça… J’aurai bien vidé ma tasse de café mais c’est encore trop chaud et on va éviter de s’ébouillanter, hein… je soupire et je décide de commencer par le commencement.

- Je vais plutôt te dire ce que je pense savoir, parce qu’en vrai, y’a certaines choses que j’ai deviné avec ce qu’il a pas dit.

Et ça, c’est vrai. Je connais mon frère, alors forcément, quand il dit que la moitié des choses, c’est que le reste des infos est sensible et donc… c’est facile de faire des liens. Surtout avec tous les éléments que j’avais à disposition et que j’ai eu par la suite. C’est des trucs tout cons, mais quand on additionne le tout, c’est assez révélateur… et comme ça, ça remet vraiment pas en doute la droiture d’Alec, parce que je détesterais que ça arrive. Mon frère est quelqu’un d’honnête. S’il m’en a parlé, c’est qu’il avait totalement confiance en moi et qu’il en avait besoin, il savait que ce serait pas ébruité. Et puis… et puis merde. Je refuse que Samson se dise qu’il est pas digne de confiance à cause de moi alors que c’est justement une des personnes qui l’est le plus parmi tous les gens que je connais. Ce détail étant réglé… je me repasse toutes les informations que j’ai, histoire de pas en oublier, en recollant les morceaux entre eux.

- Je sais qu’Henry Chadwick est pas ton père biologique. Je sais aussi que tu connais ton vrai père, même si j’ai pas son nom, et que c’est sans doute quelqu’un d’important. Probablement une personne haut placé dans l’aristocratie, sinon j’imagine que tu aurais pas de raison de continuer à te faire chier à des réceptions. Et aussi… je sais qu’il y a certainement un truc louche là-dessous parce qu’il parait que tu as pas l’air très heureux d’y aller.

Le seul truc que j’ajoute pas, c’est que la seconde raison qui me fait penser que tout n’est pas clair dans cette affaire, c’est qu’Alec m’a dit, quand Samson a quitté Nano-Sec, qu’il partait pas juste pour une question de salaire. Je me souviens pas exactement de ce qu’il m’avait dit, d’autant que je crois qu’il était resté assez vague, mais il me semble qu’il avait parlé de trucs à prouver. Sur le coup, j’avais simplement pensé que Samson avait juste envie de montrer au monde ce que pouvait faire l’informatique, ou quelque chose du genre, mais… ça peut être lié à tout ça. Après, c’est qu’une supposition… mais même si je suis issu d’un milieu plus bourgeois que vraiment aristo, j’ai déjà côtoyé la haute et je sais à quel point ça peut être retort, un aristo.

- Oh, et Alec m’a aussi parlé de ta mère. Il s’inquiète régulièrement de ses problèmes de santé, mais il est pas entré dans les détails.

Juste qu’elle a une santé fragile et qu’elle est sujette aux évanouissements, si je me plante pas. Je réfléchis un instant pour être sûr de rien oublier. J’ai tellement de trucs en tête en ce moment, entre toutes mes enquêtes… mais je crois que c’est bon. Je me redresse un peu pour me réinstaller contre le dossier de la banquette pour faire silencieusement comprendre à Sam que j’en ai terminé. J’imagine que les trous vont vite être comblés…

Et tout deviendra clair...

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Ezra & Samson

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J’esquisse une grimace amusée devant le commentaire de Samson sur Alec. Pourquoi ça m’étonne pas ? Ça ressemble bien au frangin, de faire ça… dans le fond, je peux le comprendre, d’ailleurs. J’imagine qu’il s’inquiète. Moi aussi, à sa place, j’aurais probablement envie qu’il se repose, mais d’un autre côté… bah, je suis mal placé pour faire la morale aux autres vu mon rythme de travail et je comprends l’envie d’être tenu au courant. Je suis plutôt du genre à estimer que les autres font ce qu’ils veulent – bon, après, dans la limite du raisonnable. J’avoue que les rares fois où Alec est malade, quand il s’échine à bosser, je me prive pas pour lui dire ce que j’en pense et lui râler dessus. Et oui, je fais pareil quand c’est moi qui chope la crève, mais et alors ? C’est mon privilège de grand frère, de lui remonter les bretelles !

- Le laisse pas faire son tyran, hein, lancé-je avec un ton que j’aurais voulu exaspéré mais qui sonne plutôt comme amusé.

Parce qu’on sait comment il est, ce petit con, à régenter son petit monde, là ! Sauf Klaus, mais je suis pas sûr que qui que ce soit puisse lui faire faire un truc sans qu’il le veuille. N’empêche que Samson devrait pas se laisser faire. J’essaie de retenir le léger sourire qui me monte aux lèvres, parce que je serais pas crédible, sinon. On va passer à la suite, voilà. Surtout que je suis vraiment intrigué de savoir pourquoi il est là et que l’air de rien, ça m’inquiète aussi un peu. Le temps que j’aille faire un café et que je revienne avec les mugs, Alec revient déjà dans la conversation. Décidément ! Mais cette fois, la question est plus sérieuse et je prends un instant pour y réfléchir. J’ai pas très envie de mettre mon frère dans une position délicate, surtout que je sais à quel point son amitié avec Sam est importante… bon après, je doute que ce dernier soit du genre à lui en vouloir et à se disputer, mais bon, c’est une question de principe. Comme s’il avait lu dans mes pensées, Samson prend la parole et je me retrouve presque à moitié gêné. C’est stupide, mais ça me touche. Derrière ces petits mots, y’a beaucoup plus que ça et… et ça me fait plaisir. La confiance, c’est une des plus belles choses qu’on peut m’accorder, peut-être parce je la donne pas facilement et que donc, ça signifie beaucoup pour moi. Alors évidemment, je savais déjà que j’avais celle d’Alec, seulement c’est pas pareil de l’entendre… et de comprendre que mon interlocuteur m’offre la sienne aussi. Je hoche la tête, ne sachant pas trop quoi répondre et je prends une gorgée de café pour me donner contenance – non, je ne suis pas bouché, juste pudique sur mes sentiments, voilà.

Je préfère me focaliser sur ce que je sais de sa famille, le boulot au moins, ça je maitrise. Je réfléchis un instant avant de lui énumérer les souvenirs que j’ai sur le sujet. Ça fait déjà quelques trucs… je m’arrête ensuite pour lui laisser la parole. Faut pas être Einstein pour deviner que s’il veut mon aide, c’est sûrement par rapport à ça et qu’il y a donc anguille sous roche… un truc que je sais pas, probablement lié à l’aristocratie. Je vois pas trop d’où ça pourrait venir, sinon… quoique. Ça veut rien dire. J’ai déjà eu comme clients des gens bien sous tous rapports et qui se trainaient pourtant des casseroles terribles. Si y’a bien une chose que j’ai apprise, c’est que les problèmes sont pas écrits sur la tête des gens. Mais bon, là, ce cas précis… disons que c’est rarement rose, côté aristocratie. Déjà dans la bourgeoisie, on en voit des belles mais alors ça, c’est un encore un niveau au-dessus. Bref. De toute façon je le saurai bien assez vite.

Trop vite, même. Samson prend une grande inspiration, et je me doute qu’il s’apprête à m’expliquer un truc pas facile pour lui sauf que… hein ?? Alexandre Crowford ? Comme ça, d’un seul coup, sans prévenir ? Je me fige en retenant un juron. Merde. J’essaie d’assimiler cette information. Ça c’est… c’est un gros morceau, purée. Par réflexe, je garde mon visage professionnel, même si c’est Sam et pas un client inconnu. Ça m’aide aussi à digérer… Crowford. Merde alors. Mais d’où ?? Je pense pas qu’on puisse être plus opposé que ça !! Je veux dire… même physiquement, ils se ressemblent pas ! Et je parle pas du caractère… Je le fixe gravement quelques secondes alors que mon cerveau tente déjà de faire des connexions. Ça veut dire que sa mère a fréquenté le duc du Devonshire ? J’ai du mal à croire à une idylle. Chantage ? Manipulation ? Putain, Samson est le demi-frère de Crowford fils. Mais c’est pas possible !!! Il me poursuit, celui-là ?! Après son petit manège de juin, j’apprends que c’est l’ancien meilleur pote de Major – redevenu son pote au moment où on a eu cette conversation d’ailleurs – et maintenant qu’il est lié à Samson ? Bordel. Pourquoi faut toujours que ce gros con se la ramène dans ma vie ??? Enfin bref, ça a rien à voir avec moi, pour le coup. Puis y’a plus important à régler pour l’instant. Je vois bien que Sam est pas bien… Il a l’air… angoissé ? Mal à l’aise ? Si j’avais su qu’il comptait me dire le nom si rapidement, je l’aurais arrêté pour lui proposer de s’arranger autrement, genre en sortant un trombi des têtes de l’aristocratie. Il aurait eu qu’à désigner une photo. C’est parfois moins intimidant. En tout cas, ça marche régulièrement avec mes clients.

- Hey, Sam… ça va aller, tenté-je de le rassurer avec un ton calme. Personne d’autre que moi peut t’entendre, ici, t’inquiète pas. Tout ce que tu diras sortira pas d’ici.

Bon, il le sait déjà, sinon il serait pas ici, mais ça coûte rien de le rappeler. Si son père, c’est Crowford… je peux comprendre pourquoi il est pas tranquille. Normal qu’il soit mal, donc je préfère le mettre en confiance pour qu’il puisse se détendre un peu. Enfin, essayer, au moins. L’humain, ça a jamais été mon point fort, faut l’admettre, même si en dix ans, j’ai eu le temps de m’ajuster sur certains points. Je réponds pas à sa déclaration, pesant le pour et le contre de cette affaire. Je sais pas encore trop ce qu’il veut que je fasse, mais ça commence à se dessiner… et j’ai pas envie de le couper. C’est pas toujours facile de se lancer, alors maintenant qu’il est parti, c’est mieux de l’écouter et de mettre mes éventuels commentaires de côté le temps qu’il termine. Je note que l’autre con n’est pas au courant… c’est pas plus mal de pas avoir à le gérer, mais je peux pas m’empêcher de me demander comment Samson a pu vivre ça… être écarté et mis au placard comme un sale petit secret – ce qu’il est certainement aux yeux de son géniteur – ça se fait pas sans conséquences.

Je passe mes mains autour de mon mug dans un geste machinal en l’écoutant. Je ne comprends pas trop pourquoi il me parle de la santé de sa mère, même si je l’ai évoquée le premier, mais là encore, je ne l’arrête pas et je fais bien, parce qu’il fait le lien tout seul. Ah. Je me disais aussi. J’assimile en silence, gardant dans un coin de ma tête toutes les informations utiles. Je reverrai ça avec lui plus en détails plus tard, de toute façon, mais autant qu’il ait pas trop à répéter des souvenirs difficiles pour lui. J’essaie de réprimer la sensation désagréable et terrifiante qui monte le long de ma colonne vertébrale et qui menace de me nouer l’estomac quand il décrit l’état catatonique de sa mère. Je veux pas y penser. Je veux pas avoir cette image. Je me fais fureur pour garder un visage impassible, mis à part un léger froncement de sourcils concentré. « Fixer le vide ». Ces mots résonnent dans ma tête en arrière-plan. Je voudrais les arracher de ma tête. Brûler la vision qui va avec et me débarrasser des cendres. Est-ce que mon interlocuteur est au courant ? Est-ce qu’Alec lui en a parlé ? J’en sais rien. Je suis presque content de pouvoir me raccrocher à l’histoire de Samson, beaucoup trop importante pour que j’en perde un seul morceau. Focalisé sur lui, je parviens à enfouir ces sentiments là d’où ils venaient. J’ai besoin de tout mon cerveau. Il me fait confiance, c’est pas pour que je me laisse aller ! Je me redresse quand je devine qu’il en a fini, prenant quelques secondes supplémentaires pour ressasser tout ça.

- O.K., donc… pour récapituler, ton père biologique a un moyen de pression sur ta mère, probablement en lien avec Henry, qui lui empêche d’avoir accès à son argent. Et à cause de ça, elle et toi, vous devez supporter ses mauvais traitements… J’imagine que si tu es là, c’est pour essayer de trouver ce moyen de pression.

Je lui adresse un regard interrogateur en portant ma tasse à mes lèvres. Yerk. Café froid. Tant pis. Je me demande ce qu’il fera, quand il aura sa réponse. Je me doute bien qu’il va pas en rester là. Le but, c’est sûrement de se débarrasser de son influence… est-ce qu’il compte faire ça tout seul ? Enfin, on verra bien, faut déjà trouver et ce sera pas facile. On parle de l’aristocratie, ça sait bien cacher ses secrets, dans ce monde… surtout quand il s’agit du ministre de la justice. Je me retiens de secouer la tête de dégoût. Quel connard. Quels connards, d’ailleurs. Alexandre Crowford est sûrement pas le seul à se conduire en ordure dans ce milieu. Mais quand même… Enflure, quoi. Et un type pareil a un pouvoir monstrueux derrière… ça m’écœure. J’ose même pas imaginer ce qu’a été la vie de Sam si en seulement quelques minutes il en vient à évoquer que ce con a poussé sa mère dans les escaliers si fort qu’elle s’est bousillé l’oreille interne et qu’il lui a pourri la vie au point d’altérer sa santé. Je plonge mes yeux dans les sien, parfaitement sérieux, et après une petite pause, je continue d’une voix grave :

- Quant à savoir si je veux m’impliquer là-dedans…

Je me penche pour poser mes coudes sur mes cuisses et le fixer. La réponse est déjà toute trouvée…

- Ce type est ministre de la justice et comme si ça suffisait pas, il possède une bonne partie des médias du pays. Tu trouves ça normal qu’une ordure pareille dirige le pays ? Parce que moi, non. Et même sans ça… ni toi, ni ta mère avez à subir ce connard. Il en a déjà trop fait. Donc ouais, je vais t’aider.

Parce qu’il compte pour Alec. Parce qu’il a pas à payer pour les décisions de merde d’un monstre. Parce que je suis bien placé pour savoir qu’on choisit pas sa famille. Parce que je l’apprécie et aussi parce que ça vaut en la peine. Ça, j’en suis convaincu. Ça vaut la peine d’essayer de faire tomber des gens comme lui. Si on se bat pas, rien ne change, et j’en ai ma claque des injustices. Y’en a tellement, beaucoup trop, partout. Des gars aussi pourris peuvent pas rester au pouvoir. Je m’acharne pas à faire tomber le SHinc pour que des crevures pareilles restent au pouvoir ! Et merde, Sam a rien demandé. Ça retombe toujours sur les personnes innocentes et ça… je le supporte pas. Je supporte pas qu’on touche aux gens qui n’ont rien fait. Alors ouais, je risque gros, mais je pourrais déjà m’attirer des énormes ennuis avec le SHinc. Je suis plus à ça près. De toute façon, on obtient rien sans se mouiller. Faut croire qu’on me refait pas… je lui souris.

- On va faire ce qu’il faut pour démêler tout ça, O.K. ?

En espérant que les réponses, si on les trouve, seront satisfaisantes et iront pas remuer des choses douloureuses… parce que c’est le problème des enquêtes. Des fois, le poids de la vérité fait mal. A mon sens, c’est toujours mieux que d’être ignorant, mais certaines personnes ne sont pas d’accord. Je peux comprendre. A chacun sa façon d’avancer…

Et tout deviendra clair...

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Ezra & Samson

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Je secoue la tête en entendant Samson s’excuser. C’est fou les dégâts que peuvent faire des connards par leur existence même… peu importe le temps qui passe, j’ai toujours autant de mal à digérer ce genre de trucs. C’est même l’inverse, j’ai l’impression : plus j’assiste à des injustices, plus ce sentiment de révolte grandit au fond de moi. C’est pas normal. C’est pas normal que des enflures pareilles soient jamais inquiétées et puissent vivre leur vie peinardes alors que leurs victimes se débattent avec leurs démons… ça me hérisse. L’espace d’un instant, l’image de l’homme qui a été mon oncle un jour s’ajoute à celle de Crowford père. Je me fais fureur pour ne pas serrer les poings à m’en faire blanchir les jointures. Le but, c’est de mettre le meilleur ami de mon frère à l’aise, de lui faire comprendre qu’il risque rien, ici. Plus facile à dire qu’à faire, je le sais bien. Pour le coup, des gens angoissés, j’en ai vu passer… J’ai conscience que c’est irrationnel. Quand on vit avec une telle épée de Damoclès au-dessus de la tête, logique qu’on finisse par se sentir menacé même dans les endroits sûrs. N’empêche, le voir faire cette tête… ça me laisse un goût amer dans la gorge. Je voudrais faire disparaître toutes ces ordures. Enfin, l’heure n’est pas aux ruminations et le monde ne va pas changer juste sur un vœu pieux. Des connards, y’en aura toujours alors autant s’occuper de ceux qu’on met sous mon nez, un par un.

- T’inquiète, t’as pas à t’excuser pour ça, tu sais, lui assuré-je d’un ton que j’espère réconfortant.

Je peux pas effacer ses peurs, c’est sûr, mais bon, si au moins je peux lui montrer qu’il a pas à être gêné, ce sera déjà ça… dire que son père c’est Crowford. Je m’y fais pas. C’est pas lui qui s’excuserait aussi spontanément et qui ferait attention aux autres… Ni l’autre Crowford, d’ailleurs. Attends… Merde. ça veut dire que l’autre enflure c’est son frère ?! Enfin, demi-frère. Oh putain… paie ta famille paternelle. Comment un tel ramassis de trous du cul peuvent être affiliés à Samson ?? Comme quoi, les gènes, ça fait vraiment pas tout… et heureusement pour lui. Ou alors toute la connerie et la méchanceté avaient déjà été écoulées avec Ezéchiel, il en restait plus en stock. Enfin bref, c’est comme ça… Je chasse l’image de Crowford Junior et de Sam côte à côte - c’est perturbant de se dire qu’ils ont le même sang - pour me concentrer sur ce qui se dit. J’assemble les morceaux du puzzle dans ma tête en rangeant ça dans un coin, commençant déjà à y réfléchir. C’est un sacré sac de nœuds, tout ça… Et encore, je suis une personne extérieure, je vois pas ça de la même façon. J’imagine pas ce que ça doit être de son côté… ça fait beaucoup d’informations à gérer. Histoire d’être sûr d’avoir tout bien saisi, je résume la situation une fois sûr qu’il a terminé, au moins pour cette partie-là. Y’a clairement quelque chose de louche là-dessous. Déjà, qu’Azalé ne puisse pas avoir accès à l’argent de son mari défunt, c’est pas normal. Alors qu’en plus elle panique quand le sujet arrive dans la discussion et qu’il en ait encore après eux… quitte à pousser la mère de mon interlocuteur dans les escaliers… enfin c’est qu’une hypothèse, je veux pas trop m’avancer sans preuves, mais ça reste probable.

- Oui, ne plus être dépendant, c’était déjà un bon point de départ… acquiescé-je avant de continuer, un peu plus prudemment alors qu’une pensée me traverse. Est-ce que je peux te demander comment tu as su qui était ton père ? Parce que c’était pas trop dans les intérêts d’Alexandre que tu le saches, non ?

Et vu ce qu’il me raconte sur sa mère, je la vois mal lui confier ça… peut-être dans un moment où elle prenait des gens pour d’autres ? N’empêche qu’en fonction de la manière dont il l’a appris, ça peut donner des indications… par exemple si Crowford le lui a annoncé lui-même alors que ça ne parait pas logique, il y aura peut-être quelque chose à creuser… est-ce qu’il est seulement au courant que Sam sait qui est son père au moins ? J’imagine que oui… sinon il ne l’obligerait pas à assister à des réceptions, ce serait suspect. Eh bah ça promet cette affaire. ça part déjà dans tous les sens…

Je souris devant le soupir de soulagement de Sam. Si le sujet était pas si grave, j’aurais presque pu trouver ça drôle de le voir se dégonfler comme ça alors qu’il était si tendu une minute avant. On dirait une guimauve en train de fondre… je retiens un air amusé en songeant que la comparaison lui va bien. C’est légèrement hors propos… mais je peux pas m’empêcher de le trouver touchant à me remercier de cette façon. Je comprends pourquoi Alec tient autant à lui. Je m’étais déjà fait la réflexion en le rencontrant, pourtant je le réalise à nouveau. Je suis content qu’il ait une personne comme lui en ami. ça doit lui faire du bien… Enfin bon, je sais pas si je mérite autant de gratitude, cela dit. J’ai encore rien fait à part accepter et… c’est aussi mon métier. Alors d’accord, je refuse certaines enquêtes, mais la plupart du temps, celle que je décline, c’est les cas qui vont contre mes valeurs. Ou alors quand j’ai plus de place sur le planning… Puis j’ai l’habitude du danger. Après, je dois reconnaître que j’ai jamais affronté ce genre de danger. Me frotter à des criminels, oui, enquêter sur le SHinc, aussi, prendre des cas sur la petite aristocratie également… chercher à fouiller dans les affaires du ministre de la justice, en revanche… c’est une autre histoire. Une histoire que je suis prêt à commencer, en tout cas.

- Tu me remercieras quand on aura démêlé tout ça, fais-je, un peu amusé.

Je sais pas combien de temps ça prendra, mais je suis décidé à arriver jusqu’au bout, ou au moins à faire mon possible ! J’approuve quand il continue en disant que je sais pas à quel point tout ça est un gros méli-mélo. ça, je me doute bien… le but, c’est que ça devienne plus clair. Seulement… faut trouver par quel bout tirer la pelote.

- Ouais, les gens haut placés sont doués pour planquer leurs petits secrets dans des gros sacs de noeuds. ça fait une bonne planque et ça décourage souvent ceux qui essaient de les déterrer…

Et accessoirement, ça permet aussi de cacher les cadavres de ceux qui tentent le coup quand même. M’enfin ça, j’évite de lui expliquer. Il doit déjà le savoir, de toute façon… mieux que moi, d’ailleurs. Puis j’ai pas envie d’être négatif avant même d’avoir commencé à réfléchir à l’enquête ! Pire moyen de se tirer une balle dans le pied… Je me réinstalle contre le dossier en l’écoutant. Ouais, je peux comprendre que ce soit pas facile de trouver une information précise dans tout ce merdier quand on ignore par quoi commencer… même avec l’expérience, c’est pas facile. Je passe sur le “trouver des infos, je sais faire” pour le moment. Dans le doute de la légalité du truc… autant pas le ramener sur le devant de la table tant que c’est pas utile. Je lui demanderai plus tard, lorsqu’il faudra voir comment on s’y prend. Enfin, c’est peut-être tout à fait honnête, hein, n’empêche que souvent, la recherche d’infos ça passe pas par les canaux habituels… et puis je connais aussi les compétences de Sam. Pas pour rien qu’Alec espère le récupérer un jour… Un peu pensivement, l’esprit déjà tourné vers la suite, je réponds :

- Hm… Ouais, chercher à l’aveuglette ça donne pas souvent de résultats, mais encore faut-il trouver une piste à explorer… En l’absence d’autres infos, je pense que le plus simple, c’est encore de regarder du côté des mouvements d’argent, surtout si la fortune de ton père est impliquée. Enfin, d’Henry, je veux dire.

Je dis pas que suivre l’argent donne toujours des résultats, ce serait trop facile, mais en général… quand il y a des trucs à planquer, le fric est un bon guide. Disons que ça fait au moins un point de départ. Je continue à réfléchir rapidement, passant en revue ce qui me vient à l’esprit sur le coup. Je remettrai tout ça à plat tranquillement et on en rediscutera, mais autant avancer tant qu’on est ensemble et lancés.

- Tu sais comment Henry et Crowford auraient pu se rencontrer ? Y’a forcément un lien entre eux, y’a un truc à faire de ce côté-là aussi. Voir si professionnellement, ils ont pu collaborer ou s’ils se connaissaient uniquement par l’aristocratie, voire même par des connaissances communes.

Il y a sûrement des gens qui pourraient témoigner, sauf que ça va être dur d’interroger des aristos sans attirer l’attention… vaut mieux éviter de se faire remarquer comme ça. ça va rendre la tâche compliquée, mais bon, pas le choix…

Et tout deviendra clair...

et vice versa !

Ezra & Samson

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Je tapote le plateau de la table du bout de mon doigt alors que je réfléchis, recollant les morceaux dont je dispose. Si je m’attendais à un truc aussi compliqué… Après, quand on sait qui ça implique, c’est pas étonnant, en vrai, juste… en le voyant débarquer ici, je pensais pas que ça partirait dans cette direction. Règle numéro un du détective : ne jamais partir du principe qu’on sait ce qui va arriver. Ouais ouais, je m’y tiens, à celle-là, pourtant je tombe de haut malgré tout. Bref. Je préfère me focaliser sur les faits plutôt que de rester fixé sur l’improbabilité de la chose. Si y’a bien un truc que mon métier m’a appris, c’est bien que tout est possible. Même Samson en Crowford… Je rassemble donc les informations en tentant de commencer à y réfléchir. Sans avoir tout posé à plat et trouvé d’autres pistes, je vais pas aller très loin, mais au moins, ça me permet d’y voir plus clair et de poser mes questions directement, plutôt que de le faire revenir plus tard pour en rediscuter. Autant nous économiser du temps à tous les deux. Et puis… ça me chiffonne, ce point d’interrogation sur la manière dont il a appris tout ça. ça ressemble pas à Crowford père de dévoiler ses cartes… alors s’il l’a fait, en remontant ses raisons, on trouvera peut-être des renseignements utiles. ça mange pas de pain de tenter le coup, au pire, si ça donne rien, ça me fera toujours des éléments en plus sur le dossier et y’en a jamais trop.

Quand j’entends qu’il était pas censé être au courant, je reste pensif un instant. Bon, du coup, ça élimine déjà des pistes, même si ça ferme aussi des portes. On va dire que c’est déjà ça… Je me renfonce contre mon dossier alors que mon interlocuteur cherche manifestement ses mots. J’attends sans le brusquer, détourner le regard pour le poser sur mon mug, histoire de pas lui mettre la pression et de lui laisser un minimum d’intimité. Je vois bien que ça a pas l’air facile et je peux pas dire que ce soit surprenant… j’imagine qu’être le bâtard d’un duc, c’est pas une position confortable, et ce de bien des manières. Il a dû en baver… je me retiens de secouer la tête, dépité. A chaque fois que je constate à quel point une famille, ça peut être tordu, je me sens un peu plus amer. Après on dit que c’est censé être un soutien… mouais. ça dépend pour qui, hein. Pour certains, c’est plus un fardeau, voire un enfer… Enfin bon, je mets ça de côté quand Sam ouvre la bouche. J’écoute en silence, hochant la tête lorsqu’il fait une petite pause. Ouais, je pense que je peux comprendre qu’un môme veuille savoir qui fait pleurer sa mère et pourquoi. Après tout, ça a dû être à lui de gérer, consciemment ou non, les larmes d’Azalé. Normal qu’il ait eu envie de connaître l’origine de tout ça…

Je continue à l’écouter avec attention sans porter de jugement - franchement, qui aurait fait mieux à sa place ? on se débrouille comme on peut - ne bronchant pas en apprenant son pouvoir. Je me contente d’une très légère grimace au moment où l’arrivée d’un Crowford furieux est évoquée. ça, ça doit être un souvenir mémorable, et certainement pas dans le bon sens du terme… J’ose même pas imaginer le bordel que ça a dû être, entre la découverte de son don, de son père biologique, de sa colère… je m’empêche de soupirer. Dix ans… va gérer ça à dix piges. Quelle merde… Je me sens profondément désolé pour lui, même si ça doit lui faire une belle jambe.

- O.K… bon, ça fait déjà un peu de ménage dans les options. Je commence à y voir plus clair sur toute l’histoire…

J’essaie même pas de compatir oralement : non seulement je suis désespérément nul pour ça, mais en plus, s’il avait voulu quelqu’un de rassurant et empathique, c’est pas moi qu’il aurait été voir. S’il est là, c’est pour un détective, alors je préfère lui offrir ce qu’il est venu chercher plutôt que des mots maladroits. Au moins, ça je sais faire, et apparemment je me débrouille pas trop mal, parce qu’il me remercie. Pour le coup, j’ai encore rien amorcé de concret, alors je me retrouve à lui annoncer qu’il pourra faire ça quand on aura terminé, si on termine - je ferai mon possible pour ça - n’empêche que ça m’amuse un peu. Pas méchamment, hein ! Je trouve ça sympa. Et rare. C’est pas désagréable. J’espère juste mériter ses remerciements… parce que ça va pas être de la tarte. Le simple fait de le résumer, ça montre à quel point ça promet d’être galère, mais bon, allons mettre la main dans le nid de serpents, je suis plus à ça près, j’ai envie de dire. Je sais pas si c’est plus ou moins pire que d’enquêter en interne sur le SHinc, en tout cas, j’espère que ça avancera plus vite. On peut déjà commencer sur les mouvements d’argent, peut-être… Perdu dans mes réflexions, j’avance cette option, réfléchissant à la suite et aux pions à jouer pour gagner cette partie.

- Logique mais pas facile… autant j’ai des astuces pour ça, autant je suis pas sûr qu’elles marchent dans le cas de quelqu’un aussi haut placé. Va falloir cogiter sur la façon de s’y prendre. Peut-être avec des moyens détournés…

Je peux toujours tenter de voir avec mes contacts. Qui accepterait ce coup de main ? Mandy, peut-être, encore faut-il qu’elle y ait accès… on parle d’un duc, pas de Pierre Paul Jacques. Ou alors je peux jouer la carte infiltration, seulement ça prendrait énormément de temps et ça me demanderait des compétences que j’ai pas et qui s’apprennent pas comme ça… Hm. Je sens que ça va me demander du fil à retordre, cette histoire. Le plus simple, ce serait de l’aide extérieure… ce qui m’amène à la question de la rencontre Henry / Crowford. Avec une légère bourde au passage. Pour ma défense, j’ignore totalement comment je suis censé parler du père de Sam qui n’est finalement pas son père mais juste le mari décédé de sa mère. Heureusement, l’intéressé a pas l’air de m’en tenir rigueur parce qu’il sourit, comme pour me rassurer. Bon. Ouf. Je peux me concentrer sur la suite plus sereinement. Je fronce les sourcils. Henry avait un frère dont il a perdu le contact ? Et ses parents ont coupé les ponts avec celui qu’ils devaient identifier comme leur petit-fils ? Couplé à cette histoire de dépendance financière… ça parait gros, comme hasard. En général, un gros nœud comme ça, ça se fait pas tout seul. C’est un ensemble de plein de petits noeuds liés qui finissent par créer une véritable pelote de laine… et c’est rarement une coïncidence, deux nœuds qui côtoient d’aussi près. Après c’est juste un instinct et rien ne le prouve, y’a tellement d’affaires de famille sombres dans le milieu que ça pourrait être totalement autre chose, mais… je suis obligé de fouiller par là. Même sans ça, si y’a un truc avec Henry, commencer par enquêter auprès de gens qui l’ont bien connu, c’est la base. Peut-être qu’on trouvera d’autres pistes en creusant…

- Hm… c’est plutôt pratique, de tenir par l’argent une mère célibataire quand elle est isolée. Deux frères qui rencontrent Crowford, puis qui coupent les ponts… ça a peut-être rien à voir, mais je peux pas m'empêcher de me dire que ça ferait une occasion en or pour un pourri comme Alexandre, d’avoir un homme séparé de ses parents et son frère, isolé avec sa femme… pas impossible qu’il ait pu tirer parti de cette situation à son profit. Après c’est que des suppositions, faut pas partir du principe que c’est ça, mais… y’a de quoi creuser. Tu sais si ta famille paternelle est toujours dans les parages ?

Après, des Chadwick, ça doit pas être très compliqué à retrouver s’il a aucune idée de comment arriver jusqu’à eux. J’en fais mon affaire, ce sera pas bien long, à part s’ils se cachent, ce dont je doute un peu. Faudrait qu’ils aient une très bonne raison… En tout cas, il s’agira de la jouer fine et qu’ils se doutent pas qu’on enquête, s’ils avaient des soupçons, ce serait la merde. J’irai les interroger incognito ou simplement me renseigner dans leur dos, en espérant que ça suffise. Au pire, j’ai toujours le joker de mon pouvoir. N’empêche que le plus simple, ça resterait un allié… Je me ravance, me penchant un peu vers Sam, les coudes sur mes cuisses.

- T’aurais pas des connaissances fiables, parmi l’aristocratie, par hasard ? Quelqu’un qui pourrait nous filer un coup de main en posant quelques questions sans éveiller direct les soupçons ou en laissant ses yeux traîner au moment opportun ?

Non parce que je peux jouer ce rôle, mais pour ça, faut choper les principaux intéressés et sans faire partie de leur monde, c’est pas forcément évident. Je dis pas que c’est impossible, y’a toujours moyen, c’est pas comme si tous les aristos vivaient en ermite, juste que ça élimine des possibilités, alors ça vaut le coup de demander. On sait jamais.