Do you want an encore ? [ft Link]

Allez viens danser

L’incident aurait en vérité aisément pu être évité si j’avais juste pris les devants et prévenu ma chère amie que je ne supportais plus vraiment les contacts francs depuis quelques mois. Mais bon, c’était l’ennui quand on voyait les gens de manière un peu trop espacée : on oubliait ce qu’on avait dit ou non, on oubliait leurs petites habitudes… comme par exemple le fait de sauter sur ses potes pour leur faire le câlin du siècle. Cet aspect de Milka me revint en mémoire au moment précis où je la vis fondre sur moi comme un koala sur un tronc -si ce n’est que les koalas ne fondent pas vraiment, ils sont même très lents, mais… bon bref. Les comparaisons c’était pas mon dada.

Mais comme Milkyway n’était ni aveugle ni stupide, elle mit 5 secondes chrono à comprendre que quelque chose clochait, et pas adepte de la langue de bois, elle me demanda directement ce qui n’allait pas. Elle ne s’était jamais embarrassée de ronds de jambe ma petite Dark Schtroumpfette, alors j’imaginais qu’elle n’allait pas commencer maintenant. J’avais presque fini par m’habituer aux gens qui prenaient des pincettes -pas des masses de pincettes, juste… un minimum quoi- et je fus donc 10 secondes destabilisé par sa question. Comment j’avais chopé ça hein… Ca pourrait en faire rire certains, mais de toutes les personnes à qui j’avais parlé de mon haptophobie, rares étaient celles qui m’avaient demandé de manière très claire d’où elle sortait. C’était comme un sujet tabou que la grande majorité de mon entourage évitait. Ils devaient tous se dire que c’était difficile pour moi d’en parler. Alors sur le coup, je ne sus trop quoi dire.

- Une sale histoire. Un passage à tabac, suivi d’un syndrôme post traumatique, toussa toussa. Enfin d’après internet, j’ai pas vraiment été voir un spécialiste.

Voilà. C’était pas un mensonge ça, au moins. Parce que mentir, je n’aimais vraiment pas ça. Et ça restait plus simple que d’expliquer que c’était en fait mon meilleur ami -qui refusait de me parler- qui s’était fait tabasser à mort et que j’avais absorbé ses souvenirs. Entre autre parce que j’avais légalement pas le droit de faire ça, et même si Milkyway n’avait vraiment pas l’air d’être une balance dans l’âme, c’était quand même le genre de choses qu’il valait mieux éviter de trop raconter à gauche et à droite. Ca pourrait hypothétiquement me valloir un séjour dans leur super nouvelle prison. Et comme j’étais en pleine procédure de licenciement avec le SHinc, c’était le genre d’histoire que je préférais passer sous silence.

Difficile de dire si le morceau d’information que je lui donnai lui suffit ou si elle se le gardait sous le coude pour plus tard, quoiqu’il en soit, elle laissa la conversation dériver sans trop de résistance, et on se retrouva donc rapidement avec nos verres de cocktails sans alcool à papoter vies d’artistes -je n’en avais jamais été un mais je m’y intéressais suffisamment et j’en connaissais assez pour qu’on en ait déjà parlé plusieurs fois ensemble. J’admirais notamment la ténacité de Milkyway et de ses musiciens de ne pas baisser les bras malgré les embûches du métier couplées aux circonstances politiques actuelles.

- Ah oui les joies de la précarité d’artistes… Et pour sûr c’est pas le gouvernement qui va vous filer des aides parce que le monde s’est arrêté de tourner à leur demande.

Bon, pouvoir bosser sur ses compositions c’était plutôt positif, mais devoir compenser l’absence de rentrée d’argent par davantage de petits jobs modérément -voire pas du tout- épanouissants, c’était nettement moins réjouissant. Pour avoir subi certains de ces boulots avec elle, j’en savais quelque chose. Forcément, quand l’opportunité d’intégrer le SHinc et d’avoir un travail plus gratifiant avait pointé le bout de son nez, je n’avais pas longtemps hésité. Évidemment avec du recul, la pertinence de ma décision de l’époque était discutable, mais enfin…

- Eh bah tu sais quoi ? La bonne nouvelle c’est que je devrais bientôt retourner sur les bancs des petits boulots tout pourris ! Je suis en pleine négociation licenciement avec ma super entreprise, et j’ai pas la moindre idée de ce que je ferai après donc…

Bon en vrai, le plan c’était surtout de prendre du temps pour moi. Je n’avais techniquement pas de souci d’argent, j'avais en revanche un besoin assez urgent de me ressourcer. Et de prendre le temps de me poser les bonnes questions pour rebondir. Mallo avait proposé de m’aider dans ma reconversion et j’allais sûrement accepter son offre car je n’avais pas la moindre idée de ce que je voulais ou même savais faire.

Cette petite confidence dut inspirer la Schtroumpfette puisqu’elle enchaîna directement sur une question un peu vaste pour prendre de mes nouvelles qui me tira d’ailleurs un petit rire.

- Oh wow… t’as pas plus générale comme question ? C’était un peu trop spécifique là, j’me sens brimé dans mon racontage.

La charriai-je dans un sourire, secouant un peu la tête tout en remuant la touillette en bambou dans mon verre. Ce genre de questions me laissait toujours confus, parce qu’il était difficile de savoir le niveau de détails attendu par le questionneur.

- Eh bien écoute. Par où commencer… Tu sais déjà pour l’agression et mon licenciement imminent…Et sinon euh…

Restait l’aspect relationnel, et là, c’était le foutoir. Mais c’était tellement le foutoir que je ne savais même plus trop ce que Milka savait ou non. Fallait dire que les évolutions de pouvoir et la désintox aidant, mes propres souvenirs avaient un peu tendance à s’emmêler et la chronologie à se brouiller. Depuis quand est-ce que je ne l’avais pas vue déjà ? C’était un peu flou, et plus j’essayais de fouiller dans ma mémoire, plus je sentais le brouillard s’épaissir.

- Je ne sais plus trop où tu en étais resté de mes paaaaassionantes mésaventures, mais j'ai quitté Orso il y a quelques mois.

Qu’elle connaissait, puisqu’il avait été un de nos nombreux patrons communs lors de nos multiples jobs. Je ne savais pas si elle bossait encore pour lui, ayant moi-même arrêté il y a plusieurs années. Du reste… il y avait bien la dispute avec Kenny qui était relativement récente, mais je n’avais pas trop envie d’en parler, c’était encore trop frais et trop douloureux, et puis Milka ne le connaissait pas si bien. Il m’avait accompagné à un concert une fois par curiosité, et avait été visiblement vacciné à vie par l’ambiance et la musique, car ce fut l’unique occasion. Je lui en avais parlé quelques fois cela dit, surtout à l’époque où cet amour non réciproque ne m’avait pas encore usé et où je bassinais tout le monde avec Kenny. Depuis, de l’eau avait coulé sous les ponts, à tous les niveaux, puisque Kenny n’était plus désormais ni mon obsession, ni même mon ami. Et si ce premier fait était plutôt une bonne nouvelle -toute relative, puisque c’était pour mieux me vautrer dans une nouvelle histoire impossible- le second était encore une blessure un peu trop béante.

Allez viens danser

Il était vrai que ces derniers temps, j’avais un peu l’impression d’être l’ami ou le pote qui n’a que des mauvaises nouvelles à partager. Ca n’avait pas toujours été comme ça… J’allais pas dire que la vie avait toujours été toute rose, parce que ce serait faux, et que j’avais eu mon lot de galère, quand même. Comme quand je m’étais retrouvé à l’hosto pour un coma éthylique où j’avais failli y passer. Ca, ça avait quand même un peu été le summum de ma carrière de loser. Mais bon en ce moment, c’était compliqué de regarder les gens dans les yeux en soutenant mordicus que “ouais, ça va !”. Et ça me faisait chier, en plus. Contrairement à certaines personnes, je n’aimais pas particulièrement me faire plaindre. Après je n’aimais pas non plus mentir. Bref, j’aimais surtout pas avoir des emmerdes pleins le dos et les poches, mais ça c’était le genre de choses qu’on choisissait pas vraiment.

- Ouais il parait que la diplomatie ça aide. J’y songerai la prochaine fois. Et j’y pense pour le spécialiste, après une personne très intelligente m’a un jour dit que j’avais un don pour toujours prendre les mauvaises décisions, alors voilà...

Je redressai un peu la tête, tiquant un peu à sa réflexion mais après coup -oui bah j’étais crevé, alors j’étais un peu deux de tens’...

- Minute, tu t’y connais en TSPT toi ?

C’était peut être indiscret comme question mais… Bon on va dire que Milka ne s’en formaliserait pas. De toute façon elle fonctionnait pareil. D’abord poser la question de la manière la plus frontale possible, ensuite ne pas se formaliser si l’autre nous envoyer péter. C’était plutôt sain comme mode de communication à bien y réfléchir. Je devrais le proposer à Twinou. Sauf que ça marcherait pas. Parce qu’il m’enverrait péter, et j’aurais l’impression qu’il était en train de refouler l’essence même de notre charte, et ça me gonflerait, et je lui en collerais une. En fait le secret, c’était peut être de pas faire de charte. Même si j’étais pas sûr que ça soit beaucoup mieux avant. Tout ça pour dire que la communication directe et constructive, c’était pas si bien, au final. La preuve : ça marchait pas avec Twinou.

Heureusement, la discussion dériva rapidement sur quelque chose de pas beaucoup plus joyeux mais quand même un peu moins dramatique que des passages à tabac -ce qui n’était en soi pas un exploit. A savoir les galères d’artiste. Ca me faisait toujours de la peine de voir des gens comme Milka, passionnés par quelque chose, se trouver brimer dans leur créativité par le système. Mais bon. Comme diraient les gros cons condescendants “c’est ça quand on veut vivre de sa passion !”. C’est sûr que c’était pas Monsieur Tristesse dans son boulot bien payé mais chiant à mourir qui risquaient de comprendre. Sa remarque me tira un petit sourire amusé.

- Mais noooon, pas du sell-out métal… Du Robin des Bois Métal. Robin du Métal. Ca sonne presque pas nul

Répliquai-je dans un petit rire. Je l’imaginais sans mal avec une petite tunique à capuche et un arc, notre Dark Schtroumpfette. Elle en avait même sûrement en stock. Des tuniques, pas des arcs. Quoique… je ne connaissais pas les autres loisirs de Milka, peut être qu’elle était championne d’Europe de tirc à l’arc hein… J’hochai la tête en grimaçant.

- Du SHA, je sais pas, mais je peux te dire que les artistes qui collaborent avec le SHinc ont effectivement continué d’avoir de beaux cachets pour composer de super jingles expliquant pourquoi le SHinc est là pour nous protéger.

J’en savais quelque chose, on m’avait demandé si je pouvais faire du play back sur un de ces jingles. J’avais réussi à esquiver le projet grâce à Mallory -et parce que d’autres SHinkies semblaient hyper motivés pour le faire. Heureusement qu’on pouvait compter sur la jeune génération pas encore trop désabusée pour nous épargner ce genre de conneries… Qu’ils profitent de ces moments précieux où l’envers du décor n’était pas encore trop visible. J’avais bien essayé de leur mettre la puce à l’oreille, mais la vérité, c’était qu’il n’y avait qu’en en étant le témoin soi-même qu’on pouvait vraiment se forger une opinion. En général je passais juste pour le rabat-joie de service. Ou l’émo dépressif. Ou les deux, ma foi. Heureusement, j’allais bientôt pouvoir dire adieux à tout ce beau monde, et ils ne me manqueraient pour sûr pas. La remarque de Milka en réaction à mon futur licenciement me tira un petit rire.

- Ah mais j’ai appris ma leçon, la dernière fois que je l’ai contrarié, j’ai fini à récurer les toilettes, ça vaccine ! J’ai rien fait de spécial, je suis juste moins performant depuis… ben depuis que je suis haptophobe et que je dors mal, accessoirement. Ils ont mis le temps pour s’en rendre compte, mais visiblement le bon sens a fini par atteindre leurs neurones, et j’ai pu négocier une rupture conventionnelle grâce à une amie. Et franchement… franchement c’est la meilleure nouvelle de ces 6 derniers mois je crois !

Répondis-je, ne cachant pas le moins du monde mon soulagement. Oui, j’avais conscience que les gens galéraient à trouver du boulot, ou à se faire de la thune, et que certains donneraient cher pour rejoindre le groupe si élitiste des SHinkies mais… à un moment, merde. Ce job avait failli avoir ma peau ET ma santé mentale, je devais rien à personne.
Jamais à court de mots pour rire, Milka s’empressa d’ajouter, à moitié hilare, qu’elle pouvait me pistonner. La situation était effectivement cocasse quand on savait qu’à ses débuts, c’était moi qui lui avais filé un coup de pouce pour naviguer de p’tits boulots en p’tits boulots ! Comme quoi… la chanson qui disait que les premiers seraient les derniers n’avaient probablement pas tort !

- Ah ! Tu vois, j’t’avais dit à l’époque que t’aurais bien l’occasion de me renvoyer l’ascenseur un jour… En tout cas je prends note, mais je crois que j’vais prendre le temps d’essayer de réfléchir à un semblant de vrai projet professionnel. Les ptits jobs c’est censé être passager ou une aide pour compenser un autre truc, c’est pas censé ÊTRE le projet pro en question...

Voilà. Et qu’on ne me demande surtout pas mes idées car je n’en avais pas. Mon cerveau semblait bloquer toute tentative de projection professionnelle pour le moment, et pour cause, les papiers n’étaient pas encore signés. Rien ne me certifiait que le SHinc n’allait pas retourner sa veste et stopper la procédure alors… je préférais ne pas trop prévoir. En plus mon cerveau était un peu trop déglingué encore ces temps-ci pour véritablement être productif. Mais ma petite Schtroumpfette ne semblait pas assez rassasiée en potins, car elle revint à la charge avec une question hyper large visant sans doute à prendre de mes nouvelles.
Après avoir râlé pour la forme, je finis tout de même par partager avec elle la dernière information en date qui me semblait intéressante et… claire, surtout. Parce que du plus récent, j’en avais, mais à part lui expliquer que je pataugeais dans mes propres sentiments, j’avais rien de bien constructif à raconter quand même. Alors que la séparation avec Orso, ouais, c’était du concret. Je fronçai un peu les sourcils lorsqu’elle m’annonça qu’elle avait eu de ses nouvelles entre temps, et qu’il semblait toujours bloqué sur notre histoire.

- Sérieusement ?! Wow… faut qu’il passe à autre chose...

Répondis-je dans une mimique mal à l’aise. C’était pas non plus comme si on avait vécu une grandiose histoire d’amour tous les deux, pas de quoi faire une fixette sur le sujet comme ça ! Ou alors j’avais loupé un truc. C’était pas impossible non plus, j’avais pas été un modèle d’engagement quand on était ensemble tous les deux, fallait bien l’admettre. Balayant l’air d’un geste de la main, je tentai de cacher mon agacement face à ces nouvelles de mon ex.

- Kenny et lui ont un genre de passif, et il aimait pas beaucoup Orso. Disons qu’il était très persuasif pour me convaincre de rompre avec lui. Bon j’ai pas tellement eu besoin de Kenny pour me décider hein...

Je plissai un peu le nez, pas très à l’aise avec le sujet.

- Ouais… Je sais pas. Peut être bien. C’est vrai qu’il avait un côté colérique. Je l’ai jamais vu lever la main sur quique ce soit mais enfin… Ce genre de choses se passent pas toujours en pleine lumière.

Et si effectivement, il avait le poing facile, j’étais clairement mieux loin de lui. J’avais déjà mon lot d’emmerde niveau vie amoureuse, il était vrai rien d’aussi grave que de la violence domestique, mais tout de même un bon gros quota de drama que je n’avais pas particulièrement envie de voir exploser.
Sa conclusion me tira un petit sourire, alors que je me penchai un peu vers elle comme si je m’apprétais à entendre ou confier un grand secret.

- Dis donc… je t’ignorais aussi commère dans l’âme. C’est une nouvelle passion ?

Je levai un sourcil amusé en la dévisageant, tout en finissant de siroter mon cocktail trop sucré. Bon, en vrai, le changement de sujet -enfin la dérive de sujet, car on ne pouvait pas non plus parler d’un changement radical- était le bienvenu. Une discussion un peu plus légère était franchement la bienvenue. Même si elle avait vocation à remuer un peu des eaux stagnantes troubles et nauséabondes.

- Pas vraiment, non. Enfin c’est compliqué. J’ai visiblement décidé de collectionner les cibles inatteignables. J’en ai pas dix, mais j’en suis déjà à ma deuxième. C’est un vrai talent à ce stade je trouve… Bon au moins la deuxième cible a chassé la première de son trône. Il était temps tu me diras au bout de quinze ans !

Répondis-je en riant. Valait mieux en rire qu’en pleurer, non ? Parce que dans l’absolu, c’était un peu malheureux de tomber amoureux de tous les gens qui étaient soit déjà pris, soit qui n’avait juste aucun intérêt amoureux pour moi. Une vraie malédiction. Enfin non. Ca c’était juste les aléas de la vie. La malédiction, c’était d’être incapable de passer à autre chose tout en sachant celà. 15 ans pour Kenny, et maintenant combien pour Terca ? Record à battre… J’espérais quand même avoir progressé un peu et être capable de passer à quelqu’un d’autre avant les 15 prochaines années ! En attendant...

- Bon mais je parle, je parle… Et toi alors ? Tu t’es pas faite nonne a priori, donc j’imagine que tu dois aussi avoir des trucs à raconter ?

Mais non, je détournais pas son attention, rho. J’avais répondu à sa question, d’abord. Elle pouvait bien faire de même.

Allez viens danser

Je la dévisageai un moment sans rien dire. C’était toujours un peu délicat quand quelqu’un parlait de sujet comme le TSPT. Difficile de savoir si la personne voulait en parler ou non, voulait qu’on lui pose des questions ou non… D’un côté elle ne fermait pas totalement la discussion, de l’autre elle se montrait clairement évasive. Bon, dans le doute, j’allais éviter de lui pourrir son mood en remuant un couteau qui avait été certes enfoncé il y a longtemps, selon ses dires, mais dont la plaie n’avait potentiellement toujours pas cicatriser.

- Je vois. Donc ça s’atténue bien lentement quand même…

Commentai-je dans un sourire désolé. Désolé pour elle qui avait du en prendre pleins la tronche bien jeune si maintenant, alors qu’elle était pas bien vieille, elle considérait que ça commençait à “dater”, et désolé pour moi, parce que pour les éclaircis j’allais visiblement devoir repasser plus tard. Bien plus tard. Heureusement qu’il existait une parade diablement efficace à ce genre de problèmes : ça s’appelait les mettre dans une boîte et s’asseoir dessus. Une technique que je maîtrisais à la perfection. Le seul qui me dépassait dans le domaine, c’était mon Twinou. Uniquement parce qu’il était plus vieux que moi et avait donc plus d’expérience en boîtisation.

Heureusement qu’il restait des sujets sympas pour se changer les idées. La musique, par exemple. Et Robin des Métaux. J’esquissai un petit sourire amusé au commentaire de Milka. Effectivement, on risquait de s’attirer quelques foudres avec ce concept, mais enfin… Fallait parfois sacrifier ses oreilles pour le bien du… euh… Métal.

- Avantage de squatter différents apparts : si y a un voisin mélomane mélocidaire, je peux squatter l’autre appart. Après si y en a partout… Ouais, j’appellerai peut être le Shériff de Metalgam pour qu’il sévisse, j’ai besoin du peu de sommeil que Dame Nature m’octroie !

Pourrir les oreilles des gens, oui, pourrir le sommeil, non. Y avait des institutions auxquelles fallait pas s’en prendre, question de principe quoi ! Le sommeil en était clairement une. Et visiblement, la lessive aussi du point de vue de la chanteuse. Je l’imaginais bien en nouvelle égérie de la marque “Madame Propre” tiens. Faire concurrence au chauve, la classe absolue, l’accomplissement d’une vie même.

- Ecoute… si d’aventure je me retrouvais à me reconvertir dans l’entreprenariat et que je créais une nouvelle marque de lessive, sois certaine que tu seras en tête de liste pour le jingle !

Conclus-je sur le sujet des jingle pourris, un sourire au coin des lèvres. Bon, y avait peu de chance que ce scénario devienne réalité… Quoiqu’on n’en savait rien ! Je savais ce que je ne voulais PLUS faire, mais pas tellement ce que je voulais faire, donc… la porte des machines à laver m’était grande ouverte ! Mais pour l’heure, je pouvais déjà savourer ma libération, et ce n’était pas rien ! La réflexion de la Dark Schtroumpfette me tira un petit rire.

- C’est vrai que c’est suffisamment remarquable pour que j’envoie un SMS groupé à tous mes contacts pour leur annoncer que j’ai pris une bonne décision !

Ou au moins à Leslie quoi. Pour le narguer un peu. Genre “t’as vu, MOI je commence une nouvelle ère, l’ère des bonnes décisions !”. Bon en vrai ça me ferait chier parce que comme lui était pas fichu de faire pareil, on finirait inévitablement par ne plus être jumeau, et ça serait quand même malheureux.
Je redresse la tête alors que la discussion se fait un peu plus sérieuse au sujet de mon futur professionnel justement. Un sujet un peu tabou, pas tellement parce que je ne voulais pas en parler, mais parce que pour pouvoir le faire, il faudrait déjà que je sois un peu fixé sur le sujet, et j’étais loin du compte.

- Je pense qu’il faut que je trouve un juste milieu entre me ressourcer et garder quand même un rythme professionnel, sinon au moment de la reprise ça pourrait être compliqué.

Commentai-je dans un accès de raison plutôt rare et ponctuel chez moi. Mais bon, si tentant soit l’option “se la couler douce et laisser le temps passer”, je savais qu’après je n’arriverais jamais à m’y remettre…Et comme ma vie professionnelle était loin d’être le seul aspect déchéant de ma vie ces temps-ci -les temps-ci s’étalant depuis un moment cela dit…-  on se retrouva sans que je ne sache vraiment comment à discuter de ce cher Orso qui ne manquait pas vraiment à ma vie. Milka semblait relativement du même avis que moi à son sujet. Clairement, il ne valait pas trop la peine de s’attarder sur lui même si ça faisait un peu partie du cheminement quand on se lançait dans l’update de la vie sentimentale. En revanche… La Dark Schtroumpfette semblait nettement plus intéressée par l’autre partie de l’histoire, celle qui venait après l’ex relou. Je ne pus m’empêcher de la taquiner sur le sujet parce que franchement… On frôlait limite Klaus et Kenny là niveau gossip, non ? Bon peut être pas… Il n’empêchait que je l’ignorais tellement intéressée par ces mésaventures là. Après… les histoires d’amour, c’était bien souvent la partie un peu folichonne du mode RTL - RaconteTaLife… bordel je passais trop de temps avec Kenny !

- Alors figure toi que j’ai des amis qui se font aussi un plaisir de raconter ma vie… Mais c’est peut être parce que j’ai pleins d’amis commères…

Répliquai-je dans un sourire amusé. Pas que ça me gêne fondamentalement. Si je leur disais explicitement de ne pas en parler… Probablement que ça les torturerait jusque dans leurs viscères, mais ils le feraient. En tout cas ils essaieraient. Je faisais déjà un peu plus confiance à Milka sur sa capacité à tenir sa langue… Et puis bon, dans le fond, c’était pas dramatique si elle le faisait pas. C’était pas comme si elle risquait de le répéter au principal intéressé qu’elle ne connaissait de toute façon sans doute pas. Ce qui faisait d’elle une oreille attentive de premier choix pour me lamenter sur mes misères ! Enfin misères… je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même de toujours m’enticher de qui il fallait pas hein, j’en avais conscience. Sans surprise, elle valida le fait que j’avais sacrément traîné avant de passer à autre chose -ou plutôt à quelqu’un d’autre. Je pouvais pas lui jeter la pierre : j’avais saoulé TOUT mon entourage avec Kenny pendant 15 ans, évidemment qu’ils en avaient tous ras la casquette -chose ironique dans la mesure où le seul qui portait une casquette dans mes proches, ben c’était Kenny.

A sa question, j’éclatai d’un rire franc.

- Non, non, pas d’hétéro… Pour ça, tu vois, j’ai semble-t-il un bon flair. Sauf si on part du principe que mon flair m’avait soufflé que la personne en question était une femme senior…

Je m’interrompis un instant, réalisant que cette histoire n’avait absolument AUCUN sens présentée ainsi… Je fronçai un peu les sourcils, secouant la tête avant de reprendre.

- Enfin bref, c’était compliqué. Mais c’est bien un mec au final, et il est pas hétéro. Par contre il est… marié. ET amoureux de son mari.

Conclus-je, une note de dépit dans la voix. Ouais, je m’auto dépitais. J’en étais à ce stade…

- J’ai du mal à savoir ce qui est pire entre un type qui te friendzone, un mec marié, et un hétéro. Probablement un hétéro marié qui me friendzone…

Dans les trois autres cas… l’espoir était permis ? Maigre, mais permis. Disons que dans une sitcom, la probabilité que la cible se découvre bi ou pan, ou qu’elle divorce, ou qu’un superhéros découvre un passage secret entre la friendzone et la lovezone, était relativement élevée. Dans la vraie vie… Meh. Je ne préférais pas trop alimenter mes espoirs. D’ailleurs histoire de ne ni les alimenter, ni les détruire -mon amour du status quo était grand- je décidai d’orienter la conversation vers Milka, parce que bon… Y avait pas de raison ! Elle aussi elle pouvait passer à table et me parler de ses aventures amoureuses. Je réprimai un sourire en l’imaginant en tenue de nonne. Effectivement, le coloris se rapprochait de ce qu’elle portait, mais pour le style, on repasserait.

- Disons que c’est… original. Mais pas forcément dans le bon sens du terme en l’occurence.  

Je levai un sourcil à son commentaire sur l’ex, me demandant quelle drôle d’histoire se cachait encore là dessous.

- Quand je dis que Londres est un village… c’est dingue quand même. “Marrant” donc ? Tu dois pas avoir la même relation que moi avec tes exs si c’est marrant de les recroiser. Et du coup, vous comptez vous revoir ?

Parce que bon, si déjà ça lui avait fait plaisir…En général on cherche à réitérer les trucs qui nous font plaisir. Sauf si c’était plus compliqué. Pourquoi est-ce que les relations amoureuses étaient systématiquement compliquées d’ailleurs ?! Y avait un truc qui tournait pas rond. Alors soit c’était nous tous, soit c’était le monde lui-même. J’avais mon avis sur la question. Heureusement qu’elle avait une histoire mignonne pour compenser nos nouvelles un peu moroses. Son commentaire sur sa coloc me tira un petit sourire railleur.

- T’as une nouvelle coloc ou un nouveau cobaye du coup ?

Non parce qu’à l’entendre, la différence n’était pas flagrante… Pauvre petite colocataire. Enfin peut être qu’elle aimait ça, qu’on fasse des expériences humoristiques sur elle. J’allais pas juger, chacun ses kinks après tout.

- Tu devrais la ramener à un de tes concerts, ça me ferait plaisir de voir l’énergumène. Elle a l’air de valoir le détour !

Et si elle avait la validation de Milka, c’était qu’elle devait avoir au moins un petit côté divertissant, non ?