Special date for a special guy [ft Adèle]

Tu tires sur les manches de ta chemise d’un petit coup sec afin de la réajuster avant de monter dans ton Audi. Tu préfères ne pas perdre de temps. Il ne manquerait plus que tu sois en retard… Voilà pourquoi tu aimes être prévenu à l’avance, mais tant pis. Tout est prêt et finalement, ce rendez-vous tombe plutôt bien. Tu aurais pu faire sans, mais puisque Milka y tient tant et que c’est une bonne couverture, tu as rapidement convenu que ce ne serait pas inutile. ça évitera de trop attirer l’attention. Si tant est que la chevelure de ton apprentie puisse réellement passer inaperçue… Tu entends bien ce qu’elle t’explique lorsqu’elle affirme qu’on peut se fondre dans la masse même comme ça. Tu es assez d’accord. C’est vrai, s’effacer est un art qu’on maitrise ou non. Seulement, des cheveux bleus restent malgré tout plus notables qu’un look passe-partout. En cas de témoins, c’est un des premiers détails qui ressortira. Evidemment, elle pourrait toujours les teindre ensuite, mais le mal serait fait. Le propre de l’ombre, c’est que les gens évitent de trop poser les yeux dessus.

Enfin, c’est à elle de décider quoi faire de tes enseignements. Ton but, c’est de lui montrer les ficelles du métier tel que tu l’exerces, pas de lui enfoncer des idées dans le crâne. De toute façon, tu ignores si elle deviendra réellement tueuse à gage plus tard. Elle en a le talent, oui. Les épaules, aussi. Mais pas le cœur. Tu l’as vu tout de suite et c’est pour cette raison que tu as commencé par refuser. Tuer par conviction est une chose. Tu es sûr qu’elle le fait sans hésiter. Tuer de sang-froid par professionnalisme, c’en est une autre. Tu dois avouer avoir été surpris le jour où elle a récupéré ta cible. Tu persistes pourtant encore à penser qu’elle est trop sensible pour ce métier. A un moment donné, il faudra qu’elle fasse un choix. Ou elle se blindera pour continuer, ou elle ne changera pas et devra abandonner. Et cette décision, tu la lui feras prendre. Mais pas pour l’instant. Pour l’instant, il est encore trop tôt. Si tu brusquais les choses, il n’y aurait aucune chance pour qu’elle reste. Or, tu as accepté de la former. Pour toi, ça signifie que tu as accepté de tout mettre en œuvre pour qu’elle fasse ce travail. Tu comptes bien t’y tenir. Tu es un homme de parole. Donc oui, tu la mettras devant le fait accompli.

Tu laisses toutefois là tes pensées. Tu as plus urgent à t’occuper. Ton arsenal dans ton coffre, tu roules jusqu’au centre commercial indiqué à Milka quelques minutes plus tôt. Il a cet intérêt non négligeable d’avoir une entrée des employés dont la sécurité a rendu l’âme depuis quelques semaines sans avoir été remplacée. Il est donc ridiculement facile de s’introduire là avec toutes les armes imaginables. Tu te gares dans la rue qui donne sur cette porte. Tu verrouilles ta voiture, jette un coup d'œil au digicode. Toujours cassé. Parfait. Tu te détournes ensuite pour rejoindre l’entrée principale. Tu n’as pas besoin de ton attirail pour le moment. Tu as un rendez-vous à honorer. Trois, même, pour être précis. Milka. La victime de Major - Nathalie, si ta mémoire est bonne. Et enfin ta cible. Pour cette dernière, le rendez-vous est unilatéral.

A cette heure-ci, il y a pas mal de monde dans les couloirs du centre commercial. Tu avances parmi les gens d’un pas assuré mais mesuré, balayant les lieux du regard. Tu les connais bien, mais tu préfères n’avoir aucune mauvaise surprise. Des travaux improvisés, un exercice militaire… Un rien peut venir entraver ta mission. Mais a priori, tu ne décèles rien d’anormal. Ton regard tombe sur ton apprentie, assise sur un banc et tu te glisses à ses côtés, t'asseyant avec elle. Il reste un bon quart d’heure avant de rejoindre la Nathalie. Voilà qui vous laisse du temps pour débriefer.

- Terry Adget, réponds-tu posément à la question de Milka. Il sera au café où nous avons rendez-vous et il doit être mort avant dix-huit heures trente. Après ça, il retourne à sa base militaire. Beaucoup plus compliqué à atteindre, donc. Apparemment, il n’en sort pas souvent.

Tu repasses rapidement les éléments du dossier que t’a fourni ton employeur dans ta tête. Tu ne l’as pas avec toi, évidemment. Ta mémoire te suffit et de toute façon, il n’y avait pas grand-chose. Plus que certaines autres missions, cela dit. C’est amplement assez.

- Il est capitaine à l’armée et s’est fait remarquer pour sa capacité à rapidement élaborer une stratégie en fonction de la situation. C’est un observateur et il est très méfiant. Apparemment, il se doute que sa vie est menacée. Il a un pouvoir qui n’est pas déclaré. Notre employeur ne connait pas les détails mais ce serait lié à l’hypnose. Il a quarante et un ans et c’est un grand amateur d’alcool. Il a déjà été opéré pour une crise de foie. Voilà nos informations. Celles qui importent, en tout cas.

Tu laisses passer une seconde pour lui donner le temps de bien retenir les données et d’en tirer les conclusions les plus évidentes. Tu en profites pour analyser ton apprentie. Tenue décontractée. Très bien pour ce qu’ils ont à faire. Pas d’arme. Logique, tu la préviens au dernier moment. Tu as prévu le coup et tu as ce qu’il faut. Chaussures ? Adaptées. Bien. Malgré l’urgence, elle est parée. Tu esquisses un bref signe de tête approbateur. Il y a toujours son style, bien sûr… malheureusement, la bête est têtue. Tu relèves tranquillement ton regard pour le planter dans le sien.

- Alors ? Qu’est-ce que tu préconises ?

Tu appuies tes avant-bras sur tes cuisses en joignant tes mains, attendant patiemment sa réponse. Il existe une kyrielle de possiblités différentes pour venir à bout de Terry sans être soupçonnés. Tu as ta stratégie, bien sûr. Mais tu es curieux de voir celle de Milka. C’est l’occasion de découvrir ce qu’elle a retenu de ton enseignement.

Tu observes Milka alors que tu détailles les informations concernant votre cible. Si elle peut donner l’air d’être nonchalante parfois, dans ces moments-là, elle recouvre tout son sérieux et apprécie cette implication. De toute façon, tu ne te serais pas encombré d’une apprentie peu concernée. D’un autre côté, tu ne pensais pas que tu en aurais une un jour… pourtant, tu as découvert que ça ne te déplaisait pas, d’enseigner les bases de ton métier. Tu aimes ce que tu fais et le partager, ça a quelque chose d’agréable. Suffisamment pour que tu acceptes de former une future potentielle concurrente. Enfin, tu espères qu’elle sera assez reconnaissante pour ne pas aller marcher sur tes plates-bandes quand tu en auras fini avec elle, mais c’est une question pour plus tard. Pour l’heure, ça ne sert à rien de tirer des plans sur la comètes, vous avez un contrat à honorer.

Tu la laisses réfléchir tranquillement, en profitant pour suivre les passants qui se pressent dans les artères du centre commercial et t’imprégner du lieu, restant alerte juste au cas où. Tu te demandes vers quoi va son cheminement de pensées. Tu le sauras bien assez vite. Tu es un peu curieux de la voir évoluer et acquérir de nouvelles compétences. De ce que tu as pu constater jusqu’à maintenant, elle apprend vite. C’est bien. Tu hoches la tête devant sa réflexion, approbateur. Ne pas se frotter aux pouvoirs des super-héros, c’est un des fondements du métier, quand on ne possède aucun don. Tu ne l’interromps pas et la laisse poursuivre. Tu as décidé de ne pas lui ta façon de faire, pour cette fois. L’aiguiller, oui, mais cette mission, ce sera elle qui la gérera. C’est bien d’avoir des bases, sauf qu’il faut les mettre en pratique et de cette manière, ce sera plus facile pour elle de comprendre les dynamiques du terrain. Ta seule règle pour aujourd’hui, c’est de la guider un peu si besoin et d’empêcher une catastrophe si les choses tournent mal. Les mains jointes, tu prends une seconde pour méditer ses paroles et le début de son plan. Il y a des points faibles, mais c’est une bonne base.

- C’est dangereux de supposer, signales-tu toutefois. Garde à l’esprit que les gens agissent rarement comme tu espères qu’ils le feront.

Tu t’autorises un léger sourire en coin avant de poursuivre :

- Tu en es un très bon exemple, d’ailleurs.

Milka est effectivement le genre de personne impulsive qui poserait sans doute problème lors d’une mission de routine, si tu devais l’abattre. C’est d’ailleurs l’un de ses points forts. Tu reprends ensuite ton sérieux et tu embrayes sans perdre plus de temps en concédant :

- Mais c’est vrai qu’il y a des cas qui induisent plus facilement un certain comportement. Tu pensais à quelque chose en particulier ?

Pour toi, le plus simple serait d’utiliser l’alarme incendie, possiblement avec un départ de feu pour s’assurer qu’elle sera prise au sérieux. Cela dit, ton élève a peut-être autre chose en tête. Et puis, tu ne vas pas lui donner toutes les réponses, ce serait trop simple, d’autant plus que tu es convaincu qu’elle est tout à fait capable d’assurer sur cette opération. Sa tactique basée sur le chaos et la surprise te paraît appropriée, faisable et efficace.

- Le prendre par surprise, c’est une bonne manière d’éviter son pouvoir, oui. Il va juste falloir agir vite et bien. Il ne faut pas oublier Nathalie, dans l’équation.

Oui, ça aurait sans doute été plus simple d’annuler le rendez-vous, mais tu trouves que c’est un très bon exercice d’inclure une tierce personne dont les soupçons ne devront pas être éveillés. Pour ça, son plan de provoquer de l’agitation est une bonne idée, ça justifiera facilement une séparation, tant qu’elle ne dure pas trop longtemps. Et, d’une pierre deux coups… ça fait un bon alibi.

Tu hausses les épaules, un minuscule sourire déformant légèrement ta lèvre à la remarque de ton élève. Tu passes sur le surnom, que tu as pris l’habitude d’entendre dans sa bouche et que tu n’as de toute façon jamais relevé. Pour toi, l’âge ou la façon d’appeler une personne n’a pas d’importance. Ce qui compte, ce sont les résultats et tu n’as certainement pas à rougir des tiens. Pour ce qui est du compliment, tu ne t’en caches pas. Tu sais que Milka sait être discrète quand il le faut, mais ce ne sera jamais sa plus grande qualité. Autant s’appuyer sur ses points forts et en faire des armes. L’imprévisibilité a des avantages. Maintenant, le tout, c’est de les utiliser à bon escient et c’est tout travail de faire en sorte qu’elle affûte tout ça. Tu passes donc à la suite, concentré sur sa réponse en glissant un commentaire quand ça te semble pertinent. Tu hoches brièvement la tête à l’évocation du documentaire animalier, signe qu’elle a toute ton attention. Tu ne peux pas dire que tu sois très familier de ce genre d’émissions, mais tu en as vu, oui. Et puis, au-delà de ça… tu penses comprendre où elle veut en venir. L’analogie de la chasse, ça, c’est une chose qui te parle. Prédateur. Proie. Le monde résumé comme ça semble tellement facile. Ta vision des choses s’approche de ça. Bien sûr, il y a des nuances, pourtant, dans les faits, il y a ceux que tu poursuis et que tu abats, et ceux qui continuent à vivre.

Tu la laisses développer son argumentaire, une lueur tranquille dans les yeux. Tu approuves. Après tout, il n’y a pas tant de différences entre les bêtes des grands espaces et les visiteurs du centre commercial : ils partagent tous le même instinct. Survivre. L’être vivant est guidé par ce réflexe et la plupart du temps, cette priorité prend le pas sur tout le reste, bon sens compris. La peur brouille la logique. Un classique. Cela dit, c’était plutôt bien pensé d’utiliser ces connaissances dans ces circonstances. ça ne devrait pas t’étonner. Jusqu’ici, ton apprentie t’a montré qu’elle avait plus d’une corde à son arc. Ton regard suit le sien jusqu’au manège qu’on aperçoit de votre banc. Un grand manège comme on en trouve parfois dans ce genre d’endroit. Pourquoi pas. Il faudra juste espérer que l’incident n’attire pas trop les curieux, mais c’est une stratégie qui te parait bien, même si définitivement, tu conclues que Milka ne sera sans doute jamais une tueuse à gage réputée pour sa subtilité et sa discrétion. Enfin, tant que la cible est éliminée dans les règles et qu’il n’y a pas d’autres victimes, tu estimes que le travail est bien fait. Tu n’aurais pas agi comme ça, cela dit, tu ne veux pas d’un double. C’est justement vos différences qui t’intéressent et, ce n’est pas parce que tu n’avais pas envisagé cette éventualité qu’elle n’est pas bien. Au contraire. Bruyant et chaotique, mais efficace, oui.

- Effectivement. O.K. pour cette stratégie. Je te laisse faire, pour cette fois. Je t’indiquerai quand tu pourras agir, mais le reste, ce sera à toi de le gérer.

Tu plonges tes yeux dans les siens, parfaitement sérieux bien que très calme. Tu lui fais confiance, tu ne la laisserais pas faire, sinon. Tu préfères simplement la prévenir que tu ne comptes pas intervenir, à moins, évidemment, que tu en aies expressément besoin. Cette précision donnée, tu te lèves en jetant un coup d'œil à ta montre. Tu as encore un peu de temps, mais tu estimes que le principal a été dit.

- Je vais aller offrir le café à Nathalie, si tout est clair, fais-tu en reprenant ses mots.

Pas que tu sois spécialement enchanté de la perspective, mais un rendez-vous est un rendez-vous. Tu ne lui demandes pas si elle a des questions. Tu la connais assez pour savoir qu’elle ne se privera pas de les poser si jamais il lui en vient.

Tu ne commentes pas plus que ça son plan pour piéger le Terry Adget. Sa stratégie est valable. Peu subtile, mais efficace et les moyens importent peu tant que le travail est bien fait. De toute façon, tu as toujours su qu’elle ne faisait pas dans la dentelle. Tu enchaines directement sans t’attarder sur le reste. Ce sera à elle de trouver les détails et il n’y a pas à épiloguer. Toi, tu n’as plus qu’à honorer ton rendez-vous et veiller à ce que votre cible ne sorte pas de votre champ d’action. Bien sûr, tu comptes également garder un oeil sur les mouvements de Milka, juste pour évaluer comment elle se débrouille. ça t’aidera pour les prochaines missions, de savoir sur quels points tu dois la faire travailler. Tu sais déjà que tu comptes mettre à l’épreuve sa faculté à passer entre les mailles du filet, parce que tu n’en as pas encore eu l’occasion et que savoir disparaître des radars est indispensable pour le métier qu’elle convoite, mais c’est une autre histoire qui viendra en son temps. Tu hoches la tête quand elle t’indique attendre ton signal puis tu te lèves, ayant terminé ce que tu avais à faire ici.

Tu t’éloignes dans les allées du centre commercial, avançant calmement parmi les gens pour rejoindre le café alors que tu observes les alentours. Tu te méfies de votre cible. Tu aurais peut-être dû en laisser une plus simple à ton apprentie pour sa première opération… mais la difficulté fait partie de son quotidien, à présent. La ménager ne lui ferait pas apprendre grand-chose et c’est ça, sa réalité, désormais : savoir s’adapter devant des situations imprévues ou se faire prendre. Elle ne t’aura pas toujours en filet de sécurité. D’ailleurs, ce n’est pas parce que tu lui laisses la main que tu dois te relâcher pour autant. Adget est connu pour sa rapidité d’analyse, tu ne voudrais pas qu’il vous file entre les doigts parce qu’il aura repéré une faille dans le plan de Milka. Tu repasses les détails du dossier dans ton esprit alors que tu prends l’escalier pour rejoindre le point de rendez-vous. Si besoin, tu seras prêt à intervenir. Tu tapes rapidement un message bref et succinct à Milka pour lui donner le feu vert et tu verrouilles ton téléphone sans l’envoyer. Tu n’auras qu’à cliquer pour lancer l’opération.

Tu repères Nathalie de loin. Elle est assise à une table, son téléphone dans les mains. Dos à toi, tu peux deviner son regard qui passe de passant en passant, sans doute en train de te chercher. Nerveuse. Une tenue simple, pas de bijoux, pas d’accessoires inutiles, notes-tu en t’approchant. Tu lui donnes deux ou trois ans de plus que sur la photo fournie. Des rondeurs qui témoignent de son manque d'activité sportive. Risque nul, donc. Peut-être qu’elle ne sera pas d’un ennui affligeant. De toute façon, ça n’a pas d’importance. Tu affiches un sourire poli lorsque votre regard se croise, relâchant les muscles de ton visage pour prendre cet air avenant qui semble mettre les gens à l’aise. Elle paraît soulagée. Alors que tu la salues en t’assayant, tu es déjà en train de détailler les clients du café du coin de l'œil pour trouver le Terry Adget. Pas encore là. Il faudra passer au plan B s’il ne vient pas.

- J’étais pas sûre que tu viendrais, je t’avoue… commence à se confier la blonde en face de toi avec un petit rire. Enfin c’est pas que j’ai pas confiance en toi, hein, mais on m’a déjà posé des lapins… Qu’est-ce que tu prendras ? J’espère que ça te dérange pas, j’ai déjà commandé pour moi…

- Pas de souci, souris-tu comme si ça t’importait. J’espère que je ne t’ai pas fait attendre.

Bien sûr, tu as parfaitement conscience d’être pile à l’heure et que si elle a patienté, ce n’est dû qu’à elle. Tu ne réponds pas à sa question, que tu juges inutile étant donné qu’elle le saura bien lorsque tu passeras commande et tu l’écoutes enchaîner sur un commentaire concernant le café. Un serveur vous rejoint pile au moment où, dans un coin de ton champ de vision, tu aperçois votre cible arriver. Tu indiques que tu prendras un café simple, observant Adget hésiter devant une des tables en plastique blanc. Tu te demandes s’il ne va pas faire demi-tour et tu restes alerte, mais il finit par tirer la chaise pour s’installer. Tu sors ton portable avec un sourire d’excuse, déverouilles rapidement l’écran et appuies sur l'icône d’envoi pour indiquer à Milka qu’elle peut se lancer. Ensuite, tu te replonges tranquillement dans la conversation en continuant ta discrète observation.

Il ne faut pas longtemps pour qu’un bruit métallique sonore ébranle le centre commercial. Nathalie sursaute sur son siège, renversant une partie de son Coca, mais ce n’est pas elle qui t’intéresse. Votre cible s’est figée et balaie les lieux du regard, notamment vers l'origine du son et des cris qui s’élèvent. Ses muscles sont tendus. Il va bouger. Tu le vois effectivement s’empresser de mettre la main dans sa poche pour en sortir un portefeuille qu’il ouvre, posant dans un geste rapide un billet sur la table avant de se lever. Dans le café, les gens commencent à s’agiter, curieux ou inquiets.

- Qu’est-ce que c’était que ça ? piaille Nathalie en te fixant, espérant manifestement que tu aies la réponse.

Tu l’as, évidemment, cela dit tu ne vas pas le lui faire remarquer. Tu te contentes donc d’un froncement de sourcil préoccupé et d’un “je ne sais pas…” qui n’a pas l’air de la rassurer. Tu n’es pas là pour ça, en même temps. Des gens se lèvent pour trouver l’origine du bruit et Adget commence à quitter les lieux pile au moment où de nouveaux cris retentissent et où une alarme s’élève. Suivant le mouvement, tu te redresses, aussitôt suivi par Nathalie qui récupère précipitamment ses affaires et s’empresse de prendre ton bras pour se coller à toi, manifestement anxieuse. Son poids handicape ta marche et tu n’aimes pas sa proximité. Tu te dégages donc doucement avec un sourire réconfortant.

- ça va aller, Nathalie, fais-tu en posant ta main sur le bas de son dos, puisque le contact physique a l’air de la calmer. On va sortir.

Autour de vous, les gens se massent pour partir les premiers. Une femme aperçoit la fumée du feu que Milka a allumé et se met à crier, comme si ça allait changer quelque chose à la situation. Votre cible, elle, tente de se frayer un passage parmi la foule. Si ton apprentie a bien fait son travail, il sera obligé d’emprunter le chemin prévu… tu presses légèrement le pas. Tu ne veux pas perdre Adget de vue. Il faudra que tu lâches Nathalie également, mais tu attends le dernier moment pour ça. Moins de temps vous serez séparés, mieux ça vaudra. Tu fixes la nuque du militaire quand celui bifurque brusquement. Tu suis du regard sa trajectoire. Il ne peut pas continuer tout droit, il y a le départ de feu et à l’opposé, le manège. Il n’y a qu’une boutique dans laquelle il peut entrer… boutique dans laquelle il doit y avoir une entrée pour les employés, vu son emplacement. Parfait. Qu’il s’isole. Il faut simplement le retarder assez pour que Milka ait le temps de vous rejoindre. Tu ne la vois pas, mais la cohue est trop dense pour la repérer. Elle pourrait être à quelques mètres que tu aurais du mal à la voir. Adget est presque dans la boutique et tu es à quelques pas derrière lui. Le ralentir. Ta main se referme sur la hanche de la Nathalie, comme si tu la pressais un peu. Puis, brusquement, tu fais mine d’être déséquilibré de la même manière que si quelqu’un t’avait poussé dans le dos pour dégager le passage. D’un geste brutal, tu la projettes en avant droit sur votre cible. Elle s’écroule à moitié sur lui dans un petit cri alors que tu t’effaces pour te noyer dans la foule. Ne pas être vu par ta cible tant que tu peux l’éviter. Tu avances en restant à proximité. La Nathalie se répand en excuses et s’empresse de repartir en te cherchant des yeux. Adget, lui, file vers la boutique mais tu repères Milka juste derrière lui. Très bien. Tu n’as plus qu’à les rejoindre et à la laisser faire. Un contrat de plus.