Need you now - Ezra

Need you now

Ezra & Mallory

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D’habitude, je me lève dès que j’ouvre les yeux. J’aime pas trop trainer au lit – restes de mon éducation, j’imagine – à part si c’est pour faire des trucs crapuleux. Mais aujourd’hui… Aujourd’hui j’ai pris cinq petites minutes pour observer la personne qui dormait contre moi. Pas blottie dans mes bras, comme c’est parfois le cas avec des filles. Non, juste allongé contre moi, le front contre mon épaule, son oreiller à côté du mien et la main sur mon torse, tenant un bout de la couette, exactement comme lorsqu’il avait six ou sept ans. Alec. Il a beau faire plus vieux que son âge – et pour cause, il fait exprès de se laisser pousser un peu de barbe pour se la jouer – quand il dort comme ça, on lui enlèverait bien cinq ans de moins. Je savais que si je bougeais, il allait se réveiller direct, donc… je suis resté immobile, un peu songeur. On dort jamais ensemble, lui et moi. Plus depuis des années. Il est loin, le temps où il me rejoignait en cachette dans mon lit parce qu’il avait peur de l’orage ! Bon, y’a bien Noël où, chaque année, on finit par pioncer tous les deux, mais c’est qu’une fois par an et c’est juste parce qu’on est bourrés. Bref, tout ça pour dire que cette situation est un peu exceptionnelle… évidemment. C’est pas tous les soirs qu’on explose des bâtiments phare de notre nation.

J’ai vraiment flippé pour lui, n’empêche. Je repensais à la veille, quand je l’avais vu disparaitre dans la foule. L’espace d’un instant, j’ai pas réussi à penser à autre chose qu’à « et s’il revenait pas ? » C’est dingue mais cette simple question ça… non. Je pourrais pas. Je peux pas imaginer. L’angoisse qui me prend à la gorge quand j’y songe… je peux pas. C’est sûrement ça qui m’a poussé à me lever malgré tout. Evidemment, comme prévu, le frangin a ouvert les yeux et il a agi comme s’il n’avait pas passé sa nuit collé à moi. M’enfin… j’ai rien dit, pour une fois. Je l’aurais bien charrié, mais s’il doit y avoir une prochaine fois, j’ai pas envie qu’il dorme à l’autre bout du lit juste parce que je l’ai froissé – parce que j’adore quand il fait son petit frère mignon, même si je l’avouerai jamais. On a pris le petit déjeuner ensemble et il est parti après, comme tous les dimanches matin. Faut croire que même quand le monde s’écroule, il continue à… Bref. On a soigneusement évité le sujet, c’est pas pour que je me le foute tout seul dans la tête. Pas aujourd’hui. J’ai déjà trop de trucs à penser.

Au moins, la présence de mon frère m’a empêché de ruminer les événements de la veille. Après le repas du midi, par contre… Je me retrouve tout seul devant la pile de documents que j’ai chipés au stand S, avec les deux flacons de produit qu’on injectait aux gens, assis à mon bureau dans mon cabinet. J’aurais pu bosser de chez moi comme je le fais souvent mais… J’ai besoin de réfléchir et ici, j’ai aucune distraction. C’est pas un dimanche que les gens vont venir me faire chier, surtout que la ville entière se remet du choc. Moi avec, même si ça va, je gère plutôt bien la nouvelle. En même temps, j’ai le cœur bien accroché et personne dans mon entourage a été touché. Evidemment, c’est pas le cas de tout le monde… Je pense aux mômes en visite de Big Ben qui sont morts dans l’explosion. Y’a pas encore de compte-rendu des pertes, mais c’est évident qu’il y en a un certain nombre. Sans parler des blessés… Et pour quoi ? Je vois pas. L’attentat a pas été revendiqué. Pourquoi mettre en œuvre des moyens pareils, déployer une telle énergie si c’est pas pour revendiquer des idéaux ou se mettre en valeur ? Clairement, les gangs seront pointés du doigts, j’en suis sûr. Sauf que tous les gangs veulent montrer leur supériorité, donc si c’en est un derrière tout ça, il finira fatalement par se manifester. Mais j’en doute. Peut-être un accident mais… Quel genre d’accident provoque des dégâts pareils ? J’y crois pas du tout. On parle pas d’une usine de chimie, là. On parle du Parlement, bordel ! Peut-être quelqu’un qui veut affaiblir le gouvernement déjà bien agonisant de notre pays. Non parce que clairement, le pouvoir, c’est SHinc. Et puis il y a aussi la question de savoir… est-ce que c’est vraiment mes affaires ? Est-ce que j’ai des raisons de me prendre le chou sur cette histoire ? Moi, ce qui m’intéresse, c’est le SHinc. Or, rien ne prouve que cette entreprise et l’attentat sont liés, même si quelque part… j’ai l’impression que si. Après un certain temps de réflexion, je décide de me concentrer sur le SHinc. De toute façon, si, comme je le soupçonne, ils ont un truc à voir avec cette explosion, tôt ou tard, je trouverai des corrélations. Puis, il suffira de voir à qui ça profite…

Je suis coupé dans mes réflexions par un sms. J’attrape machinalement mon portable et me fige en voyant le nom qui s’affiche. Mallory. Jusque-là, j’avais évité délibérément de trop penser à elle. Je dis « trop » parce que depuis ce matin, j’arrête pas de me demander si elle va bien. Si j’aurais dû lui proposer de monter avec elle, ou de venir chez moi. Si elle supporte bien la pression qu’elle a vécue. Si elle est pas toute seule. Quand je l’ai raccompagnée, hier, elle avait l’air tellement… défaite. Fatiguée, aussi. Et… sous le choc. Normal. C’était terrifiant et elle a pas l’habitude de l’adrénaline, elle… J’ai vraiment hésité à faire quelque chose, à dire quelque chose, sauf que… quoi ? J’ai jamais été doué à ça. Je trouve pas les mots. Je trouve jamais les mots. Et puis, j’avais dit à Alec qu’on se retrouvait chez moi… Et je pouvais pas le laisser tout seul. Puis ça aurait fait bizarre qu’on se retrouve tous les trois… Non ? Bref, j’ai pas su prendre une décision et je l’ai laissée partir… Encore. Même si ça n’avait rien à voir avec la dernière fois qu’elle a quitté ma vie. J’en reviens toujours pas de la façon dont elle m’a sauté dans les bras. Je comprends pas. Elle a dit elle-même qu’il y avait plein de gens auxquels elle tenait, à cette putain de convention. Et Klaus, c’est pas censé être un pote dont elle est super proche ? Alors pourquoi ? Pourquoi l’avoir laissé pour moi ? Pourquoi avoir menti, chez Major, en disant que j’appartenais au passé ? ça signifiait quoi ? Est-ce que j’ai raison de penser qu’elle est attachée à moi ? Mais dans ce cas… ça explique pas pourquoi on s’est pas adressés la parole pendant six mois ! Si elle tenait à moi au point de tout plaquer pour me retrouver au beau milieu de l’apocalypse… Pourquoi être restée loin tout ce temps ?

J’hésite une seconde et j’ouvre son message avec l’impression qu’en faisant ça, j’ouvre grand la porte restée entrouverte pendant des mois alors que je tentais de me convaincre qu’elle était bel et bien fermée. Parce qu’au fond, je sais bien que ça n’a jamais été le cas. Mon cœur rate un battement. Je m’attendais pas à ça… Peut-être à un « ça va ? » ou à des nouvelles. Mais ça… Je réalise que j’ai un nœud à l’estomac. Un nœud d’inquiétude. Je réponds aussitôt à son message en espérant qu’elle me rejoindra vite. Qu’est-ce qui se passe ? Est-ce qu’il y a eu un incident, depuis hier ? Un froid glacial m’envahit quand je me dis qu’elle a peut-être perdu un proche. Si c’est le cas… Je chasse cette idée de ma tête. Ça sert à rien de faire des suppositions. Elle m’écrit qu’elle arrive le temps de se préparer et j’essaie de pas trop songer à l’appréhension qui me gagne. Ça peut pas être si grave, si ? Sinon ce serait pas moi qu’elle irait voir. Enfin… son comportement de la veille me met le doute. Je sais pas. Je sais plus… Je me lève, incapable de rester debout à rien faire. Pour m’occuper, je vais machinalement me préparer une tasse de café. Ensuite, je reviens m’asseoir à mon bureau mais j’arrive pas à me concentrer sur ce que je lis.

Mallory arrive. C’est la seule chose à laquelle j’arrive à penser. Mallory, ici, dans mon bureau. Ça fait combien de temps ? Plus de six mois… Je passe ma main dans mes cheveux. Y’a pas grand-chose de nouveau, à part une nouvelle plante dans un coin. Puis l’explosion d’hier… J’essaie de me calmer. Facile à dire… Je me sens même un peu… nerveux. Pourtant j’ai pas de raisons de l’être… enfin si, parce que je m’inquiète pour elle, mais… Pff, j’en sais rien. De toute façon, après un certain temps passé comme ça, j’entends la porte d’entrée qui s’ouvre et des pas qui retentissent. Je tourne la tête vers la porte de mon bureau où une tête rousse apparait. J’ai soudainement la bouche sèche sans aucune raison. Ça fait bizarre de la voir dehors sans qu’elle soit toute pomponnée… Je me lève et je contourne mon bureau sans trop savoir pourquoi je prends cette peine. J’ai juste… pas envie de rester assis et immobile, là.

- Euh… Ouais, ça va. Et toi… ?

Oui, je sais, normalement je pose pas la question. Et c’est débile, parce que clairement, ça va pas pour elle, elle vient de vivre une expérience traumatisante ! J’ai gagné la palme de l’imbécilité… J’enchaine rapidement, histoire de me reprendre.

- Assieds-toi, hein… Tu veux boire un truc ?

J’espère qu’elle va dire oui. J’ai envie de rester debout mais maintenant que je l’ai invitée à s’installer ce serait pas très poli de pas faire pareil et de la regarder d’en haut… Puis ça m’énerve d’être nerveux. Je m’efforce de pas le laisser paraitre puis, n’y tenant plus, je finis par lâcher :

- Qu’est-ce qui se passe ?

J’ai jamais aimé tourner autour du pot, surtout dans ces moments-là. Il se passe un truc, c’est évident. Elle serait pas là, sinon.

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J’ai pas vraiment l’habitude de voir Mallory aussi… naturelle. Enfin non, naturelle, c’est pas le bon mot. Disons qu’en général, elle est toujours bien apprêtée, avec un joli maquillage, plein de bijoux partout qui la font scintiller dès qu’elle fait le moindre mouvement, des talons hauts et des tenues colorées qui la mettent en valeur. Là, même si évidemment, elle est pas habillée à l’arrache non plus, ça se voit qu’elle a pas eu le cœur à se faire coquette… Et je comprends très bien pourquoi. J’imagine qu’après hier, elle a pas eu envie. Je retiens un petit sourire en me disant que décidément, elle est trop transparente… C’est tellement facile de suivre le cours de ses pensées - enfin, la plupart du temps. C’est un truc que j’ai toujours aimé, chez elle. Cette simplicité. Elle est pas du genre à faire des cachotteries ou des manigances, elle. Elle est si… différente de moi. C’est peut-être pour ça qu’elle a le don pour… je sais pas. Me toucher, je crois. J’ai l’impression qu’elle pourrait m’atteindre sans même spécialement chercher à le faire. C’est ça qui me rend nerveux ? Je m’attarde pas sur cette question. C’est pas le moment et en vrai, je préfère pas trop y réfléchir. De toute façon c’est débile d’être nerveux. C’est Mallo, pas les services secrets. Pourquoi on se casse la tête, au juste ? Parce que je vois bien qu’elle prend des pincettes, elle aussi, hein. Suffit de voir le sourire timide qu’elle m’adresse. Au moins elle sourit… c’est déjà mieux qu’hier. Je m’efforce de pas trop me focaliser sur mon coeur qui se serre pour je ne sais quelle raison. Même comme ça, elle est belle.

Je me sens un peu con de lui demander comment elle va, mais elle prend quand même la peine de répondre. Bah oui, évidemment qu’elle a connu mieux, crétin… C’est moi qui l’ai raccompagnée hier soir, j’ai bien vu à quel point elle était secouée. Pourtant c’est mignon qu’elle me réponde sincèrement. Sans trop m’en rendre compte, j’esquisse un sourire en coin un peu attendri. Elle a vraiment pas changé… Même ses goûts, c’est toujours les mêmes. Bon logique, en sept mois, y’a pas de raison qu’elle ait fait un brusque trop-plein de thé et qu’elle se soit mise à détester les infusions aux fruits.

- Je te fais ça.

Je m’engouffre dans la petite pièce attenante pour aller mettre la bouilloire en route et j’en profite pour ouvrir les placards. Je suis presque sûr qu’il reste du thé aux fruits rouges que j’avais justement acheté pour Mallory à l’époque où on… se fréquentait, on va dire. Elle passait régulièrement et elle aimait pas l’infusion à la cannelle que Lexie prend alors un jour, je lui avais pris ça. Depuis, j’ai parfois tapé dedans pour un ou deux clients mais globalement, la boîte a pas trop bougé. Et en effet, je remets facilement la main dessus. Est-ce que je me refais un café ? Je viens d’en boire un mais… Bah, allez. Je suis jamais contre et en plus, je vais pas la laisser boire toute seule. Je me lance donc ça. Quand je ressors avec deux mugs à la main, Mallory s’est installée sur les sièges en face de mon bureau. Avant, elle se mettait surtout sur la banquette plus informelle qu’il y a dans un coin - celle où je dors quand je passe des nuits ici. Je peux pas m’empêcher d’être… j’en sais rien. Un peu… déçu. Putain, c’est con. C’est juste une place, on s’en fout. Pourtant, j’ai pas envie de m’installer derrière mon bureau. J’ai l’impression que ça ferait… comme un mur entre nous. Que ce serait trop… bizarre. Alors je reste debout, mon mug à la main, adossé au mur et je finis par l’interroger, n’y tenant plus. C’est gênant, ce silence. Puis j’aime pas faire durer les mystères.

A ma question, Mallory attrape son sac et je fronce les sourcils, intrigué, jusqu’à ce qu’elle sorte une boîte en métal. Euh… Je suis loin d’être un expert à ce sujet, mais… c’est pas le genre de trucs que les femmes utilisent pour leurs… ? Si si. Y’a bien des tampons à l’intérieur. Euuuuh ?? J’imagine bien qu’elle va pas m’en filer un - encore heureux ! - mais je vois pas trop le but de tout ça… Un truc qu’elle a planqué dedans ? Mon hypothèse se confirme quand elle en sort une plaque de médicaments, bien suivie du reste de la boîte. Là non plus, je suis pas certain de comprendre… Enfin quelque chose me dit qu’on y vient. Mes sourcils se plissent davantage quand je l’entends. Linc ?? Mais bordel, il connaît tout mon entourage, ce type, ou quoi ?? Depuis quand ils se connaissent ? Est-ce qu’il est au courant que j’ai fréquenté Mallory ? Je secoue la tête. Y’a plus important. Des médicaments qui le rendent bizarre ? Et fournis par le SHinc… J’écoute attentivement, mon cerveau tournant déjà à plein régime. O.K., il dort mal, il agit étrangement et il a l’air dépendant… Bon. C’est pas forcément significatif. C’est normal de tenir à des médocs quand ça aide à aller mieux et son comportement est pas forcément lié à tout ça. ça peut être n’importe quoi. Mais… si Mallo le sent pas, c’est pas rien. Elle est pas du genre à s’inquiéter d’un rien. Elle est attentive à ses proches, mais elle panique pas à la moindre alerte. Je crois qu’elle est plus du genre à faire confiance et à soutenir les autres… Si elle est là aujourd’hui, c’est bien qu’elle a l’impression qu’un truc tourne pas rond. Et… j’imagine que ça coûte rien de les analyser, ces médicaments. En plus, si ça vient du SHinc, dans l’hypothèse où ce serait en effet louche… ça me ferait une preuve de plus, c’est pas rien. Avant d’y croire, j’attends les résultats, mais on sait jamais. Ne serait-ce que pour elle, je peux bien faire ça… Après la façon dont j’ai agi. Surtout que j’aime pas la voir comme ça… C’est évident, qu’elle est pas rassurée. Je quitte mon mur et je m’avance pour aller m’asseoir à côté d’elle, sur l’accoudoir de l’autre siège.

- Qu’est-ce qui te fait croire que son changement d’attitude est lié à ça ? Est-ce qu’il a commencé à prendre les médicaments au moment où il a changé ? T’as remarqué s’il en prenait régulièrement ? Ou d’autres trucs un peu… louches ?

Je réfléchis. Est-ce que j’ai trouvé l’emmerdeur bizarre, ces derniers temps ? Je l’ai pas vu, dernièrement… Pendant notre mission, il avait pas l’air différent. Toujours aussi chiant, c’est clair, mais c’est normal, ça. C’est nouveau, cette histoire de cachets donnés par le SHinc… J’étais pas au courant. Je me promets de mener ma petite enquête là-dessus. Est-ce que c’est un truc qui arrive souvent ? Depuis longtemps ? C’est quoi, un genre de dope ? Va falloir que j’aie une discussion avec Murphy…

- Tu sais s’il en a d’autres, des médicaments ? Ou c’étaient les seuls qu’il avait ?

Parce que si oui, quelque chose me dit que, s’il est vraiment accro, je vais pas tarder à le voir débarquer. Au moins, j’aurai pas à lui courir après… Je réalise que j’ai encore rien répondu à mon interlocutrice parce que je suis déjà passé en mode affaires. Zut. Devant son expression dans l’expectative, je m’empresse de me rattraper.

- Et oui, évidemment, pas de souci pour les analyser. T’inquiète. Je connais un labo fiable.

Et qui pose pas trop de questions. Toujours utile, ça, surtout avec le SHinc qui a tendance à trop fureter partout. Je l’observe. Je sais pas si elle est vraiment proche de Linc, mais pour qu’elle vienne me trouver le lendemain des attentats pour me parler de tout ça… C’est que ça doit la travailler. Je sais pas trop quoi dire mais… J’ai pas envie qu’elle s’inquiète. Je baisse les yeux et je joue avec la anse de mon mug, que je fais tourner entre mes doigts sans en avoir encore bu une gorgée. J’ai envie de la rassurer, de lui dire que c’est sans doute rien. Mais d’un autre côté… D’un autre côté, ça peut être grave une addiction. Et j’ai pas envie de lui mettre dans la tête que c’est pas grave parce que… Si y’a vraiment anguille sous roche, si Linc est réellement accro… Alors ça l’est, si. J’ai un souvenir un peu trop vivace des effets qu’une addiction peut causer. De ce que ça peut détruire. Une part de moi pardonnera jamais à Klaus pour l’état dans lequel il a foutu Alec juste pour sa putain de drogue. Et si y’a ne serait-ce qu’un minuscule pourcentage de chance que Linc fasse la même chose à Mallory…

- T’as pu en discuter avec lui ? finis-je par faire en relevant les yeux vers elle, la tête toujours un peu baissée.

C’est encore le truc le plus simple pour être fixé. Je suis mal placé pour parler de communication, mais elle est pas comme moi. Si y’a bien quelqu’un qui peut amener les autres à s’ouvrir, c’est sûrement elle. Et si ça peut lui éviter des mauvaises surprises…

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Ezra & Mallory

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Alors que je prends place sur l’accoudoir du fauteuil, j’observe Mallory à la dérobée. En suivant son regard, je tombe sur les mugs que j’ai à la main et sans trop savoir pourquoi, je me sens un peu gêné. Pourtant, c’est pas comme si elle les avait jamais vus… Ah, à la réflexion, je crois pas qu’elle connaisse celui que m’a offert Amber pour Noël, mais passons. C’est régulièrement qu’on se posait ici pour boire un truc, à l’époque où… on se fréquentait. ça a rien de nouveau. Pourtant c’est… j’en sais rien. Bon, c’est pas si étonnant que ce soit pas comme avant, vu tout ce qu’il s’est passé entre nous mais… Je m’attendais pas à me sentir un peu… mélancolique ? Nostalgique en la voyant là, les joues un peu roses. Est-ce qu’elle est gênée, elle aussi ? Ou mal à l’aise ? On reste un instant dans ce moment de flottement et moi je la détaille toujours du coin de l'œil. Je sais, c’est con, mais ça me fait quelque chose de la savoir si proche de moi. Je l’ai bien vue hier mais, avec toute l’agitation, l’adrénaline et les trucs à penser, je me suis pas trop attardé là-dessus. Aujourd’hui, dans le silence de mon bureau, alors qu’elle fouille son sac, je peux pas m'empêcher d’y réfléchir. Je dirais bien qu’elle m’a pas manquée, mais ce serait faux et je peux pas le nier. J’ai jamais été doué pour mettre des mots sur ce que je ressens et j’ai pas envie de le faire. L’idée que… que ça devienne plus concret… ça fait naître en moi une angoisse vague et confuse. Je préfère pas y penser. Mais ce qui est sûr, oui, c’est que c’est vrai, pouvoir de nouveau lui parler pour autre chose que pour dire bonjour, bah… ça remue quelque chose en moi. Quelque chose de pas désagréable… Et j’ai conscience qu’il y a qu’elle pour me faire ce genre d’effet.

Je me secoue mentalement. Qu’est-ce que je fous ? Mallory vient me trouver pour un truc important et moi je divague… C’est pas trop le moment… Puis j’ai toujours mis un point d’honneur à être professionnel, c’est pas pour changer maintenant ! Je me reconcentre donc en lui posant quelques questions. Je laisse échapper un sourire quand elle mentionne la bière. Parler de ça et de drogue dans la même phrase c’est un peu… bizarre. Je veux dire, de la bière...ça rentre même pas dans la catégorie des trucs forts, quoi ! Mais bon, je comprends ce qu’elle a voulu dire. J’imagine que c’était histoire de m’illustrer ses propos comme quoi c’était pas son genre. C’est bien elle, ça, de chercher le truc pour défendre les autres… Et j’aimerais vraiment pouvoir la rassurer là-dessus, lui dire qu’elle a raison, si c’est pas son genre bah c’est pas son genre et point. Sauf que ça marche pas comme ça. Je sais pas trop comment lui expliquer ça. J’ai pas envie de briser ses illusions, surtout que si ça se trouve, c’est vraiment trois fois rien. Peut-être que cette histoire va être vite classée et que si je vais dans son sens, elle pourra juste continuer sa vie tranquille. Je dis pas que je suis en train de tout bouleverser évidemment, c’est pas comme si je lui annonçais genre qu’elle était adoptée ou quoi, hein ! C’est pas non plus un drame, c’est juste… Pour moi, Mallory, c’est quelqu’un qui pétille. Une fille éclatante et souriante qu’on peut pas manquer. Le genre de fille qu’on remarque au milieu de dizaines d’autres, dans une boîte de nuit bondée, malgré la pénombre, le bruit et la foule. J’ai pas envie d’être celui qui va lui miner le moral et lui retirer ça, même si bon… clairement c’est pas cette Mallory-là que j’ai sous les yeux. Mais c’est pas pour autant que je dois l’enfoncer, si déjà elle déprime. D’un autre côté, pourtant… si c’est pas juste une fausse alerte, j’ai pas envie qu’elle tombe de haut… Je décide de couper la poire en deux et de l’avertir sans trop l’alarmer non plus.

- Je demandais pas forcément par rapport à la drogue. Mais tu sais… commencé-je avec précaution. C’est pas un truc qu’on remarque forcément. Je veux pas dire qu’il se drogue forcément, hein, juste…

Je soupire. Qu’est-ce que je suis nul pour ce genre de trucs… Surtout que dans le fond, je suis d’accord avec elle. Linc a pas l’air d’être le type à plonger là-dedans, même si je le connais pas si bien, au final. Sauf qu’Alec aussi aurait dit la même chose avant d’apprendre que Klaus prenait de l’héroïne… Je me passe une main dans les cheveux, embarrassé.

- Mon… Quelqu’un de mon entourage avait un ami qui se droguait. Et il l’a pas vu venir parce que… ben parce qu’on s’en rend pas forcément compte, surtout quand on tient à la personne. Je dis pas que tu dois pas lui faire confiance, tu le connais mieux que moi. Juste… fais gaffe, O.K. ?

Est-ce que je m’inquiète trop ? Oui, peut-être… Je sais que j’envisage souvent le pire, mais en même temps, vu mon métier… difficile de pas virer un peu parano. Je prends une gorgée de café tandis qu’elle reprend, braquant mon regard sur elle. Je me note mentalement les infos qu’elle me donne au fur et à mesure. Hm… S’il en avait vraiment besoin, il aurait pu en avoir besoin même sans en prendre souvent. C’est pas forcément une preuve mais bon… en effet pourquoi ces médicaments-là et pas d’autres ? Puis le fait qu’ils soient prescrits par le SHinc, c’est suspect… Je tique quand elle évoque une amnésie. Ah bah voilà autre chose… Le questionnaire que j’ai récupéré mentionnait rien sur ça, donc pas sûr que ce soit dû à son pouvoir, mais les infos avaient pas l’air hyper précises et les pouvoirs, ça évolue, alors ça veut rien dire… Quel sac de noeud… Et le fait qu’il y ait pas de notice, ça aide pas à faire confiance. Décidément, plus j’en apprend, plus je trouve que cette histoire pue. Je secoue la tête je fais des petits mouvements de ma main libre pour l’inciter à ralentir.

- Hey, hey, fais-je doucement avant de reprendre. Pour l’instant ça sert à rien de sauter aux conclusions. On peut pas savoir si son comportement est lié à ça ou si c’est complètement autre chose. Je vais me renseigner, O.K. ? On va bien voir ce que ça donne. Et de ton côté, si tu peux lui en toucher deux mots… J’imagine que ça peut pas faire de mal.

Bon évidemment, si, comme elle le croit, il lui a menti, ça risque d’être un peu plus compliqué que ça mais en fonction des résultats des tests, j’ai bien l’intention de l’interroger moi-même. Sérieusement, c’est quoi ces histoires ? S’il trempe vraiment dans des trucs pas nets… je veux qu’on me rende tous les commentaires positifs que j’ai pu penser sur lui ! Pas qu’il y en ait eu tant que ça… c’est surtout un chieur. Mais je peux pas croire qu’il soit con à ce point-là ! Puis merde. C’est le pire emmerdeur qui soit, il est insupportable et insolent, mais assez débile pour en arriver là ? Non, ça… j’ai du mal à y croire. M’enfin… Je crois les preuves, moi. Les trucs concrets. Puis c’est pas dit qu’il ait plongé là-dedans de son plein gré dans le cas où y’a bien anguille sous roche… Alors…on verra bien. Par contre… ça me rassure absolument pas ce qu’elle me dit sur l’origine de la boîte.

- J’imagine que puisqu’ils sont fournis par le SHinc, c’est logique qu’il soit pas le seul… Mais j’ai jamais entendu parler d’une entreprise qui fournissait des médocs à ses employés. A la limite, rembourser des séances de thérapie ou des trucs du genre, pourquoi pas mais… filer des médocs ? Tu sais quel Kyle c’était, par hasard ?

Autant des Leslie y’en a pas cinquante au SHinc, autant des Kyle… C’est déjà plus courant, comme prénom. Si ça pouvait être celui que je connais, ce serait bien, mais bon… Je finis quand même par assurer à Mallory que je m’occuperai de faire analyser tout ça. C’est la base, quand même. Je dis pas que je l’aurais fait gratos pour n’importe qui, mais si elle me le demande c’est que c’est important pour elle et j’ai pas envie de la laisser tomber. C’est même juste… pas envisageable. Puis l’air de rien, ça concerne aussi l’autre chieur. C’est pas comme si c’était un inconnu non plus… Je hausse les épaules.

- Bah arrête, c’est normal. C’est rien.

Mon regard glisse sur mon mug quand sa main se pose sur ma jambe. Mon coeur vient de rater un battement, là. Putain. Je devrais pas ressentir ça pour un simple contact. Je devrais pas… être affecté comme ça. J’ai chaud, tout d’un coup. Je porte ma tasse à mes lèvres et je descends une bonne moitié de mon café. Le breuvage chaud et familier me fait du bien, mais c’est toujours… Bizarre. Cette sensation de flottement, je la connais. C’est la sensation que je ressens quand je suis avec elle. Pfff… C’est ridicule. Je suis ridicule. Faut que j’arrête d’être troublé parce qu’elle a l’air défaite. Les hauts et les bas, ça arrive à tout le monde, c’est pas une raison pour que ça me pince le cœur. Depuis quand je suis aussi sensible ? Elle continue et je me reprends aussitôt. Ouais voilà. Parler boulot. Parler boulot, ça a toujours été LE moyen efficace de me concentrer sur autre chose et de penser à rien d’autre qu’au travail. Je hoche la tête, notant au passage que Linc connaît donc effectivement Klaus. Bon, je le savais déjà parce qu’on met pas un parfait inconnu en numéro d’urgence, m’enfin l’entendre dire à voix haute, ça fait bizarre, quand même. Qu’est-ce que le monde est petit… Je grimace quand elle affirme qu’elle peut pas savoir s’il ment. Ouais… Tout le monde a pas mon don. Dommage pour les autres, c’est vachement pratique.

- Oui, c’est clair. Puis si y’a rien, y’a pas besoin d’en faire toute une histoire, donc autant pas trop insister direct. Après si tu vois qu’il agit bizarrement quand tu l’interroges, vois si tu peux creuser un peu ou pas… Essaie de pas poser des questions fermées, où il pourrait répondre par “oui” ou “non”, pour le faire parler.

Je surprends son regard sur la boîte. J’aime pas la voir comme ça… ça me fait chier. Pourquoi faut qu’elle se retrouve mêlée à tout ça ? Putain, quoi… Que moi, je sois embarqué dans des histoires louches, O.K., c’est mon métier et j’ai tendance à fourrer mon nez partout alors c’est normal, mais elle ? Je retrouve à pincer légèrement mes lèvres. ça m’agace qu’elle se prenne la tête pour ça et qu’elle soit nerveuse… Je laisse échapper un petit ricanement blasé à sa demande.

- Non, non, lui mens pas. Tu peux lui dire que c’est moi qui les ai, on se connaît de toute façon, t’inquiète. Il peut passer me voir, je l’attends.

Clairement, c’est pas la menace d’une éventuelle visite de sa part qui va me faire flipper. Qu’il passe s’il veut, au contraire ! Comme ça je lui poserai les questions moi-même et je serai sûr de savoir s’il ment, au moins. Et moi, je le ménagerai pas autant que Mallory, parce que je la connais. Elle est trop sympa pour insister. Je la dévisage un instant, un peu hésitant, avant de me lancer et de lui faire une rapide petite tape sur le bras.

- Hé, te mets pas dans ces états-là, O.K. ? ça va aller. Y’a peut-être rien de grave, tu sais. Pour l’instant, on peut rien faire de plus dans l’immédiat. T’as fait ce qu’il fallait en décidant d’analyser les médicaments.

C’est… pas trop mal, ça, non ? Bon on a vu mieux en tentative de réconfort mais… pour moi qui suis un boulet, je trouve que je m’en sors bien.

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Ezra & Mallory

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J'acquiesce avec un sourire quand Mallory me dit qu’elle me tiendra au courant. Bon… Je suis clairement nul pour tout ce qui est apaisement, mais je suis soulagé de voir qu’elle a l’air de se calmer un peu. Elle a toujours l’air inquiète et je peux la comprendre, mais au moins, elle paraît plus aussi paniquée. C’est déjà ça… je profite du fait qu’elle boive pour réfléchir un instant. Est-ce que c’est vraiment une bonne idée, de la mêler à tout ça ? Si la simple perspective que le SHinc puisse délivrer à ses SHinkies des médocs louches la met dans cet état, qu’est-ce que ce serait si on découvrait qu’il y avait vraiment des composants réellement pas nets dedans ? Ou si elle apprenait tout ce qui ne tourne pas rond, comme la façon dont sont traités les superhéros ou dont ils sont couverts ? Comment est-ce qu’elle réagirait ? Evidemment, j’ai bien conscience que la situation est particulière… Je veux dire, c’était hier soir qu’elle - qu’on - était pris dans une foule en panique à cause de l’explosion… Clairement, c’est pas la meilleure épreuve qui soit pour les nerfs. Et puis… J’ai bien vu comment elle était remuée quand je l’ai laissée la veille. J’imagine qu’elle est pas dans les meilleures dispositions du monde pour apprendre que l’entreprise pour laquelle elle bosse est sans doute verreuse comme pas permis. Suffit de voir les gens qui y bossent… Crowford, Legrand, Wiedman… Et j’en passe. Des connards, y’en a partout, mais là ça dépasse l’entendement et en plus, ils font ce qu’ils veulent. Tout ça, ça pourra pas être couvert indéfiniment. Même Mallory finira bien par le savoir un jour…

Peut-être que c’est mieux d’être honnête, même si les résultats sont mauvais. De toute façon… Je me vois mal lui mentir. J’ai aucun problème pour ça en temps normal, seulement j’aime pas le faire avec mes proches. C’est justement parce que je le fais souvent, d’ailleurs, que je préfère dire la vérité aux gens à qui je tiens. Si je veux pas leur parler d’un truc, je leur dis pas, point. Mais je leur mens pas. Et elle… ben… je sais qu’on peut pas la ranger dans la catégorie “proches” à proprement parler… Avant le repas chez Major, ça faisait quoi ? Six mois qu’on s’était pas échangé plus de trois mots ? C’est pas ce qu’on appelle “proche” chez moi, et pourtant, je suis incapable de la considérer comme autre chose. J’ai toujours trouvé que c’était facile avec elle, que tout… j’en sais rien, coulait tout seul. Même maintenant, alors qu’elle a manifestement pas le moral et qu’on s’est pas vus depuis un moment, ça me semble normal. Alors ouais, non, j’ai pas envie de lui mentir. Je décide que, quels que soient ces résultats, je serai honnête avec elle. Elle a le droit de savoir. Et évidemment que ça me fait chier qu’elle soit impliquée, mais c’est trop tard de toute façon. Et c’est pas une raison pour la maintenir dans l’ignorance… si ? J’espère juste que ça l’ébranlera pas trop si jamais ces médicaments se révèlent mauvais. C’est con mais… Je déteste quand elle va mal. Vraiment. J’ai beau me répéter qu’elle est plus forte que ce qu’il parait, qu’elle est pas en sucre… Je peux pas m’en empêcher. J’imagine que c’est comme Devon, au final. Lui non plus, je me retrouve toujours à le surprotéger… Sauf que Mallo, c’est Mallo. ça s’explique pas. Y’a rien de rationnel. Et c’est bien ça, le souci. Je perds toute notion de bon sens quand elle est là. Elle… me fait faire n’importe quoi. Est-ce que c’est un mal ? Alec me dirait que non. Moi… j’ai pas envie d’y réfléchir, là. C’est pas le moment, de toute façon.

Je fronce les sourcils en la voyant relever vivement la tête quand je mentionne que je connais Linc. C’est pas si étonnant, pourtant… Pourquoi elle fait cette tête ? Je comprends pas bien. On bosse au même endroit… après, c’est vrai que le SHinc, c’est énorme et c’est impossible de connaître tout le monde, surtout que je bosse pas vraiment avec les SHinkies, de base. Donc… c’est vrai que c’était pas instinctif, comme déduction, mais si je l’avais pas connu, je lui aurais posé plus de questions sur lui dès le début, non ? C’est vrai que je lui ai pas répondu quand elle m’a demandé si je le connaissais, j’ai buggé sur le reste des infos… Mais, je sais pas… c’est si embêtant que ça ? J’avoue que ça me ravit pas de savoir que Mallory et lui passent du temps ensemble mais en vérité, ça m’étonne pas plus que ça… Klaus est son voisin et Linc est le meilleur ami de Klaus… ça par contre je m’en remets pas ! Depuis tout ce temps, je l’ai découvert genre… hier ?! Alec aurait pu me le dire avant… Enfin bref. J’espère qu’elle lui a rien dit sur nous…

- Bah je le connais depuis que je bosse au SHinc donc… un peu plus d’un an. Après "connaître" c’est un bien grand mot, hein, je connais surtout ses blagues à la con…

J’en dis pas plus parce que j’ai pas spécialement envie d’insulter les gens qu’elle aime et que de toute façon, c’est pas le propos. Je hausse les épaules, histoire qu’elle comprenne que c’est pas très important et que j’ai rien de spécial contre lui. Enfin… si. Mais moins. Disons que si elle m’avait annoncé être son amie y’a quelques semaines je serais tombé de haut et peut-être que je me serais pas fait prier pour le lui faire comprendre. Mais aujourd’hui… Je crois que je vois pourquoi elle l'apprécie. Pas que ce soit mon cas, hein ! ça reste un chieur de première et s’il se remet à me voler mon café, je lui demande un remboursement intégral ! Seulement, j’admets qu’il a quelques qualités.

Avec tout ça, elle a quand même l’air toujours pas très bien… C’est con, mais je suis mal à l’aise pour elle. C’est pas elle, hein, c’est juste… Elle doit être gênée ou attendre des mots sympas et moi… je sais pas quoi dire. Pourquoi est-ce que je suis aussi peu doué pour ça, bordel ? J’ai aucun souci à trouver les bons mots pour poser des questions, manipuler des gens pour essayer de leur faire dire la vérité ou pour faire chier, mais quand il s’agit de trucs importants… j’ai trop peur de mal faire et d’enfoncer le couteau dans la plaie. Sauf que je peux pas la laisser comme ça, en plus j’ai l’air con à rien dire… Je finis par me lancer et lui faire une petite tape d’encouragement pour la booster. Je trouve que je m’en sors pas trop mal… jusqu’à ce que je croise son regard.

Elle semble plus gênée mais carrément triste, maintenant !! J’accuse le coup. Qu’est-ce que j’ai fait ?? Je repasse la scène dans ma tête mais je vois vraiment pas. C’était plutôt gentil, non ? Je voulais juste essayer de la réconforter… est-ce que j’aurais pas dû ? J’ai dit un truc ? Je sens mon cœur s’emballer sous l’appréhension. Putain. Putain… Et voilà, j’ai ENCORE merdé ! Mais pourquoi ?! C’est pas possible, je comprends pas, là ! Je comprends pas. ça m’énerve. Je m’énerve. Et maintenant elle prend carrément la fuite. Enfin… en tout cas c’est l’impression qu’elle donne. Je sais pas, on discutait, là, non ? C’est parce que je connais Linc ? Ou… Je l’ai tapée trop fort ? Mais non, c’est pas possible, c’était à peine plus qu’un effleurement… Non attends, je saute aux conclusions. Elle est encore assise, si elle voulait vraiment fuir, elle se serait levée. Donc… donc elle veut pas partir ? Mais elle coupe court la conversation quand même ? Je dois comprendre quoi ?! Elle enchaîne sur le paiement et me prends au dépourvu avant d’ajouter qu’elle me laisse travailler. Non mais… Non… Un peu largué, je m’empresse de répondre, comme si ça pouvait la changer d’avis.

- Euh non… Enfin si, mais ça peut attendre lundi ! Et dis pas n’importe quoi, tu me dois rien, ça va… c’est rien. Tu m’embêtes pas.

Si ça avait été une inconnue, évidemment que j’aurais pas fait ça gratis, mais c’est Mallo ! Evidemment que je vais pas la faire payer. Et comme si elle pouvait me faire chier… ça risque pas. Est-ce que j’ai laissé entendre que c’était le cas ? Et si je la laisse partir là, est-ce qu’elle va continuer à penser qu’elle me soûle ? Mais pourquoi je penserais un truc pareil ? Je la recevrais pas un dimanche si c’était le cas ! Je peux pas la laisser croire ça… Seulement même en lui ayant dit, est-ce qu’elle va changer d’avis ? Et pourquoi elle s’est mis ça en tête ? J’ai vraiment dû merder quelque part… Communiquer… Communiquer. Ha. Le truc le plus simple du monde… Bordel. Bon. Par où je commence… ? Je suis même pas sûr de vouloir cette réponse. Je fais quoi si elle me sort que je l’ai blessée ? Enfin j’ai forcément dû le faire… Mais si elle me le confirme je pourrai pas passer à autre chose. Sauf que si je fais rien… Elle va continuer à se faire des idées…

- J’ai… l’air d’être embêté ? finis-je par lâcher, un peu tendu.

Dit comme ça… Mais c’est pas la tête que je tire quand je suis en colère, elle devrait le savoir, non ? Oui, je suis gêné, mais qui appréhenderait pas ? Si je fais un faux pas, je prends le risque de ruiner le peu qu’il restait de notre complicité et… et… c’est pas ce que je veux. Non. Je soupire et je passe ma main sur mon visage, ajoutant sincèrement :

- Ah… laisse tomber. C’est moi qui suis désolé. Je suis… juste un peu fatigué. Mais tu m’embêtes pas. Je t’assure…

Je la regarde. Je te mens pas, Mallory. Crois-moi. S’il te plait. Je veux vraiment pas détruire ce que j’ai déjà brisé. Et même si je suis pas doué… J’essaie. Je sais juste pas comment faire…