C'est bizarre mais c'est cool... ou l'inverse ? [ft Gabriel]

Au moins Noël était passé. Voilà. Il en avait fini de ces fêtes de merde. Cette année encore, Evelyn avait coché toutes les cases. Il était reparti aux États-Unis voir son père pour son Thanksgiving. Et bon il adorait son père, et c'était réciproque, mais c'était toujours si compliqué. Comme replonger la main dans un pot rempli de scorpions. Son pays lui manquait autant qu'il le fuyait. C'était toujours un peu curieux. Surtout que bon, l'alcoolisme courait clairement de ce côté de la famille. Pas pour rien qu'il avait appris ça comme principal mécanisme de survie. Il l'avait pas sorti de nulle part ! Mais du coup, vouloir maintenir son abstinence quand il rentrait ça relevait de la gageure infernale qui venait renforcer l'impression de ne pas appartenir à ce monde-là, et que malgré l'affection, à part l'alcool ils n'avaient pas grand chose en commun. Alors sans ! Enfin heureusement la présence de ses cousins et cousines avait un peu allégé le tout.

Il avait tenu tant bien que mal. À son retour, bien sûr il avait fallu que Jerry recommence à faire chier. Bordel, il en verrait jamais le bout de ce foutu divorce ! Evelyn était pas paranoïaque, mais c'était à se demander s'il avait pas fait exprès de relancer le merdier pile à ce moment-là. Selon les jours, il oscillait entre vouloir tout lâcher et lui laisser tout ce que son ex voulait juste pour avoir la paix, et se battre jusqu'au bout parce que merde, s'il voulait jouer au con, l'Américain allait pas lui faciliter la vie ! Surtout que bon, gérer tout ça depuis la salle d'attente de l'hôpital en attendant le rendez-vous avec son rhumatologue, ça n'avait pas vraiment aidé à lâcher prise ! Il avait déjà dû suffisamment lâcher de chose dans ce foutu cabinet, alors il était pas question d'en ajouter ! À un moment ça va bien les conneries !

Et puis il y avait eu l'histoire avec Gabriel. Dans quoi il s'était laissé embarquer ??? Ça avait été une bonne soirée. D'une certaine façon, ça avait même été une soirée incroyable. Depuis le divorce, Evelyn avait complètement mis de côté toute cette partie de sa vie. Choisissant à la place de se plonger dans son travail à corps perdu. Ce qui était ironique quand on pensait que quelques années plus tôt il avait fait l'inverse. Et c'était bien ça le truc. Aussi bien qu'ait été cette soirée, ça avait été ouvrir une boîte de Pandore. Une boîte dans laquelle Evelyn avait dû faire face à son sentiment de solitude, au fait qu'il avait clairement envie de plus. Maaaaais... c'était compliqué. Il avait pas franchement envie d'embarquer Gabriel dans le bordel qui lui tenait de vie. Pas envie de prendre le risque d'être à nouveau renvoyer à ce qu'il était dans le fond. Pas envie d'avoir à avouer le reste. C'était plus simple comme ça. Et qu'est-ce qu'on faisait quand on voulait refermer une boîte de Pandore ? Et bien on la noyait.

Enfin, noyer c'était un bien grand mot dans un premier temps. Juste un verre en rentrant du taf pour décompresser. Parce que bon, fin d'année oblige, y avait des bilans comptables et des conneries du genre,et ça créait toujours une ambiance un peu pesante au taf. Au final, c'était pas si dur de plus penser à Gabriel parce qu'on aurait dit qu'un milliard de trucs réclamait son attention, alors qu'il avait envie de la donner à personne. À part peut-être à Gabriel, mais ça c'était une option déjà éliminée. DONC. Donc. Donc voilà.

Et puis Noël avait achevé le travail. Cette année encore, il avait pas échappé à le passer chez sa mère et sa nouvelle famille. Et puis fallait qu'il fasse des efforts. Et puis c'était pas la faute de son demi-frère tout ça. Mais est-ce que c'était sa faute si ce mioche le prenait pour un demi-dieu ??? Oui bon d'accord il avait 18 ans maintenant... mais quand même ça restait un mioche. Tous les ans Evelyn avait beau se dire qu'il était temps d'enterrer la hache de guerre pour de bon, tous les ans c'était toujours aussi douloureux de constater qu'elle avait pu changer de continent sans regarder en arrière pour recommencer. Et maintenant il faudrait revenir ? Alors qu'il avait tout ce merdier à gérer ? Alors cette fois, quand son beau-père avait servir du vin à table, il avait tendu son verre. Ivre, ça passait déjà beaucoup plus facilement ! Franchement, qu'on vienne encore lui expliquer pourquoi c'était pas une bonne solution tiens.

Mais au moins Noël c'était fini. Et puisque c'était fini, il allait pouvoir se consacrer à des choses plus chouettes. Comme par exemple finir de préparer l'anniversaire d'Ezra. Avec Gabriel. Ça, il arrivait pas trop à savoir si c'était une bonne ou une mauvaise chose. Une bonne dans le fond puisque voir Gabriel c'était quand même toujours chouette. Et qu'il se rendait bien compte là qu'il avait envie de le voir. Et en même temps ils ne s'étaient pas vus depuis cette fameuse soirée. Alors même si apparemment personne ne regrettait rien et qu'a priori tout était pour le mieux entre eux... oui bon, l'Américain avait pas trop de doute sur le côté flottant de la situation. Y avait plus qu'à espérer que devoir se revoir pour organiser la fête de leur ami aiderait à dépasser les éventuels blocages restant et qu'ils pourraient repartir sur de bonnes bases à partir de là. Restait à définir les bases en question... non ! non non non. On reste ami c'est le plus simple et voilà. on s'en fout de ce que tu veux. Il en était arrivé à cette conclusion hier au quatrième shot de vodka, hors de question d'y revenir ! Et ce même s'il était légèrement fatigué. Forcément...

En tout cas, ça ne l'empêcha pas d'accueillir Gabriel avec un grand sourire, sincèrement chaleureux, lorsqu'il le vit arriver à leur point de rendez-vous au centre commercial.

"Hey, ravi de voir que tu as survécu aux fêtes. J'espère que tu n'es pas trop déçu de voir que malgré tes efforts, Noël a bien eu lieu. Enfin tu pourras toujours attaquer le lutin pour diffamation si le coeur t'en dit."

Voilà. Revenir au naturel, c'était le plus simple. Pour tout le monde. Se relancer dans une histoire... c'était trop d'efforts. Surtout que bon, c'est pas comme s'il avait grand chose à offrir, alors mieux valait ne pas embraquer Gabriel dans son merdier ! Surtout pas sobre qui plus est. Parce que bien sûr, Evelyn maîtrisait parfaitement ce qu'il faisait, et oui il avait bu hier soir, parce que peut-être ce rendez-vous l'inquiétait un chouïa, mais il en était pas encore à reboire tous les jours ! Enfin pas trop tous les jours. oh puis merde ! Il gérait ! il allait finir l'année et il verrait après.

"T'as eu d'autres idées de trucs qu'il faut qu'on trouve du coup ? j'ai la liste mais il me semble que tu disais que t'avais pensé à d'autres trucs."

C'est bizarre mais c'est cool...

ou l'inverse ?

@Evelyn Clark

Noël, c’était toujours une période difficile. Noël et tout ce qu’il y avait autour, le mois de décembre en résumé, c’était une épreuve qu’affrontait Gabriel depuis plusieurs années maintenant, mais cette année, elle lui avait paru plus compliquée encore. D’abord, il avait dû gérer Pamela qui s’était mis en tête de lui faire changer d’avis sur cette fête soit-disant “magique” (la seule magie qu’elle provoquait, c’était les envies de meurtre !) qu’il le veuille ou non. Elle lui avait ainsi imposé plusieurs tâches, toutes autour de cette stupide fête, allant de la plus simple - boire un vin chaud avec ses hébergés - à la plus pénible - décorer entièrement la maison de Home for All pour les fêtes, ce qui impliquait trois putain de sapins. Heureusement qu’il avait réussi à se débrouiller pour ne pas faire ça tout seul, sinon il aurait viré chèvre ! Malheureusement, son calvaire ne s’arrêtait pas là puisqu’il était ensuite tombé dans un traquenard. Voulant simplement faire ses courses, il s’était retrouvé à participer - de force - à un stupide jeu de supermarché pour faire gagner des prix stupides à des associations toutes aussi stupides ! Certes, le jeu en lui-même n’avait pas été si catastrophique mais c’était uniquement grâce à la partenaire tenace dont il avait hérité et qui n’avait pas hésité à le suivre dans une histoire de meurtre de noël. Cette partie-là, il en gardait plutôt un bon souvenir, c’était juste dommage qu’elle ait été gâchée par la suite.

Sans qu’il ne comprenne vraiment comment, la situation avait dégénérée, et pas qu’un petit peu ! La foule s’était mise à huée puis à jeter des choses aux participants du jeu. Le tout avait été encore un peu plus envenimé par l’abruti de lutin qui servait de présentateur et qui s’était senti impliqué d’une mission divine - minimum - au point que ça avait fini en bagarre générale. Gabriel avait peut-être profité de la cohue générale pour assouvir une pulsion soudaine et coller son poing dans la figure du lutin mais il ne s’était pas attendu à une telle fin ! Sans qu’il n’ait rien vu venir, il s’était retrouvé embarqué pour une garde à vue interminable où les policiers l’avaient fait mijoter. Là encore, il avait fait appel à un joker, ou plutôt, un grinch, pour lui venir en aide. Sauf qu’il en était venu à présenter Evelyn comme son conjoint et que la situation lui avait légèrement échappé. Avant de lui échapper complètement quand leur partie de bataille dans un pub s’était transformée en séance de roulage de pelle en règle. Séance qui s’était, à son tour, transformée en autre chose une fois qu’ils s’étaient retrouvés chez lui. Quelque chose d’agréable, très agréable même, mais qu’il n’avait absolument pas anticipé.

Cette soirée étrange avec Evelyn était certes imprévue mais mémorable malgré tout. Le seul problème était que Gabriel ne savait pas comment gérer l’après. Se retrouver à coucher avec un de ses amis l’avait forcé à mettre les choses à plat, à réfléchir à tout ce que ça impliquait, même s’il n’en avait pas envie. Tout ça l’avait obligé à admettre qu’il ne regrettait pas cette soirée et qu’il était (très) attiré par Evelyn. Certes, il en avait plus ou moins conscience avant, mais après cette soirée, il était difficile de minimiser cette attirance. Sauf que ça ne suffisait pas pour décider du après, il avait donc décidé d’en parler directement avec Evelyn et… Disons que ça n’avait pas été aussi concluant qu’il l’aurait voulu. D’accord, il avait appris que le chorégraphe non plus ne regrettait pas, mais toute cette conversation avait été…bizarre. En définitive, la seule certitude qu’il en avait retiré, c’était qu’Ezra allait le tuer quand il apprendrait qu’il avait couché avec Evelyn. Peut-être aurait-il raison de le faire d’ailleurs.

Après cette soirée, Gabriel avait décidé de ne plus tenter le diable et était resté reclus chez lui autant que possible. Il n’était sorti que pour aller travailler, promener Pirate et récupérer ses courses qu’il avait fini par faire en drive. Autant être honnête, il n’avait pas été de compagnie très agréable jusqu’au 25 décembre mais il s’en fichait. Même Pamela avait fini par en prendre son parti et lui avait lâché la grappe, renonçant à le faire venir pour le repas de noël de l’association. Tant mieux ! Il n’avait vraiment pas l’énergie pour se taper un dîner interminable où tout le monde serait joyeux et partagerait des anecdotes, c’était trop lui en demander. Il avait donc pu, avec soulagement, s’enfermer chez lui, avec son chien, du 23 au 26 décembre. Il n’avait toléré que la traditionnelle visite d’Ezra le 24 décembre, il ne pouvait pas y couper de toute manière puisque le détective était la personne la plus têtue qu’il connaisse ! De son point de vue, il s’en était plutôt bien sorti avec cette visite et une fois son ami d’enfance parti, il avait pu se consacrer un son programme initial : un marathon de vieux films d’horreur en compagnie de son chien et d’un plateau de sushis.

A présent que Noël était passé, la vie devait reprendre son cours. Même si la bonne humeur était toujours autant présente, ça restait plus gérable pour lui et Gabriel était retourné travailler. Il avait même pris plaisir à échanger avec ses protégés au sujet de la soirée du nouvel an auquel il ne participerait pas. Ça lui avait d’ailleurs rappelé qu’il leur restait des détails à régler pour l’anniversaire d’Ezra et c’était comme ça qu’il s’était retrouvé à échanger avec Evelyn, jusqu’à convenir d’un rendez-vous pour finaliser les achats de cadeaux. D’ordinaire, Gabriel ne se prenait pas la tête avant de voir Evelyn - enfin, pas à propos d’Evelyn lui-même disons - mais aujourd’hui, c’était différent. Il voulait, autant que possible, que tout redevienne normal entre eux, il ne savait juste pas comment retourner à ce “normal”. Résultat, il se retrouvait planté devant sa penderie à chercher quoi mettre pour cette virée shopping. D’habitude, il ne se prenait jamais la tête sur ses vêtements, se contentant d’enfiler ce qui lui passait sous la main, mais rien n’était comme d’habitude et il s’exaspérait lui-même. En guise de conseiller, il n’avait que Pirate mais son chien, allongé sur son lit, ne lui était pas d’un grand secours. En plus, il piquait du nez le traître !

Bon, ça suffit, c’est ridicule ! maugréa-t-il pour lui-même. Je n’ai qu’un mettre un pull et ça ira très bien !

Après tout, Evelyn avait bien dit que c’était son vêtement signature, non ? Autant partir là-dessus, ça serait plus simple ! Il n’avait plus qu’à en choisir un puisqu’il ne pouvait pas opter pour son pull préféré. Ce dernier, noir, orné de lettres blanches, était toujours posé sur sa commode, sagement plié, dans l’attente d’une décision de sa part. C’était stupide, mais depuis qu’il avait vu Evelyn dedans, il n’arrivait pas à s’imaginer le reporter, il avait comme un blocage. Peu désireux de s’attarder sur ça, il attrapa un simple pull bleu canard, sans motif, qui conviendrait très bien pour ce qu’il avait à faire. Une fois habillé, il se hâta de quitter sa chambre pour ne pas risquer de changer d’avis, il dut juste marquer un temps d’arrêt pour appeler Pirate. Avec tout ça, il allait finir par se mettre en retard, pour des conneries en plus ! Il était presque sûr qu’il se prenait la tête pour rien, mais c’était plus fort que lui, il n’arrivait pas à faire autrement.

Après s’être assuré que son chien avait tout ce qu’il lui fallait et que la trappe menant au jardin était ouverte, il put se mettre en route. Pour une fois, il se déplaça en voiture, plus pratique pour rejoindre le centre commercial et qui offrait l’option non négligeable de mettre la radio en fond sonore, lui permettant ainsi de moins cogiter. C’était un peu étrange de retourner dans une galerie marchande, parce que la dernière fois qu’il y avait mis les pieds, il avait fini en garde à vue. Normalement, ça ne serait pas le cas aujourd’hui et il était là pour Ezra donc il pouvait bien faire un effort. Il ne tarda pas à rejoindre le point de rendez-vous où l’attendait déjà Evelyn qui semblait parfaitement normal tout en étant différent. Enfin, Gabriel savait bien que la seule chose qui avait changé était son regard sur lui mais il s’efforça de chasser tout ça de son esprit et d’aller à la rencontre de son ami en se comportant normalement. Ce qui fut faciliter par le chorégraphe qui lui ne semblait pas avoir de problème pour agir comme d’habitude. Résultat, Gabriel arriva à sa hauteur avec un sourire aux lèvres. Avec un peu de chance, cette rencontre ne serait pas un désastre.

- Je suis très déçu, au contraire !! rétorqua-t-il sur un ton amusé. Je n’en reviens pas que mes efforts pour annuler Noël n’aient pas porté leurs fruits, c’est un scandale ! Mais je suis ravi de constater que, toi aussi, tu as survécu à cette fête infernale !

Ça, il l’avait déjà déduit tout seul quand ils avaient convenu de se retrouver aujourd’hui mais ce n’était pas pareil de le constater en vrai. Evelyn avait l’air plutôt en forme, peut-être un peu fatigué, mais globalement égal à lui-même. En tout cas, il avait l’air parfaitement naturel et si ça continuait comme ça, Gabriel n’aurait qu’à suivre le mouvement pour que tout se passe comme d’habitude. A condition qu’il ne laisse pas trop traîner son regard n’importe où, mais il était capable de se tenir normalement.

- Quelques-unes, oui, répondit-il en plantant son regard dans celui du chorégraphe. Puisque l’idée c’est d’envoyer Ezra en week-end détente, je m’étais dit qu’on pourrait lui prendre une bombe de bain. Un truc coloré et odorant qui ne fonctionne que dans un bain, je suis presque sûr qu’il va détester mais peut-être que Mallory aimera, elle. J’ai aussi pensé à des cadenas, de plusieurs tailles et avec plusieurs ouvertures - clefs ou codes - parce que c’est toujours utile et ça fait un clin d'œil sympa à son boulot de détective. T’en penses quoi ?

Autant il était sûr que l’idée de la bombe de bain plairait à Evelyn - ce dernier ne disait jamais non à une occasion d’emmerder Ezra - autant il était moins sûr concernant les cadenas. Il n’était pas aussi doué que l’américain pour les farces donc il avait plutôt cherché des petits cadeaux qui pourraient être des clins d’oeils à leur ami mais il n’était pas sûr de son coup pour autant. Est-ce que ça plairait vraiment au détective ? Sûrement plus qu’une boîte de préservatif mais ça ne voudrait pas dire qu’il aimerait malgré tout.

- Tu as rajouté des trucs sur la liste, toi ? Et par quoi on commence du coup ? demanda-t-il en s’approchant du plan de la galerie marchande.

Comme souvent dans ce genre de structure, il y avait un vaste choix et Gabriel préférait avoir une idée, même approximative, de quoi se trouvait où pour éviter de se perdre plus tard. Tant qu’à faire, autant s’éviter des tours et des détours ! Certes, Noël était passé, mais ce n’était pas pour autant que la galerie était déserte, malheureusement.

Quelle période à la con vraiment. Encore heureux que la fin arrivait enfin ! Fini Noël. On allait pouvoir se concentrer sur le nouvel an, et mettre ces stupides loin derrière eux. Et qui disait fêter le nouvel an disait fêter l'anniversaire d'Ezra. Ça au moins, c'était une perspective réjouissante. Surtout que puisqu'il était maintenant en couple (qui l'aurait cru tiens ! certainement pas le premier concerné en vrai...), ils avaient mis au point tout un petit plan pour faire tourner le détective en bourrique, une de ses activités préférées. Le truc, c'est qu'outre Mallory, Gabriel était à la base son principal complice dans cette affaire. Sauf que les choses s'étaient un peu compliquées... Ou en tout cas elle s'était bizarrifiées. L'Américain avait décidé que si si, c'était bien un verbe. Et que si c'en était pas un à la base, c'en était forcément un maintenant. Le truc c'est que malgré la bizarritude de la chose, tellement bizarre qu'elle nécessité de toutes nouvelles déclinaisons du mot, Evelyn était plutôt content d'avoir l'occasion de revoir Gabriel et de pouvoir comploter avec lui... Et c'était bien ça le soucis en ce moment, cette espèce de superposition constante d'émotions. C'était vraiment épuisant sans qu'il sache vraiment comment gérer...

De toute façon, se poser trop de questions, ça ne servait en général pas à grand chose. Alors autant agir plutôt que de tournicoter des trucs dans sa tête tout seul dans son coin. Oui bon certes, c'était ce qui avait mené à bizarrifier la situation pour commencer, mais bon, Evelyn Clark n'était pas vraiment à une contradiction près. Donc même si tout cela était très bizarre, il fût quand même des plus heureux de voir son ami arriver. Et encore plus de constater qu'ils pouvaient plaisanter. Parfait. C'était bien la preuve qu'on pouvait débizarrifier la situation et faire comme si tout était normal. Parce que tout était effectivement normal. Ça se tenait. Et au moins ils allaient pouvoir apprécier de passer du temps ensemble, ce qui restait le plus important.

"Si ça peut te rassurer je suis tout autant déçu que toi franchement ! En plus t'avais fait tellement d'effort ! La bonne nouvelle c'est que tu as un an pour monter un plan incroyable pour annuler Noël de l'année prochaine. Au besoin je veux bien t'aider à conspirer, si ça peut t'offrir plus de chance de succès."

Franchement, si en bout de ligne on pouvait faire annuler Noël, ça valait bien de mettre les efforts nécessaires pour en arriver là. En attendant, oui il avait survécu. Non sans avoir accusé quelques coups au passage, mais c'était pas le sujet du jour.

"Évidemment que j'ai survécu enfin, je survis à tout moi. Jvais quand même pas me laisser emmerder par un vieux bonhomme barbu et le reste !"

Disons qu'avec des béquilles bien choisies, ça devenait tout de suite plus supportable quoi. Mais on pouvait bien passer ça sous silence. Avec le reste sans doute. Et histoire d'éviter ce genre de conversation, le mieux était sans doute de rediriger l'attention vers ce qui les amenait là. Comme ça, moins de risque de conversation gênante.

Evelyn écoute donc patiemment les idées de Gabriel, évaluant un peu le potentiel de chacune. Ça le fait sourire un peu. Comme quoi, c'était pas si dur de revenir à la normalité... Faudrait presque remercier Ezra pour ça mais bon, ça voudrait dire lui expliquer le reste du bordel, et clairement... Evelyn avait beau adoré son détective d'ami, y avait des trucs c'était juste un désastre couru d'avance de lui en parler. Et ça, toute l'histoire avec Gabriel, c'en était un ! Donc, on allait rester en terrain neutre et normal, y compris avec lui.

"Je pense que Mallory va adorer ton idée des bombes de bain, on doit avoir moyen d'en trouver des très chouettes... paillettées. Tant qu'à faire. La perspective d'un Ezra qui ressort de son bain tout brillant, c'est quand même extrêmement drôle !"

Vraiment, c'était beaucoup trop drôle. Ça c'était une idée de génie. La seconde le laissait peut-être plus perplexe, mais en vrai, c'était un peu mignon quand même.

"Pour les cadenas, ça peut être drôle ouai. Tu sais on pourrait s'amuser en faire un immense sac de noeuds. En les attachant les uns dans les autres et avec les clés à part. Ça donnerait presque envie d'apprendre à faire des bombes de bain maison, comme ça on pourrait lui mettre les clés dedans il serait obligé de s'en servir pour les récupérer."

Faudrait se renseigner, si ça se trouve c'était plus facilement faisable qu'il aurait pensé ! À voir donc. En attendant il se notait ça dans un coin de sa tête. Et il lui restait encore à évoquer quelques idées qu'il avait eues.

"J'avais pensé à lui trouver un cartable, tu sais comme pour les gamins. À force de se dire qu'on laissait la possibilité à Ezra qu'on se mélange pas avec sa charmante, ça faisait un peu "on te laissera le petit Ezra après son goûter", alors un cartable, ça fait sens. En plus comme ça il pourra y mettre toutes les autres petites surprises qu'on lui prévoit."

Celle-là il en était plutôt fier et ça se voyait ! La tête d'Ezra, ça allait être juste parfait.

"On peut aussi lui prendre un bouquin type le couple pour les nuls, et recouvrir le tout avec une fausse couverture de thriller pour plus de suspens."

Bon dans le tas Evelyn finirait bien par mettre un cadeau pas troll, mais en attendant, le reste c'était quand même beaucoup plus drôle ! Quant à savoir par où commencer, autant ne pas s'embêter et juste aller au plus proche.

"La librairie est juste à côté, autant commencer par là non ? D'autant que si on lui prend pas un vrai polar pour aller avec le reste il va grogner, autant éviter de fâcher la bête !"

C'est bizarre mais c'est cool...

ou l'inverse ?

@Evelyn Clark

Durant toute la durée du trajet pour rejoindre le centre commercial, Gabriel s’était interrogé sur ces retrouvailles avec Evelyn. Il se demandait, notamment, comment ça se passerait et dans quelle atmosphère ils allaient évoluer. Sauf qu’à peine arrivé, il réalisa qu’il s’était trituré les méninges pour pas grand-chose. Tout semblait normal avec Evelyn, comme s’il ne s’était rien passé entre eux, comme s’ils n’avaient pas couché ensemble. Il ne savait pas trop quoi penser de ce statu-quo. Ils avaient convenus que personne ne regrettait ce qui s’était passé, qu’il n’y avait rien de bizarre et Gabriel voulait y croire, mais une part de lui ne pouvait s’empêcher de se demander si ça pouvait vraiment marcher. Son côté le plus pessimiste avait même envisagé la possibilité que ce retour à la normalité ne durerait que jusqu’à l’anniversaire d’Ezra, parce qu’ils s’étaient engagés dans cette histoire, et que le reste lui exploserait à la figure plus tard. Jusqu’à ce qu’Evelyn ne propose de l’aider à monter un plan pour détruire le prochain noël. Avec une seule phrase, l’américain parvint à ôter un poids des épaules de Gabriel qui accueillit sa proposition avec un sourire timide.

- Avec plaisir, oui ! approuva-t-il en hochant la tête avant d’ajouter, sur le ton de la plaisanterie. Tu as l’air bien plus doué que moi pour les plans diaboliques !

Ce qui n’était pas peu dire puisque lui-même n’avait quasiment pas d’expérience dans ce domaine. Après tout, s’il avait “gâché noël” c’était en grande partie parce qu’Evelyn lui avait soufflé l’idée de saboter le jeu du centre commercial de l’intérieur. N’ayant pas très envie de repenser à ce souvenir, pas vraiment glorieux, Gabriel sauta sur la diversion proposée par le chorégraphe et lui exposa ses dernières trouvailles pour l’anniversaire d’Ezra. Rien de bien très original en réalité, mais Evelyn semblait approuver ses idées, c’était déjà ça. En particulier, l’idée de la bombe de bain, à laquelle il ajouta la condition d’être pailletée. Gabriel se retrouva à rire à cette idée, mais plus à cause de l’enthousiasme d’Evelyn qu’à l’idée d’un Ezra sortant tout brillant de son bain.

- T’es décidé à rien lui épargner, pas vrai ? devina-t-il avec un amusement qu’il ne chercha pas à dissimuler.

C’était à se demander s’ils préparaient tout ça pour faire plaisir au détective ou à Evelyn. Ce dernier avait clairement l’air de beaucoup s’amuser à chercher quoi offrir à leur ami commun et, autant être honnête, Gabriel savait que la moitié des cadeaux ne plairaient pas vraiment au principal intéressé. Il aurait pu freiner un peu l’enthousiasme du chorégraphe mais c’était drôle alors il décida de ne pas le faire. En fait, il décida même d’encourager Evelyn dans ses idées farfelues, il sortit donc son téléphone pour une recherche rapide sur SHoogle.

- Ça a pas l’air si compliqué à fabriquer maison, j’ai déjà la plupart des ingrédients chez moi, il faudrait juste trouver de l’acide citrique, du colorant, de l’huile essentiel si on veut les parfumer et des moules, lista-t-il avant de ranger son téléphone dans sa poche. Si ça te tente, on peut se lancer là-dedans pour y cacher les clefs mais je propose quand même qu’on achète une bombe à paillettes, au cas où on manquerait de temps ou que la conception coince.

Il s’était déjà fait avoir par ce genre de tutoriel en apparence facile mais qui ne l’était pas tant que ça au final donc autant prendre des précautions en cas d’échec. Comme ça, Ezra finirait vraiment couvert de paillettes, pour le plus grand plaisir d’Evelyn ! Et de Mallory, de ce qu’il avait cru comprendre.

- On pourrait peut-être planquer un de ses cadeaux à l’intérieur de l’enchevêtrement de cadenas aussi ? Comme ça, on est sûr qu’il cherchera à les ouvrir.

Il connaissait suffisamment le détective pour savoir que sans une réelle motivation, il serait capable d’abandonner leur création dans un coin sans plus de cérémonie. Autant parer à toutes éventualités, une fois encore. Maintenant que cette question était réglée, c’était au tour d’Evelyn d’exposer les idées qu’il avait eu pour cette surprise d’anniversaire. Sa première idée le prit de court, avant qu’il ne se retrouve à éclater de rire, de manière pas très discrète. Il se reprit rapidement, parce qu’ils n’étaient pas seuls, mais l’amusement se voyait toujours sur son visage.

- Tu veux dire, un de ces petits sac à dos pour gamin avec un animal quelconque et plein de couleurs ? Tu cherches à l’achever ou quoi ?

D’un autre côté, imaginer Ezra déballer un cartable pour gosse l’amusait presque autant qu’Evelyn. La tête qu’il ferait resterait dans les annales ! Il n’avait pas intérêt à oublier son appareil photo, parce qu’il devait immortaliser ça ! Peut-être même pour le ressortir au mariage du détective, si une telle chose arrivait un jour.

- Tu sais quoi ? D’accord, mais à condition qu’on lui en prenne un rose, histoire d’enfoncer dans son petit crâne que non, le rose, c’est pas “pour les filles”, conclut-il en mimant des guillemets avec ses doigts.

Quitte à offrir à Ezra un cadeau qu’il n’aimerait pas et n’utiliserait jamais, autant jouer le jeu jusqu’au bout. D’accord, le détective serait exaspéré et râlerait probablement mais ça faisait aussi partie du jeu après tout.

- Bonne idée le bouquin, je sais pas si ça existe vraiment, mais ça peut pas lui faire de mal j’imagine. Enfin, s’il le lit, mais ça, c’est une autre histoire.

Cacher le livre sous une fausse couverture de thriller par contre, c’était vraiment une idée de génie. Comme quoi, il avait raison quand il pensait qu’Evelyn était plus doué que lui pour les plans diaboliques ! Maintenant que leur liste d’achats était faite, ils n’avaient plus qu’à se mettre en route et la première étape s’imposa d’elle-même : la librairie se trouvait juste à côté. Et elle avait l’air suffisamment généraliste pour qu’ils trouvent ce qu’ils voulaient.

- Tu t’y connais un peu en polar ? J’ai suffisamment entendu Ezra râler des cadeaux que lui fait sa belle-mère pour savoir qu’il est exigeant en la matière.

De son côté, il avait quelques connaissances en la matière, mais une partie d’entre-elles venaient du détective donc ça ne l’aiderait pas beaucoup. Au pire, ils pourraient toujours demander conseil et miser sur une nouveauté, avec un peu de chance, Ezra serait content d’au moins un de ses cadeaux. Ou deux, plutôt, puisque le voyage devrait lui plaire.

Plutôt que de perdre du temps à parcourir tous les rayons à la recherche d’un livre sur les couples, Gabriel décida d’aller au plus simple et demanda conseil à une vendeuse. Cette dernière prit un instant pour réfléchir avant de les orienter vers le rayon bien-être, au fond du magasin. Comme quoi, il avait bien fait de demander, parce qu’il n’aurait jamais eu l’idée d’aller voir là-bas. Une fois arrivé au bon endroit, la tâche ne s’avéra pas plus facile pour autant, parce que le rayon bien-être était très varié. Il y avait aussi bien des livres traitant de massage que de méditation ou encore du pouvoir des plantes. Ils n’avaient plus qu’à tout regarder pour trouver quelque chose qui leur conviendrait. Par égard pour le genoux d’Evelyn, Gabriel décida de s’occuper du bas de l’étagère et s’accroupit pour être à hauteur et parcourir les titres. Sans grand succès puisqu’il ne trouva rien de bien intéressant. Il entreprit donc de se remettre debout mais dans sa manœuvre, il donna involontairement un coup au meuble. La tête relevée, il fut au première loge pour voir le contenu de l’étagère du haut vaciller. Il eut tout juste le temps de pousser Evelyn sur le côté, le coinçant entre le rayon ésotérisme et lui, avant que les livres atterrissent par terre.

- Désolé, souffla-t-il, gêné de se retrouver si proche du visage d’Evelyn. Un peu plus et je t'assommais sans le vouloir avec…

Avec il ne savait trop quoi en fait, il détacha donc son regard des yeux du chorégraphe pour jeter un coup d'œil aux livres par terre. Un d’entre eux attira immédiatement son attention avec sa couverture jaune et noir et il put lire sans mal le titre de l’ouvrage : Le sexe pour les nuls. Finalement, ils avaient peut-être un peu de chance dans leur malheur.

- Je crois que j’ai trouvé pile ce qu’il nous faut !

D’un geste de la main, il désigna le livre qui avait manqué de l’assommer à Evelyn. D’accord, ce n’était pas tout à fait ce qu’ils cherchaient, mais ça restait dans le même esprit.

Non vraiment les choses n’étaient pas bizarres. Pas bizarres du tout. En tout cas une certaine forme de légèreté était toujours présente. C’était plutôt agréable. Ils étaient de retour à la case ”plan pour détruire noël”. Ça avait un léger goût de déjà vu, un déjà vu d’avant que… que rien du tout. Suffisait de se le répéter suffisamment fort et suffisamment longtemps et voilà. C'est donc ce qu’Evelyn s’évertuait à faire. Plus il agirait normalement plus les choses seraient normales.

”Disons que j’ai plus d’expérience mais tu as du potentiel. On peut pas te retirer ça ! ”

La preuve, ils en étaient déjà revenus à planifier l’anniversaire d’Ezra. En tout cas grâce à cette histoire ils en étaient définitivement revenus à leur normalité. En tout cas si Evelyn avait été nerveux, c’était complètement oublié. Maintenant il pouvait simplement planifier l’anniversaire de son meilleur ami avec… son ami. C’était aussi simple que ça. C’était sincèrement amusant. L’enthousiasme était donc des plus visibles et sincère.

”Rien du tout. Mais j’y suis pour rien, c'est comme ça qu’il sait qu’on l’aime !”

Evelyn n’avait jamais été un professionnel des grandes déclarations. Et ça tombait bien parce qu’Ezra non plus. C’était quand même bien mieux de se montrer son affection en se chariant, ou éventuellement en s’engueulant. C’était comme ça qu’ils se montraient que l’autre comptait. Donc non, l’Américain n’allait rien épargner à son ami ! Question de principe. Et puis bon, il fallait bien faire une place à Mallory dans l’équipe ! Au moins ça brisait la glace ! Ezra serait tellement occupé à râler sur ses cadeaux que la rencontre avec Mallory serait le dernier de ses problèmes ! Même Gabriel s’y mettait sincèrement ! Si ça c’était pas la preuve que c’était un excellent plan ! Il avait déjà trouvé la recette et proposait de les faire. Pendant une fraction de seconde, Evelyn se dit que ce n'était peut-être pas une bonne idée de retourner chez Gabriel après ce qu’ils y avaient fait la dernière fois. Mais en même temps, ils s’étaient mis d’accord : tout était normal. À partir de là, il fallait juste suivre le mouvement.

”Très bonne idée. Toujours mieux le fait maison ! T’as déjà fait ça ? On a plus qu’à ajouter ça à la liste de courses.”

On arrêtait plus Gabriel qui était déjà lancé sur la suite. À croire que lui non plus n’avait pas l’intention d’épargner quoi que ce soit à Ezra !

”Très bonne idée le cadeau dans le tas de cadenas. On doit pouvoir bricoler ça sans trop de soucis. Ce serait dommage qu'il s’en tire trop facilement !”

Puis ce fût au tour d’Evelyn d’annoncer ses idées et Gabriel éclata de rire. Autant dire que le chorégraphe n’était pas peu fier d’obtenir une réaction pareille. Ça prouvait que c’était vraiment une bonne idée. Et puis c’était vraiment chouette de le faire rire.

”Je pense complètement à ce genre de sac oui ! C’est important de faire les choses jusqu'au bout ! Et est-ce que tu ne l’imagines pas complètement avec son air si sérieux, en train de râler et son petit sac d’écolier sur le dos ? Vraiment, c'est parfait. Un chef d’œuvre !”

Gabriel devait être plus que d’accord puisqu'il rajouta sa propre couche de machiavélisme au mix. Machiavélisme qu’Evelyn accueillit d’un air impressionné tout ce qu’il y avait de plus caricatural.

”Ooooooh ! Brillant ! Faisons ça ! J’en ai marre de cette conversation ! Parfait, tu es bri-llant. Pour le bouquin t’inquiète, tout existe. Suffit de chercher. Au pire on trouvera bien quelque chose sur internet.”

Là dessus, Evelyn n’avait pas vraiment de doute. Après peut-être que c’était propre aux US mais il était plutôt sûr de son coup. Sauf si la librairie où ils venaient de mettre les pieds était vraiment mauvaise. Mais enfin quand même !

”Techniquement si on récupère juste la couverture d’un polar pour déguiser le bouquin piégé on a pas forcément besoin que ce soit un bon. Encore que, ayons pitié, on peut lui offrir un vrai livre en plus. Je connais quelques titres qu’il a aimés, donc on pourra toujours demander conseil à un libraire à partir de là. ”

Parce que bon, là aussi, quitte à faire un vrai cadeau, autant le faire bien. Enfin apparemment, ils allaient commencer par l’autre livre. Gabriel avait demandé où ils avaient une chance de trouver ça. Direction le fond du magasin où on trouvait le rayon bien-être. Aka, le rayon sans queue ni tête. Evelyn aurait pu commenter chaque titre, mais ça allait finir par drôlement rallonger la recherche. Enfin jusqu’au moment où quand même il fallait que ça sorte !

”Litothérapie, soignez vous par les pierres… tu crois qu’ils sont au courant que jeter des cailloux sur son médecin ne compte pas comme soigner ? ”

Il allait finir par se crever un poumon à force de soupirer de dépit ! La seule conclusion à tirer de ce rayon c’était que le bien-être c’était vraiment de la connerie ! Il en était là de ses pensées quand il se retrouva en sandwich entre une étagère de livres et Gabriel. Il était pas trop sûr d’avoir compris l’enchaînement qui avait mené à cette situation. Encore que le bruit des livres s’écrasant par terre était un indice. Dont il se foutait, parce que pour le coup, ça réveillait des trucs qui n’avaient rien à faire là. Franchement c’était ridicule comme situation ! Pour couronner le tout, Evelyn n’avait aucune envie de s’interroger sur ce que ça faisait remonter et pourquoi ça remontait maintenant ! Donc à la place, il allait juste faire diversion.

”Si tu veux m’assommer on devrait aller rayon dictionnaire, tu serais plus efficace !”

Voilà, et qu’on passe à autre chose ! Vite ! En l’occurrence, revenir à la raison pour laquelle ils étaient là.

”Parfait. Tu devrais aller faire tomber des livres côté thrillers et on en aura fini ici. Ceci dit si tu permets je vais commencer par le classique ”demander conseil”, on sait jamais ça pourrait marcher !”

Ceci étant dit, Evelyn pût se détacher de l’étagère où Gabriel l’avait projeté et ne surtout pas s’arrêter sur la pensée que dans le fond il dirait pas non à retourner se coller contre lui, parce que c’était vraiment une très mauvaise idée. Il s’était mis d’accord là dessus avec lui-même la veille. Hors de question de revenir là dessus. Affichant toute la nonchalance du monde, Evelyn alla donc demander conseil à un libraire pour un polar, comme ça ils en auraient fini avec cet endroit et ils pourraient passer à autre chose ! Ce serait vachement plus facile.

C'est bizarre mais c'est cool...

ou l'inverse ?

@Evelyn Clark

Pour une fois, Gabriel était content qu’Ezra soit du genre à ne rien préparé de spécial pour son anniversaire sous prétexte que “ça n’a pas d’importance”. De cette manière, il pouvait s’occuper de l’organisation dudit anniversaire et, comme depuis plusieurs années, son complice n’était autre qu’Evelyn. Cette année, par contre, il savourait d’autant plus cette préparation qui leur prenait du temps parce que ça lui permettait de s’assurer qu’il n’y avait aucun malaise entre eux après… Après la dernière fois. Pas besoin de revenir sur les termes et encore moins de se souvenir de ce qui s’était passé. Sinon, Gabriel aurait beaucoup plus de mal à se concentrer sur l’anniversaire, ou plutôt les cadeaux, du détective. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’il sortit son portable afin de se renseigner sur la fabrication des boules de bain maison sur une suggestion d’Evelyn. A priori, rien de bien sorcier, ce serait facilement faisable mais il préférait quand même prévoir une “vraie” boule de bain, achetée en magasin, juste au cas où.

- Des boules de bain ? Jamais, répondit-il en toute honnêteté en rangeant son téléphone. Par contre, j’ai déjà fait des bougies et ça a pas l’air plus compliqué.

Et ça pourrait leur faire une chouette activité à partager mais ça, il s'abstint de le dire. Il n’était pas très sûr que cet argument fasse mouche auprès du chorégraphe. Contrairement à sa proposition de cacher un cadeau dans l'enchevêtrement de cadenas qui, elle, rencontra un franc succès. L’avantage de préparer l’anniversaire d’Ezra avec Evelyn depuis quelques temps maintenant, c’était qu’il commençait à comprendre comment il fonctionnait et quelles idées pourraient lui plaire ou non. Enfin, la plupart du temps, parce qu’il y avait parfois des ratés mais pas cette fois-ci. Maintenant, c’était au tour du chorégraphe de partageait ses idées et il n’en manquait pas !

La première d’entre elles était un sac à dos d’écolier, pour l’anniversaire d’Ezra qui allait sur ses…32 ans, naturellement ! La première réaction de Gabriel fut d’éclater de rire face à cette proposition saugrenue. Il n’y avait bien qu’Evelyn pour inventer un truc pareil ! Et pour le vendre aussi bien !! Malgré lui, Gabriel imagina la tête que tirerait le détective en ouvrant un cadeau pareil, avec pour injonction de le porter pour le reste de la chasse au trésor, il en était sûr, et il repartit dans un éclat de rire. Impossible de passer à côté d’une telle image maintenant ! Evelyn avait raison, ça relevait presque du chef d'œuvre. Ce n’était pas très cool pour Ezra, mais Gabriel ne put résister à la tentation de rajouter une autre condition qui, une fois de plus, ravit Evelyn. Apparemment, il n’était pas le seul à avoir eu droit aux théories du genre du détective mais ça ne l’étonnait pas beaucoup à vrai dire. Par contre, il était bien plus étonné de se faire qualifier de “brillant” par le chorégraphe mais comme il ne voulait absolument pas s’attarder sur la chaleur qui le prenait à la poitrine, il préféra opter pour une réaction exagérée et s’inclina, une main sur le cœur.

- Merci, merci, ça me va droit au cœur ! assura-t-il avec une fausse modestie évidente. Il faut dire qu’à force de te voir lui jouer des mauvais tours, j’ai appris deux-trois petits trucs !

Probablement qu’en d’autres circonstances Ezra aurait même été content de le voir sortir un peu de sa coquille mais il avait comme l’intuition que, comme ça se retournait contre lui, le détective ne se réjouirait pas tant que ça. Maintenant, il fallait de quoi remplir le sac à dos et pour ça, ils optèrent, sur une suggestion d’Evelyn, sur un bouquin pour enquiquiner Ezra mais aussi sur un polar.

- Bonne idée, je pense qu’on s’arrachera moins les cheveux en demandant conseil qu’en cherchant par nous-même ! On a plus qu’à s’y mettre.

Ce qu’ils firent sans plus tarder puisque la librairie se trouvait justement à côté par un heureux hasard. Etant donné que le polar serait la partie la plus “simple”, Gabriel demanda à une libraire où ils pourraient des livres sur les couples et ils furent orientés vers le rayon bien-être. En toute honnêteté, il n’aurait pas rangé ce genre de livres ici mais d’un autre côté, le rayon en question semblait large. Très large même, découvrit-il à ses dépens en arrivant devant la section dédiée. Ils n’avaient plus qu’à fouiller puisque tout semblait ranger sans vraiment de cohérence. A en juger par les soupirs que ne cessait de pousser Evelyn, ce dernier ne semblait pas très convaincu par cette sélection “bien-être”. Un commentaire ne tarda d’ailleurs pas à arriver, faisant naître un sourire amusé sur la bouche de Gabriel.

- Je suis presque sûr que c’est pas à ça qu’ils font référence, fit-il remarquer avec amusement. Pourquoi ? Tu as envie de jeter des cailloux à ton médecin et ça t’intéresse ?

Il doutait que ce soit le cas, dans son entourage, c’était Ezra l’impulsif au sang chaud, pas Evelyn, mais peut-être qu’il se trompait. Après tout, lui-même avait fini en garde à vue pour avoir cogné sur un lutin de noël… Clairement pas l’un de ses meilleurs moments d’ailleurs donc il n’allait pas repenser à ça et continuer à chercher un livre pour le détective. Sauf que, dans sa manœuvre, il fit tomber des livres qui manquèrent de tomber sur la tête d’Evelyn ! Heureusement qu’il s’en était rendu compte à temps et qu’il avait pu l’écarter avant la catastrophe ! Il se retrouva donc avec le chorégraphe coincé entre lui et la bibliothèque et, vraiment, ils étaient proches. Peut-être même un peu trop parce que ça faisait remonter certains souvenirs qu’il aurait préféré laissés d’où ils venaient. Dans sa chambre donc, pas dans une librairie de centre commercial ! Gêné, il essaya de s’excuser comme il pouvait, en expliquant les faits et Evelyn rebondit sur ses propos, avec humour. Dans d’autres circonstances, il aurait pu être reconnaissant de cette intervention, mais là, son regard semblait attirer par les lèvres de l’ancien danseur.

- J’ai pas envie de t’assommer… avoua-t-il dans un murmure.

Il était en train de jouer avec le feu là, non ? Depuis quand était-il devenu masochiste au juste ?! Heureusement pour lui, ou malheureusement, question de point de vue, Evelyn avait la tête beaucoup plus froide et revint rapidement à la raison de leur présence ici. Gabriel accueillit sa remarque avec un sourire qui manquait de sincérité et le laissa, à contre-cœur, se détacher de lui. Il avait beau savoir que c’était le plus sage à faire, une part de lui ne pouvait s’empêcher de penser qu’il n’était pas si mal, avec Evelyn coincé contre lui.

- Oui, bonne idée, je vais ramasser le bordel que j’ai foutu et je te rejoins, proposa-t-il en reportant son attention sur les livres toujours au sol.

Avec un peu de chance, ça lui laisserait le temps de remettre ses idées en place. Ils n’étaient pas là pour flirter ou pour rejouer l’épisode du bar mais pour trouver des cadeaux pour Ezra, il serait bon qu’il ne perde plus cet objectif de vue ! Tout allait (à peu près) bien entre eux, il n’allait pas gâcher ça parce qu’il ne savait pas se tenir merde ! Après plusieurs longues inspirations, Gabriel retrouva un rythme cardiaque plus correct et des pensées plus décentes, il put donc ramasser les livres qu’il avait fait tomber pour les remettre en rayon. Il n’avait aucune idée de comment ils étaient rangés donc il se contenta de les remettre sur l’étagère en prenant soin de garder Le sexe pour les nuls avec lui. Au moins, cette presque-catastrophe leur aura permis de trouver le livre pour Ezra ! Une fois tout remis plus ou moins en place, il partit rejoindre Evelyn, le cadeau sous le bras. Comme annoncé, il trouva ce dernier en compagnie d’un libraire à qui il demandait conseil.

- Désolé, j’ai été un peu long, mais j’ai ce qu’il nous faut, assura-t-il en s’approchant et surtout en espérant avoir l’air totalement normal. Tu as trouvé un polar intéressant ?

Le regard du libraire passa du livre qu’il tenait toujours à la main à Gabriel puis à Evelyn avant qu’un léger sourire amusé étire ses lèvres. Perplexe, Gabriel baissa les yeux sur son livre avant de réaliser la méprise de l’employé et de se mettre à rougir. C’était pas vrai, il n’en loupait vraiment pas une !! Gêné, il balbutia à Evelyn qu’il allait payer le livre et qu’il l'attendait dehors. Là où il ne pourrait pas créer de nouvelles catastrophes.

Bon, si Gabriel disait qu'une bougie n'avait rien de bien sorcier, Evelyn voulait bien le croire. De son côté, il n'était pas spécialement bricoleur dès qu'on sortait de costume de scène ou de l'entretien de chaussons de danse. Il n'avait jamais vu l'intérêt d'apprendre à faire des choses qu'on pouvait déjà acheter tout fait. Mais bon, si ça amusait Gabriel, et ça avait l'air d'être le cas, il voulait bien mettre la main à la pâte. Un peu. Faudrait pas que ça soit trop salissant non plus !

Ils continuèrent ensuite de réfléchir aux cadeaux d'Ezra et le moins qu'on puisse dire c'était que Gabriel commençait à vraiment se lâcher... et à vouloir en finir avec les remarques à la con d'Ezra. Il avait bien de la chance d'être son ami ce con-là vues les conneries qu'il sortait par moment ! Alors oui il progressait mais leeeeeeeentement ! Le coup du cartable rose serait donc plus que parfait !

"Allons allons ! Pas de fausse modestie ! Faut assumer la paternité des grandes idées enfin."

Comme quoi, Gabriel devait cogner des lutins de Noël plus souvent, ça avait l'air de lui ouvrir des horizons ! Enfin ça, Evelyn allait bien se garder de lui dire. Ça les renverrait tous les deux à cette journée-là, et donc à cette soirée-là et franchement, ils avaient pas besoin de ça ! On pouvait donc s'en passer et se contenter de saluer le génie de Gabriel avant de passer à autre chose et revenir précisément sur Ezra et ses cadeaux. C'était tout de suite beaucoup moins risqué !

Ceci étant dit, il était temps de passer à l'action : direction la librairie. Chercher un livre, enfin deux, ça limitait les risques de moments étrange. Enfin ça c'est ce qu'Evelyn croyait. Espérait. Mais apparemment, c'était trop demandé ! Déjà, le rayon bien être était affreusement grand. Enfin non, grand, c'était pas le mot approprié. "Rempli de conneries" c'était beaucoup plus précis comme description. Vraiment, il aurait pu commenter chaque titre tellement c'était ridicule. D'ailleurs, il finit par le faire, parce qu'à un moment fallait bien que ça sorte ! Quant à savoir s'il avait envie de lancer des cailloux à son médecin... disons qu'à une époque il lui aurait bien passé la tondeuse quoi. Ça lui aurait appris la vie à celui-là de lui annoncer qu'il fallait qu'il mette fin à sa carrière de danseur ! Mais bon... il en avait rien fait. Il s'était contenté de lui jeter son pot à crayons dessus avant de taper un scandale. Bon. Il s'était calmé depuis. Un peu.

"Disons que mon rhumato s'obstine à ne pas avoir de bonnes nouvelles, alors peut-être qu'un caillou dans la tronche lui ouvrirait les chakras non ?"

Enfin il allait tâcher de s'en abstenir vu qu'apparemment, le chorégraphe allait devoir continuer à le voir looooongtemps. Apparemment, il ne suffisait pas de faire semblant qu'un problème n'existe pas pour le faire disparaître. Vraiment hein ! En attendant, il pouvait toujours plaisanter de lui lancer des cailloux dessus pour une ouverture des chakras express ! C'était toujours ça de pris. Ça lui pourrissait assez la vie sur le jour du rendez-vous de contrôle, il préférait en rire (noir) le reste du temps !

Pour le moment, rien ne pouvait être simple semble-t-il. Une chute de livres. Sérieusement ? Il a à peine le temps de comprendre qu'il se retrouve coincé contre l'étagère par un Gabriel beaucoup beaucoup trop près pour garder la tête fraîche. Rapidement, Evelyn lance la première bêtise qui lui passe par la tête pour faire diversion et empêcher la situation de s’appesantir davantage. Mais c'était sans compter sur Gabriel qui avait très clairement, beaucoup trop clairement, d'autres idées en tête. Et merde... Pourtant ils s'étaient mis d'accord non ? Ils laissaient ça derrière eux... Comment il était censé désamorcer ça lui maintenant ??? Pour le moment, le chorégraphe allait juste faire comme s'il n'avait pas remarqué les regards de Gabriel, ni entendu son commentaire, et simplement repartir sur la raison de leur venue ici... C'était encore le plus simple : les ramener dans le droit chemin.

"Ça marche, à toute suite"

Evelyn laissa donc ramasser les livres pour aller chercher l'aide d'un libraire. Voilà. Quelques secondes de séparation, et tout le monde allait reprendre la tête froide et ça irait beaucoup mieux. Gabriel les rejoint alors qu'il avait de son côté rempli sa part de la mission. Ne restait qu'à choisir entre deux options.

"Oui, monsieur a quelques propositions intéressantes, il faut juste choisir."

Il allait demander à Gabriel s'il avait connaissance du type de missions sur lesquelles travaillait le détective dernièrement, histoire d'éviter de lui offrir un truc qui lui rappellerait trop le travail (en même temps quelle idée d'être fan de polars quand on avait son job... fallait pas se plaindre après !), quand la gêne de Gabriel devint assez flagrante. Qu'est-ce qu'il avait dit encore ??? Ha non, quelques coups d'oeil et Evelyn comprit que cette fois, ça n'avait rien à voir avec lui. Enfin... pas directement quoi. L'Américain laissa donc Gabriel se défiler avant de regarder le libraire avec un grand sourire.

"Vous devriez essayer de le lire. Un garçon aussi hétéro que vous, je suis sûr que y a une sacrée marge de progression !"

Là dessus, il embarqua deux des livres proposés sans plus faire gaffe et partit régler sa note, fier de laisser le libraire bouche bée. Il avait qu'à pas vendre ce genre de bouquins s'il était pas capable de faire face aux clients qui les achètent... Evelyn paya donc ses deux livres. Bah, pour le prix d'un livre de poche, Ezra pouvait bien en avoir deux ! Ne restait plus qu'à rejoindre Gabriel dehors. Dans quel état de gênance il allait encore le retrouver cette fois ? Restait à savoir si c'était juste d'avoir été vu avec ce bouquin, ou d'être vu avec ce bouquin ET Evelyn, qui le gênait le plus... Quel con ce libraire ! Non parce que pour le coup, le chorégraphe avait bien conscience d'être potentiellement la pire personne pour rattraper ce genre de gaffe là maintenant tout de suite !

Une fois hors de la librairie, Evelyn repère rapidement Gabriel et se dirige vers lui en réfléchissant rapidement à ce qu'il allait bien pouvoir lui dire maintenant. Arrivé presque à son niveau, un mouvement sur sa droite attire cependant son attention. Tournant la tête, l'Américain découvre une colonne de caddies visiblement en roue libre et poursuivi par l'employé à qui ils ont échappé. On est pas non plus sur une poursuite à 170km/heure à l'envers sur l'autoroute, mais le convoi est assez impressionnant ! Evelyn a juste le temps d'attraper le bras de Gabriel pour le tirer en arrière vers lui avant que la file de caddies ne trace sa route là où il se tenait. De son côté, l'employé répète en boucle à chaque regard qu'il croise

"Désolé désolé désolé désolé !!!!!"

dans une longue litanie, presque aussi longue que les caddies. Reste plus qu'à espérer pour lui que le mur ne soit plus très loin.

"Et bah. Y a de l'animation dans ce quartier. Bientôt ça fera des rallies rayon PQ. On a de la chance, on est arrivé avant les feux de poubelle !"

Conclut-il en relâchant le bras de Gabriel, les yeux toujours fixés sur l'employé pris dans sa course folle...

C'est bizarre mais c'est cool...

ou l'inverse ?

@Evelyn Clark

Combien de temps avait-il tenu avant que la situation ne lui échappe ? Quelques minutes, tout au plus ? C’était assez pitoyable quand il y pensait… Certes, tout n’était pas non plus hors de contrôle mais tout de même ! Le retour à la normale avait été de courte durée… Déjà, sa tentative d’humour s’était retournée contre lui quand Gabriel avait demandé à Evelyn s’il avait envie de lancer des pierres à son médecin. Certes, le chorégraphe avait répondu avec humour mais il n’avait pu s’empêcher de noter que le rhumatologue n’avait pas de bonnes nouvelles. Il était peut-être ami avec Ezra et Evelyn, mais l’humour noir n’était pas sa spécialité pour autant. Alors il s’était senti bête et n’avait pas répondu. De toute façon, même s’il avait su quoi dire, il n’en aurait pas eu le temps puisqu’il provoquait déjà la catastrophe suivante : une chute de livres. De justesse, il parvint à éviter qu’Evelyn ne les reçoive sur la tête mais dans sa manœuvre, il avait coincé le brun entre l’étagère et lui-même. Autant dire que c’était une mauvaise idée si le mot d’ordre était “retour à la normale”. Une très mauvaise idée même, puisque cette proximité faisait remonter dans sa mémoire des images dont il se serait bien passé.

Contrairement à lui, Evelyn ne semblait pas troublé ou, du moins, avait gardé la tête froide puisqu’il essaya de désamorcer la situation par l’humour. Une tactique courante chez l’américain et qui marchait la plupart du temps, mais pas cette fois puisque Gabriel eut la merveilleuse idée de dire la vérité. Non, vraiment, des fois, il ferait mieux de se mettre des baffes avant d’ouvrir la bouche. Qu’est-ce qui lui avait pris d’avouer qu’il n’avait pas envie d'assommer Evelyn ? Depuis quand était-il devenu masochiste ? C’était évident que ça ne conduirait à rien ! D’ailleurs, le chorégraphe lui donna raison en lui rappelant gentiment, et avec humour, qu’ils devaient encore trouver un polar pour Ezra. A contre-coeur, il libéra donc Evelyn pour le laisser filer, prétextant de vouloir ranger le bazar qu’il avait créé alors qu’en réalité, il voulait juste profiter d’un peu de temps seul pour se remettre les idées en place. Quand ce fut à peu près le cas, il quitta le rayon “bien-être” (qui avait plus des airs de rayon torture présentement) pour aller retrouver le brun. Il ne mit pas longtemps à le repérer, la librairie n’étant pas grande, et le rejoignit en essayant d’avoir l’air normal, tout en lui demandant s’il avait trouvé ce qu’ils voulaient.

- Ah ? Quoi donc ? demanda-t-il en se tournant vers le libraire.

Ce qui était une mauvaise idée puisqu’il remarqua le sourire amusé de l’employé dont le regard passait de lui à Evelyn au livre qu’il avait toujours entre les mains. En réalisant de quel livre il s’agissait, Gabriel s’empourpra et décida qu’il était temps de mettre les voiles plutôt que de sérieusement envisager la possibilité de s’enterrer dans un trou. Il informa donc le chorégraphe de sa décision, même si ce dernier n’avait pas l’air de comprendre, et parti sans chercher à s’expliquer. Il était sûr que s’il le faisait, il allait s’enfoncer encore plus. Mauvais choix de mot, merde ! Il fallait vraiment qu’il se calme. Peut-être qu’il ferait bien d’appeler Ezra, il n’aurait qu’à le lancer sur un sujet qui tirerait des remarques homophobes au détective, généralement, c’était efficace pour lui faire retrouver ses esprits en moins d’une minute. Merde, il était vraiment devenu masochiste en fait ? Bon, il n’allait pas appeler Ezra tout compte fait et essayer de se calmer tout seul. Une fois le livre payé et soigneusement rangé dans un sac où personne ne verrait la couverture, il quitta la librairie, avec la ferme attention de ne pas y revenir de si tôt !

Il profita d’être seul dans la galerie marchande, à devoir attendre Evelyn, pour sortir son téléphone portable. Même s’il avait vite renoncé à appeler Ezra, ça lui permettrait de se focaliser sur autre chose. Il avait même de la chance puisqu’un message de Pamela l’attendait, lui demandant où étaient rangés des documents. Ce n’était pas forcément urgent, mais il prit quand même la peine de répondre à son adjointe, juste pour ne pas repenser à Evelyn plaqué contre lui. Masochiste, vraiment ! Agacé contre lui-même, il tapa sa réponse en faisant les cent pas devant la librairie. Il eut juste le temps de ranger son téléphone avant qu’il ne se fasse tirer en arrière et qu’il atterrisse contre un torse ferme. Ce ne fut qu’en entendant une série de “désolé” paniqué que Gabriel réalisa qu’il avait failli se faire percuter par le plus grand convoi de chariots qu’il ait jamais vu. Il n’avait pas besoin de se retourner pour savoir que la personne qui l’avait sorti de là était Evelyn, il reconnaissait parfaitement son parfum, mais il se retourna quand même, sans pour autant s’éloigner, pour le regarder.

- On dirait qu’on n’a pas choisi le bon jour pour venir faire des emplettes, approuva-t-il avec un sourire hésitant aux lèvres.

Il savait bien que l’américain plaisantait en parlant de rally au rayon PQ mais une part de lui ne pouvait s’empêcher de se demander quelle serait la prochaine catastrophe. Honnêtement, il préférait qu’il n’y en ait plus, il n’était pas sûr de pouvoir se retrouver encore contre le torse d’Evelyn sans finir par l’embrasser. Ce qui serait une mauvaise idée, pas vrai ? Le mot d’ordre, c’était de faire comme si de rien n’était, pas de rejouer la dernière soirée qu’ils avaient passé ensemble.

- Merci de m’avoir évité de me faire assommer, t’as pas perdu de temps pour me rendre la pareille, essaya-t-il de plaisanter.

Au moins, Evelyn n’était pas responsable de la catastrophe qui avait failli le toucher, c’était déjà ça. D’ailleurs, ils en étaient où ces caddies sauvages ? Reculant d’un pas, Gabriel parvint à détacher son regard du chorégraphe - ce qui était plus sage - pour essayer de déterminer comment s’était finie la course. Sauf qu’au lieu de réparer une collision contre un mur, il remarqua quelqu’un en train d’enguirlander le pauvre employé du centre commercial, et ce quelqu’un n’était autre que John, son ex. Bordel ! Ils avaient vraiment mal choisi leur jour pour venir faire des courses ! Bon, peut-être qu’ils pouvaient encore partir avant de se faire remarquer et… Merde ! Trop tard, John l’avait remarqué et ce dernier était suffisamment con pour, en plus, venir à sa rencontre ! Comme il n’avait pas du tout envie de lui parler, et surtout pas maintenant, Gabriel fit la chose la plus stupide à faire, il s’approcha d’Evelyn, comblant l’écart qu’il venait de créer, au point qu’ils se touchaient presque.

- Embrasse-moi, lui demanda-t-il d’une voix pressante.

Ok, s’il se contentait de ça, il risquait de faire paniquer Evelyn, voir de passer pour un mec pas doué sacrément en manque ou il ne savait quoi d’autre. Pour le coup, il lui devait bien un minimum d'explications plutôt que de l’embrasser sans plus de cérémonie, comme au commissariat. Ne venait-il pas de se dire, justement, qu’il devrait éviter de rejouer cette scène ? Tant pis, aux grands maux, les grands remèdes !

- Tu te souviens de John, mon ex ? Il est juste derrière, en train de se diriger vers nous, et j’ai pas du tout envie de le voir.

Pour le coup, il se fichait bien d’à quoi il pouvait ressembler, il préférait se ridiculiser devant Evelyn que devant John. Parce qu’il savait parfaitement comment ça se passerait : son ex lui poserait des questions du type “qu’est-ce que tu deviens ?” avant de faire étalage de tout ce qu’il avait accompli depuis qu’ils avaient rompu. Non, merci, très peu pour lui, gérer les potentielles moqueries d’Evelyn lui semblait bien plus facile que d’affronter son ex !

Evelyn avait accueilli la possibilité de se séparer avec soulagement. Heureusement qu'il avait l'excuse parfaite sous la main. Ça évitait les questions. Ça évitait de trop réfléchir. Juste mettre fin à ce moment. Parce qu'après, ça risquait d'ouvrir une porte qu'il avait aucune envie de franchir... Enfin pas envie... c'était plus compliqué que ça. Mais c'était justement parce que c'était compliqué comme ça qu'il valait mieux se tenir éloigné de ce genre de porte. Et donc de Gabriel. DONC, il allait remplir l'une de leurs missions en allant demander conseil pour un polar. Parce qu'évidemment qu'il voulait quand même qu'il y ait des vrais cadeaux dans le lot... et puis comme ça Ezra serait bien obligé de faire autre chose pendant ses vacances avec Mallory !

Alors que l'Américain réfléchissait tranquillement aux propositions du libraire, Gabriel les rejoint. Evelyn n'a même pas le temps de lui présenter les propositions du libraire que son ami vire au rouge. Qu'est-ce qu'il avait fait cette fois ??? Si même quand il restait aussi neutre ils arrivaient à ce genre de résultat, ils étaient vraiment pas prêts de revenir à la normale... et puis finalement, Evelyn comprit. Bon. Rien de dramatique. Mais c'était quand même chiant. Alors ça valait bien la peine de renvoyer le libraire dans son coin. Aller, à la niche l'hétéro crétin !

Les livres choisis et payés, Evelyn sort donc, prêt à retrouver Gabriel, peut-être avec une plaisanterie parce que bon, à un moment va quand même bien falloir dédramatiser tout ça ! Ça devient aussi absurde que ridicule. Mais pas vraiment le temps pour ça puisque le monde semble vouloir en remettre une couche sur le ridicule de la chose, avec une once d'improbable en bonus : un lâcher de caddies fous. Ça il l'avait pas vu venir... Au lieu de lancer une énième vâcherie, Evelyn a juste le temps d'attraper Gabriel, visiblement concentré sur toute autre chose, pour le tirer en arrière et lui éviter une collision brutale... Résultat, ils se retrouvent à nouveau collés. Pour la deuxième fois. En même pas dix minutes. Et cette fois il a pas vraiment d'excuse. Et en même temps pas vraiment envie d'en avoir. Alors à nouveau, Evelyn se serine à quel point tout ceci serait une mauvaise idée. Voilà, il faut rester sur sa lancée et juste... éviter ça. Revenir sur un terrain plus neutre c'était mieux. D'ailleurs, il allait commencer à se décaler discrètement, histoire de remettre la distance. Et plaisanter. Encore. Avec un peu de chance s'il était jamais sérieux, il pourrait contourner la question encore longtemps.

"Ça pourrait être pire, on aurait pu se retrouver embarqué dans un jeu de Noël. T'es sûr de pas avoir été maudit et dès que tu mets le pied dans un centre commercial ça dégénère ?"

À son tour, Gabriel commence à s'éloigner. Parfait. Au moins comme ça ils étaient vraiment raccord. C'était toujours ça de pris quoi. Evelyn hoche la tête avec un air légèrement moqueur, histoire de continuer sur cette pente.

"De rien. Faut bien que quelqu'un te défende contre cette terrible malédiction du centre commercial !"

Au moins maintenant ils étaient plus collés et Evelyn pouvait tranquillement oublier cette fichue porte dans le fond de sa tête et ce que ça pouvait signifier. Alors forcément, quand Gabriel se rapproche d'un coup, il contient à peine un geste de recul tellement ce rapprochement inopiné le prend de cours. Pour couronner le tout, voilà qu'il en remet une couche en lui demandant de l'embrasser. Cette fois, l'esprit d'Evelyn court-circuite complètement et il se retrouve à fixer Gabriel, légèrement bouche bée. Pourtant ils ont déjà joué cette scène, sauf que là c'est différent. Et encore une fois : il n'a aucune envie de réfléchir à pourquoi c'est différent.

Heureusement (enfin tout est relatif), Gabriel finit par lui fournir une explication. John... il se souvient vaguement qu'il lui en avait parlé oui. Ça datait un peu et il avait clairement eu la version courte. Mais de ce que l'Américain se rappelle, on était clairement pas sur le genre d'histoires qui finissaient particulièrement bien. BOOOON. Evelyn recommence à respirer. Tiens ? Il avait arrêté ? C'est une histoire d'ex. D'ex nul. Ça... il connaît un peu trop bien à son goût. Surtout ces derniers mois. Alors il comprend parfaitement le sentiment. Il veut bien l'aider, même si ça pique. Pourquoi ça pique ? C'est quoi encore ça ? Bon, pas le temps de se poser la question vu que l'ex en question s'approche. Evelyn affiche donc un sourire séducteur, histoire que ça soit crédible, avant de prendre Gabriel par la hanche pour finir de la rapprocher et venir l'embrasser. En général, embrasser des jolis garçons quand on n'a pas envie de réfléchir, ça marche plutôt bien. Et cette fois ne fais pas exception. Au moins le temps que ça dure. Parce que bon il faut bien se décoller, et c'est à peine fait qu'il se dit déjà que ce geste commence à devenir beaucoup trop naturel...

Et comme la chance semble définitivement pas au rendez-vous, voilà que John vient leur tenir la jambe. Vraiment l'ex chiant bordel ! Et collant... Evelyn qui pensait qu'il allait pouvoir s'en sortir avec un baiser et avant de simplement retourner à leurs affaires est donc bien déçu.

"Gabriel ! Je savais que c'était toi !"

Si l'Américain retourne à sa vie maintenant comme si de rien, il pourrit la couverture de Gabriel de façon évidente et celui-ci passera pour un con. Pour le coup, il a vraiment envie de lui éviter ça. Encore une fois, il sait bien trop ce que ce genre d'ex produit... Alors tant pis, Evelyn garde sa main sur la hanche de Gabriel, restant contre lui, et lui laissant le temps de saluer le fameux John, le tout en essayant de ne pas penser du tout à pourquoi ça pique. Avant de se présenter à son tour, tendant sa main en souriant à l'ex

, sans trop en faire, et sans se démonter le moins du monde. Important de lui faire comprendre qu'il n'est pas une menace et qu'Evelyn n'a rien à lui prouver. Non mais.

"Evelyn. Enchanté de te connaître."

Même s'il garde parfaitement son rôle, ça continue de le piquer dans le fond de sa tête. Peut-être parce que ça fait deux fois en peu de temps qu'il doit faire semblant d'être le compagnon de Gabriel. Et quelque part, c'est un peu douloureux. Sans qu'il sache vraiment quel morceau de tout ça est le plus douloureux. Faire semblant ? L'absence de compagnon réel ? Faire semblant d'être le compagnon de Gabriel ?

Non, rien de tout ça. C'est sans doute qu'il est trop sobre. Voilà, juste le manque. Juste ça. Rien de plus. Au moins c'est un problème facile à régler ! En attendant, s'occuper de l'Ex collant donc.

"Alors toi aussi tu as évité cette course de caddies fous ?"

Peut-être qu'ils ennuient terriblement ce John à coup de small talk pourrit, il va finir par se barrer tout seul.

C'est bizarre mais c'est cool...

ou l'inverse ?

@Evelyn Clark

Certains jours, il fallait mieux rester au lit, pour le bien des autres, mais surtout le sien, c’était une règle universelle que tout le monde avait déjà expérimentée au moins une fois dans sa vie. Et aujourd’hui, Gabriel aurait définitivement dû rester au lit ! Dire qu’il était content - et bon, un peu nerveux, certes - à l’idée de passer une partie de la journée avec Evelyn pour acheter les cadeaux d’anniversaire d’Ezra, mais il avait vite déchanté. Déjà, parce que la situation était quand même un peu bizarre. Ou plutôt, non, tout avait commencé normalement, ils avaient retrouvé la dynamique habituelle puis après, il y avait eu la première catastrophe, il avait coincé Evelyn contre une bibliothèque - pour le sauver d’une grosse bosse sur la tête - et c’était là que les choses avaient dérapé. Par dessus ça, un idiot de libraire leur avait lancé des regards lourds de sous entendu qui l’avait fait rougir comme une midinette alors qu’il avait 32 ans putain et maintenant, ça. Des caddies fous en liberté dans la galerie marchande qui menaçaient d’écraser des gens et lui en particulier. Sans l’intervention d’Evelyn, il y aurait sûrement eu collision. Il avait donc échapper au pire mais il se retrouvait, de nouveau, contre le chorégraphe et même s’il essayait de garder contenance, ce n’était pas forcément aisé. Heureusement pour lui, il pouvait compter sur l’humour de l’américain pour lui changer les idées ! Même si dans le cas présent, ça lui tira une grimace plutôt qu’un sourire, et pour cause, il commençait vraiment à se poser des questions !

- Parle pas de malheur… marmonna-t-il en réprimant un frisson d’effroi au souvenir de ce stupide jeu de noël. J’en sais rien, peut-être ? Qui voudrait me maudire en plus ?

En fait, il avait une petite idée de qui pourrait vouloir le maudire : Pamela, sa directrice adjointe, qui n’avait cessé de pester contre son absence d’esprit de fêtes tout au long du mois. Maintenant qu’il y pensait, ses soucis avec les centres commerciaux avaient commencé en décembre, juste après une énième conversation à ce sujet avec elle. Il n’avait jamais été spécialement superstitieux et il savait que tout ceci était idiot, mais il ne pouvait s’empêcher de noter la coïncidence. C’était soit ça, soit l’univers qui avait vraiment une dent contre lui et il ne savait pas ce qui était le pire. Pour l’heure, il préférait donc relativiser, laisser ça de côté et s’éloigner d’Evelyn pour éviter des tentations inutiles.

- Merci de te porter volontaire pour me préserver du mauvais sort, si ça continue comme ça, je vais finir par plus mettre les pieds dans un centre commercial !

Comme pour le conforter dans cette idée, l’univers décida de lui envoyer un signal des plus limpides : son ex, John, se trouvait là, l’avait repéré et se dirigeait vers lui. Ou plutôt, vers eux. Pris de panique et ne voulant absolument pas avoir à parler avec son ex, Gabriel prit une décision des plus stupides, il demanda à Evelyn de l’embrasser. Dans les faits, embrasser Evelyn n’avait rien de stupide, c’était même plutôt agréable et, autant être honnête, il en avait envie, mais lui demander de le faire à cause de John, c’était con, mais il n’avait pas le temps de réfléchir à une autre solution. Malgré tout, il prit la peine d’expliquer au chorégraphe pourquoi il lui demandait ça en voyant la surprise se peindre sur son visage. Cette simple précision suffit à le faire se sentir misérable, résultat, son regard se fit plus fuyant et ses joues prirent une légère teinte rouge. Il aurait vraiment mieux fait de rester coucher ce matin… Peut-être même qu’il allait devoir sérieusement songer à éviter les centres commerciaux dorénavant.

Gabriel se préparait à un refus de la part d’Evelyn, ce qu’il comprendrait, vraiment, il n’avait qu’à gérer son ex tout seul, après tout, c’était son problème, il sentit une main se poser sur sa hanche. Il n’en faut pas plus pour qu’il reporte son attention sur le chorégraphe et se prenne son sourire séducteur de plein fouet. Un sourire très plaisant, même s’il ne devait pas avoir ce genre de pensées. L’instant suivant, les lèvres de l’américain se posèrent sur les siennes et sans se poser de questions, il l’embrassa en retour. Contrairement aux autres fois où ils s’étaient embrassés, ce baiser-là était douloureux. Il n’avait pas besoin de réfléchir pour savoir pourquoi ça lui faisait mal. Il aurait préféré embrasser Evelyn dans d’autres conditions, pas pour essayer de faire fuir un ex qu’il n’avait pas envie de voir. Plutôt parce que ça aurait été un désir partagé entre eux-deux mais probablement qu’il prenait ses rêves pour la réalité et que ça n’arrivera plus…
Quand le baiser prit fin, à la fois trop vite et trop tard, Gabriel eut la désagréable surprise de constater que ça n’avait pas empêché John de venir les rejoindre. Bien au contraire même, puisque ce dernier se tenait près d’eux, un sourire assuré aux lèvres. Merde… Là, il ne le sentait vraiment pas. Dans son malheur, il se raccrocha à ce qu’il pouvait, Evelyn n’avait pas enlevé la main qui était posée sur sa hanche et il se focalisa sur cette sensation, en se rapprochant légèrement du chorégraphe. Et comme il n’avait d’autre choix que de parler à John, il colla un sourire poli sur ses lèvres.

- Salut John… salua-t-il le nouveau venu avec un soupir.

Ce n’était pas parce que son ex avait décidé de s’incruster qu’il allait faire des efforts pour l’encourager à rester. Certes, il lui répondait par politesse, mais s’il pouvait se débarrasser de lui rapidement, il ne s’en plaindrait pas. Au contraire même !

- Je vois que tu as revu ta position sur les effusions en public, fit remarquer John sur un ton moqueur. Tu nous présentes ?

La demande lui fit lever les yeux au ciel parce que justement, il n’avait pas envie de les présenter et encore moins ajouter un qualificatif à Evelyn !! Heureusement, ce dernier se chargea lui-même de se présenter, sans définir leur relation, ce qui n’était peut-être pas plus mal. De toute façon, il n’avait pas à se justifier devant John. L’américain enchaîna avec du small talk, probablement pour couper l’herbe sous le pied de son ex mais, à croire que l’univers était contre eux, le blond garda le sourire et ne se démonta pas.

- Oui, c’est terrible ça quand même ! J’espère que la sécurité fera quelque chose pour éviter que ça se reproduise parce que ça aurait pu mal finir ! Ça doit pas faire longtemps que vous êtes ensemble, non ? enchaîna John avant que quiconque ait pu l’en empêcher. Aux dernières nouvelles, tu étais célibataire il me semble.

Aux dernières nouvelles, ils ne s’étaient pas parlé depuis la rupture donc il ne savait pas d’où il tenait cette information mais Gabriel n’avait pas envie de rentrer dans ce petit jeu avec lui. Il savait d’avance qu’il n’en ressortirait pas victorieux. A la place, il décida donc de ne pas prendre de pincettes et d’aller directement au but.

- Qu’est-ce que tu veux John ? demanda-t-il avec un nouveau soupir.
- Mais rien, répondit ce dernier avec une innocence absolument pas convaincante. Juste prendre de tes nouvelles, savoir ce que tu deviens, tout ça. Par exemple, avec mon mari, on vient d’adopter un petit garçon, c’est pour ça que je suis là d’ailleurs, on a presque plus de couches.

Connard. Même s’il s’efforçait de ne rien laisser paraître, à part peut-être une légère crispation, cette information faisait du mal à Gabriel. Il savait bien que John ne venait pas lui parler “pour rien” mais plutôt par vengeance. A l’époque, il avait assez mal vécu la rupture, raison pour laquelle Gabriel était méfiant mais ça piquait quand même. Avant la rupture, justement, John et lui avaient déjà parlé plusieurs fois de famille, sans jamais que ça ne dépasse le stade de projet futur, alors oui, apprendre que son ex avait concrétisé l’un de ses rêves tandis qu’il était toujours seul et devait demander à un ami de jouer son mec pour pas perdre la face, c’était douloureux. Indifférent à ses états d’âme, John continua d’ailleurs sur sa lancée.

- Mais t’as l’air heureux avec ton nouveau mec, c’est cool, j’espère que ça durera plus longtemps que pour nous, hein, conclut-il avec amertume.
- C’est gentil, merci, je suis content d’apprendre que ça se passe bien pour toi aussi, affirma Gabriel avec politesse.

Quelque part, c’était vrai. Certes, son histoire avec John c’était mal finie, mais il n’était pas du genre à souhaiter le malheur des autres pour autant. En fait, tout ce qu’il voulait, pour l’heure, c’était que John leur fiche la paix, mais même en optant pour un message pas subtile du tout - à savoir sortir son portable pour surveiller l’heure - son ex ne comprit pas le message et continua de leur tenir la jambe.

- Je suis curieux, comment vous vous êtes rencontrés du coup ?

Il aurait définitivement mieux fait de rester au lit ce matin plutôt que de subir cet interrogatoire. En plus, il s’en voulait d’entraîner Evelyn là-dedans, de lui faire subir la présence de John mais aussi de lui avoir demandé de l’embrasser alors qu’ils étaient censés revenir à leur relation de base, enfin, de ce qu’il avait compris. Là, tout ce qu’il voulait, c’était se retrouver seul avec le chorégraphe pour s’excuser puis aller s’enfermer chez lui pour au moins un mois complet, minimum.

Bonne question oui. Qui pourrait vouloir maudire Gabriel ? C’était pas vraiment le genre de type à s’attirer des ennuis ou à se jeter dans des conflits. Tout l’inverse d’Evelyn donc. Alors forcément, la liste des candidats était limitée.

”un lutin de Noël rancunier et amateur de vaudou ptet. ”

Est-ce que c’était si improbable que ça ? Bon okay, la Louisiane c’était loin mais hé, avec la mondialisation on était à l’abri de rien !

”Heureusement pour toi quelqu'un a inventé l’internet, si vraiment tu veux plus sortir y a moyen de s’arranger. Encore que tu passeras à côté de l’incroyable playlist du centre commercial, une partie intégrale de l’expérience…”

Pourtant, Evelyn était le premier à écouter en majeure partie ce qui finissait au top 50, mais ce genre d’endroit avait une façon de les passer en boucle qui vous en degoutait à vie…

Sauf que potentiellement la malédiction de Gabriel était contagieuse. Ou au moins, il se retrouvait entraîné à sa suite dans ce bordel. D’un coup, voilà Gabriel lui demande de l’embrasser. Les neurones d’Evelyn crament le temps que l’explication arrive. Ha. C’est une histoire d’ex. Si ça le chafouine un peu de devoir encore faire semblant d’être le mec de Gabriel sans qu’il sache pourquoi, surtout que c'est loin d’être la première fois dans sa vie qu’il joue ce genre de rôle pour dépanner un copain, il comprend tout à fait le genre de réaction désespérée que ça peut entraîner. Loin de lui l’idée de juger. À la place, il fait ce qu’on lui demande et l’embrasse en donnant à ce baiser tout le naturel qu’il peut. Il sait pas ce que ça donne de l’extérieur. De l’intérieur… de l’intérieur ça a déjà l’air trop naturel et ça l’inquiète terriblement parce qu’il va falloir vitre mettre fin à tout ça ! Ce qui serait beaucoup plus facile si l’Ex en question n’avait pas décidé d’être le pire ex possible.

L’Américain peut sentir Gabriel se tendre sous sa main. Et bah, il le connaît pas le John, mais clairement il a un don pour refroidir l’ambiance. C'est fou comme en même pas une minute on peut cerner ce genre de personne ! Alors forcément, Evelyn peut pas s’empêcher de le remettre à sa place avec son sourire le plus avenant.

”Oh tu sais, pour les effusions en public, il suffit de savoir mettre les gens en confiance pour de vrai.”

Surtout que bon, le baiser qu’ils avaient échangé au bar, on était effectivement loin de la pudeur… enfin ceci étant dit, Evelyn enchaîna le plus naturellement du monde, comme s’il venait de faire une remarque banale sur le temps qu’il faisait.

Surtout que le John était un adversaire coriace. Rebondir sur du small talk pour juger leur relation c’était fort. Toute imaginaire qu’elle soit, Evelyn n’appréciait pas vraiment de voir ce type la dévaloriser. La prise de sa main se raffermit sur la hanche de Gabriel, comme pour lui signifier qu’il n’était pas seul dans cette histoire. De son côté Gabriel avait semble-t-il décidé qu’il était temps que ça s’arrête et joua carte sur table. Ça valait mieux avec ce genre de type.

Surtout que de son côté Evelyn essayait les balles perdues. Comme si ça ne suffisait que Gabriel lui ait assigné le rôle de son mec de rechange, voilà maintenant que ex commençait à parler mariage et relation qui tournait court. Alors forcément, le chorégraphe eut une petite seconde d’absence, pris dans ses propres doutes et angoisses du moment. Un moment qui commençait même à être sacrément long d’ailleurs… enfin au moins il n’avait aucun mal à comprendre le genre de scène à laquelle il assistait, pour la vivre lui-même beaucoup trop régulièrement ces derniers mois. Sauf que cette fois-ci au moins, il pouvait agir.

Et comme John voulait en savoir plus sur leur rencontre, il allait lui en donner pour son argent !

”On s’est rencontré au club des Exs qui Ont des Choses à Prouver en Écrasant l’Autre. Honnêtement je pensais pas que tu serais ce genre de mec, t’es loin d’avoir l’air aussi con que tu l’es en fait ! En même pas 5 minutes tu as complètement éclaté les scores du manque de confiance en soi tellement flag qu’il attaque avant même d’avoir ouvert la bouche.”

Continuant sur sa lancée sans laisser à John le temps d’en placer une, parce qu'il était hors de question qu’il blesse Gabriel encore une fois, Evelyn lui pinça la joue comme on le faisait pour les enfants.

”Alors chouchou, un conseil, tu vas arrêter de faire chier ton ex et te concentrer sur ton mariage. Parce que je sais pas si t’es au courant, mais le divorce c'est un mariage sur deux. Alors connecte tes deux neurones et demande toi lequel de ces mariages tu seras quand t’annonceras à ton mec que s’il a de la merde jusqu'au cou c'est parce que t’étais trop occupé à narguer ton ex pour acheter les couches en temps et en heure. Je suis sûr qu’il va A-DO-RER. Dans le doute, et parce que Gabriel est vraiment un chic type, on va t’aider à choisir en te plantant ici tout seul. Tu sais, pour le bien de ton mariage. ”

Evelyn conclut sa tirade par un clin d’œil aussi complice que condescendant, doublé d’une tape sur l’épaule, avant de replacer son autre main sur l’épaule de Gabriel pour l’entraîner ailleurs sans plus attendre. John avait qu’à aller se faire foutre, ils avaient assez donné. En plus, ils étaient rendus devant la quincaillerie, prochaine étape de leur périple… il leur fallait des cadenas…c’était donc l’endroit parfait pour lâcher la comédie. Si Evelyn reprit donc sa main pour lui, il prit quand même le temps de s’enquérir de l’état de Gabriel. Même si une part de lui aurait préféré directement passer à autre chose et faire comme si rien de tout ça ne ’s'était passé pour oublier au plus vite tout ce que ça remuait chez lui…

”sacré cas ton ex… ça va toi ? ”

C'est bizarre mais c'est cool...

ou l'inverse ?

@Evelyn Clark

John… De tous ses exs, et il n’y en avait pas eu beaucoup, celui-là remportait haut la main la palme de l’ex que Gabriel n’avait surtout pas envie de revoir. Sauf qu’il était dans un centre commercial et qu’apparemment, Evelyn avait raison et une sorte de malédiction lui collait au train. Donc, forcément, c’était John qu’ils croisaient et non pas William, le charmant militaire avec qui il était sorti quand il avait vingt ans et qui l’avait quitté à cause de la distance. La vie était parfois franchement mal faite ! Dans la panique de voir John avancé, Gabriel demanda à Evelyn de l’embrasser, ce qu’il fit, mais ça n’était pas suffisant pour échapper à l’arrivée de l’ex. Ce qui n’empêchait pas le baiser d’être agréable, il n’avait juste pas le loisir de le savourer parce qu’ils furent interrompus. Preuve qu’il n’avait pas changé, John ne perdit pas de temps avant d’attaquer, en rappelant que les effusions en public n’étaient pas le genre de Gabriel. C’était vrai en général, mais pas quand il était question d’Evelyn. Peut-être que c’était une question de confiance comme rétorqua le chorégraphe, peut-être que c’était autre chose mais il n’avait pas envie de se pencher sur cette question pour le moment. L’urgence, c’était de gérer John, pas de se remémorer le baiser qu’il avait échangé avec l’américain dans un bar quelques jours plus tôt…

John donc, dont il fallait se débarrasser avant que monsieur ne fasse trop de dégâts. Ce qui était plus facile à dire qu’à faire en réalité. Même en étant las de ses piques et en essayant de jouer cartes sur table, Gabriel se retrouva confronté à son ex qui jouait les innocents pour mieux le poignarder dans le dos ensuite. C’était douloureux, même s’il essayait de le cacher, alors il se raccrochait à ce qu’il pouvait pour ne pas penser à ça. La main d’Evelyn qui raffermit sa prise sur sa hanche était un parfait rappel qu’il n’était pas seul pour faire face. Une part de lui était gêné que le chorégraphe assiste à ce règlement de comptes puérils, mais il était surtout soulagé de ne pas être seul. Plutôt que d’attaquer à son tour, Gabriel décida de rester poli, et adulte, et se contenta de dire à John qu’il était content pour lui mais apparemment, ça n’était pas suffisant pour son ex. N’importe qui aurait compris que ce n’était que de la politesse pour prendre congés en douceur mais pas lui. John avait l’air de vouloir une mise à mort en règle et, plutôt que de les laisser partir, il continua sur sa lancée en leur demandant comment ils s’étaient rencontrés. Gabriel aurait pu hurler de frustration, mais l’intervention d’Evelyn lui évita d’en arriver là.

Méthodiquement, comme un boxeur sur un ring, l’américain contre attaqua, distribuant coup sur coup sans laisser à son adversaire la possibilité de répliquer. Honnêtement, Gabriel n’aurait pas aimé être à la place de John, mais ça ne l’empêchait pas d’être admiratif des capacités d’Evelyn. Sans rien dire, il observa donc son ami remettre son ex à sa place, lui pincer la joue comme à un enfant avant de lui tapoter l’épaule avec condescendance. En quelques minutes à peine, le chorégraphe avait réussi l’exploit de remettre John à sa place, de lui montrer que son comportement était stupide et de le laisser planter là. Gabriel se retrouva à suivre Evelyn, stupéfait par ce qu’il venait de se passer, sans plus se poser de questions. Ce ne fut qu’une fois John hors de vue qu’il réalisa pleinement ce à quoi il venait d’assister. Malheureusement, ce fut aussi le moment que choisit le chorégraphe pour le lâcher. En fait, c’était peut-être justement pour ça que Gabriel retrouvait ses esprits et reprenait pied avec la réalité après cette scène surréaliste. Hébété, il se tourna vers Evelyn quand il lui demanda si ça allait. Pendant une seconde, peut-être deux, il l’observa en clignant des yeux, pas très sûr de comprendre ce qu’il disait avant de se ressaisir.

- Oui, ça va, ça va très bien même, répondit-il avec un sourire incertain.

L’instant d’après, il prenait le visage d’Evelyn en coupe entre ses mains pour aller l’embrasser. L’embrasser vraiment. Pas parce qu’il y avait un ex à faire fuir, pas pour convaincre un flic qu’ils étaient ensemble, pas parce qu’il avait reçu un gage idiot, juste parce qu’il en avait envie. C’était un baiser spontané et passionné. Deux qualités qui faisaient cruellement défaut à Gabriel ces dernières années. Le temps d’un baiser, Gabriel oublia tout, l’endroit où il se trouvait, ses peurs, ses doutes, ses casseroles, il ne pensait qu’à Evelyn et à son envie de l’embrasser. Il ne savait pas où ça le mènerait mais, à cet instant, il n’y pensait pas, ça n’avait pas d’importance, il verrait plus tard.

Sauf que ça ne dura que le temps d’un baiser. La magie prit fin à l’instant même où les lèvres de Gabriel quittèrent celles d’Evelyn. D’un seul coup, il réalisa avec horreur, ce qu’il venait de faire. Il avait ignoré le statu-quo qu’il y avait entre eux depuis quelque temps pour faire ce dont il avait envie sans se préoccuper de comment réagirait le chorégraphe a tout ça. Depuis quand était-il devenu aussi égoïste ? Gêné, rougissant, Gabriel se sentait idiot et recula pour mettre de la distance entre Evelyn et lui. Pas trop, parce qu’il ne voulait pas lui donner l’impression de le fuir, mais suffisamment pour ne pas être tenté de l’embrasser de nouveau. C’est qu’il commençait sérieusement à prendre goût à ces baisers.

- Désolé, je sais pas ce qui m’a pris, s’excusa-t-il en passant une main dans ses cheveux. Enfin si, je sais parfaitement ce qui m’a pris. Tu me plais, c’est pour ça que je t’ai embrassé, mais je n’aurais pas dû le faire sans te demander ton avis et surtout pas… pas comme ça quoi ! Tu mérites mieux que ça et je ne suis qu’un crétin incapable de se contenir apparemment. Je vaux pas mieux que John en fait..

La nervosité de Gabriel était palpable, elle se sentait au débit rapide de ses paroles, à sa manière d’être incapable de fixer son regard n’importe où et encore moins sur Evelyn mais aussi au rire nerveux qui lui échappa malgré lui et qui avait des airs de sanglots. Non pas qu’il ait envie de pleurer, il se sentait juste complètement idiot. Une fois encore, il avait l’impression de tout gâcher et il ne savait pas comment rectifier le tir.

La journée était bien partie, et puis d'un coup, les choses étaient sérieusement parties en vrille. Bon peut-être pas d'un coup, certes. Disons qu'il y avait eu quelques signaux d'alerte. Mais il fallait reconnaître que John avait fait escalader la situation à une vitesse assez impressionnante. Bravo lui. Ou pas bravo. Dur à dire. Non seulement il mettait claaaaairement Gabriel mal à l'aise, mais même Evelyn commençait à avoir la sensation de manger des balles perdues. Clairement, l'Ex en question visait la jugulaire. La manoeuvre était évidente et terriblement visible, le gars ne cherchait même pas à être subtil. C'est dire s'il était sûr de son bon droit... Tout ça ramenait affreusement l'Américain à la débâcle de son propre mariage et la façon dont lui et son bientôt futur ex en arrivait à avoir ce genre de conversation bien trop régulièrement, justement parce que lui aussi avait décidé de faire chier et faire traîner les choses. Franchement, il était épuisé de ce genre de disputes puérils, et il était pas venu là pour en subir une autre. Ça commençait à bien faire.

Alors quitte à s'être retrouvé mêlé à ce bazar, Evelyn avait pris sur lui de répondre et d'envoyer bouler l'autre comme il le méritait. Peut-être que c'était aussi une balle perdue pour Jerry au passage. Peut-être. Mais hé, c'était la faute de l'autre con hein, c'est lui qu'a poussé jusqu'à ce ça pète ! Il peut s'en prendre qu'à lui-même ! Puis au moins ça le défoulerait un peu à défaut de pouvoir boire un verre pour engourdir la sensation désagréable dans sa tête...

Ceci étant fait, inutile de demander son reste, et autant partir d'ici. C'est bon, on allait pas attendre un milliard d'années que John arrête d'être un connard, parce qu'il avait l'air bien décidé à continuer dans cette voie. Si lui il était encore obligé de faire face à son pas encore officiellement ex tant que les papiers n'étaient pas signés, ce n'était pas le cas de Gabriel. Autant l'arracher à ça... Une fois assez loin, Evelyn put enfin le lâcher et lui demander comment ça allait. Sauf que Gabriel avait l'air... sonné ? Ailleurs ? C'était difficile à dire.

"Gab ?"

Heureusement, ça ne dura pas très longtemps, puisque Gabriel reprit rapidement ses esprits pour répondre. Puis au moins il souriait maintenant. Bon c'était un sourire lointain et qui avait légèrement l'air en décalage, mais c'était un sourire au moins. C'était forcément mieux que sa tête depuis l'arrivée du fameux John !

En revanche, la suite, il ne l'avait absolument pas vu venir. Gabriel s'était effectivement réveillé, mais pas uniquement pour lui répondre, non non. Avant qu'Evelyn ait eu le temps de comprendre ou de réagir d'une quelconque façon, Gabriel était à nouveau en train de l'embrasser. Et à pleine bouche pour le coup... Alors forcément, le chorégraphe ne savait pas très bien comment réagir. Déjà parce qu'une partie de lui n'avait absolument aucune envie de réagir et préférait se noyer dans ce baiser. Qu'une autre n'avait aucune envie de blesser Gabriel d'aucune façon que ce soit et que clairement fuir un baiser c'était quand même envoyer un message assez violent. Puis il avait dit qu'il ne fallait absolument pas qu'il laisse ce genre de choses s'installer... et en même temps il était plutôt soulagé parce qu'au moins là il lui servait pas juste de prétexte non ? Encore que bon, il pouvait toujours jouer le rôle de lot de consolation. Ça faisait vraiment trop d'émotions contradictoires à gérer d'un coup et à jeun ! Donc euh... autant se noyer dans ce baiser. Voilà. Il verrait plus tard.

Ceci dit Gabriel semblait lui même confus puisqu'aussitôt qu'il lâcha Evelyn, il recula aussitôt, visiblement gêné. Voilà. Retour à la normale. Ça piquait mais dans le fond c'était sans doute mieux comme ça. Remettre de la distance. Sauf que non, c'était visiblement pas le projet de Gabriel. Et merde merde merde. Voilà qu'il se remet à parler et Evelyn ferait presque un voeu pour qu'une horde de cadis lui roule dessus. Qu'est-ce qu'il était censé répondre à ça ? "Désolé Gabriel, apparemment t'as un faible pour les connards" ? Tiens puisqu'on parle de connard, Evelyn pouvait au moins réagir à ça ! Remettre deux trois trucs d'équerre ! Il pouvait quand même pas laisser Gabriel dire ça !

"Quel rapport avec ce con ? C'est ton occupation du dimanche d'aller humilier tes ex dans les supermarchés ? C'est bon des ex pourris on en a tous au moins dans nos placards, ça arrive à tout le monde... toi au moins tu l'as pas épousé !"

Contrairement à lui donc. Il aurait dû s'en rendre compte plus tôt non ? Y avait des signes, forcément. C'était pas sorti de nulle part. Donc bon, dans le fond, sans doute qu'Evelyn aussi l'avait bien mérité cette situation, s'il avait été plus malin il aurait su où il mettait les pieds. Un peu comme là, s'il avait été plus malin il aurait aussi compris plus tôt que peut-être Gabriel avait un semblant d'émotions pour lui. Décidément, quel foutu boulet... Pas étonnant que Jerry se soit barré avec le voisin tiens ! Mais au moins, il pouvait encore limiter la casse pour Gabriel.

"Dis toi qu'au moins toi t'en es débarrassé. Bon certes, à l'exception d'une malédiction des supermarchés ! Rien d'ingérable en vrai, tu devrais t'en sortir !"

Et le meilleur moyen de sortir de ce genre de pièges relationnels, c'était encore de ne pas y rentrer. Evelyn pouvait au moins lui épargner ça.

"J'ai... enfin... disons que moi j'ai pas eu autant de chance alors... c'est... je suis très touché et... soyons honnête t'embrasser était sans doute le meilleur moment de la journée mais... enfin moi j'ai encore le nez dans ce genre de galères et pas juste occasionnellement alors... enfin c'est mieux qu'on en reste là... c'est pas la peine de te rajouter d'autres emmerdes sur le dos tu mérites pas ça."

Surtout que bon, si son mariage foireux qui tournait en divorce encore plus foireux était le seul problème, ça serait bien... En attendant, Evelyn savait pas trop quoi faire maintenant. Tout ce qu'il voulait c'était qu'ils puissent retourner à leur shopping tranquillement. Enfin ça ça dépendait de Gabriel. Peut-être qu'à ce stade même être ami il voudrait plus. Dans ce cas Evelyn le perdrait pour de bon, et ça, c'était une pensée quelque peu terrifiante. En plus son genou commençait à tirer, bordel, il avait dû trop tirer dessus la veille tiens...

C'est bizarre mais c'est cool...

ou l'inverse ?

@Evelyn Clark

Les événements de la journée s’enchaînaient sans qu’il n’ait le moindre contrôle dessus, à l’exception de ce baiser qu’il venait d’échanger avec Evelyn à son initiative, mais même là, il avait fait n’importe quoi. Plutôt que de suivre ses envies et d’embrasser le chorégraphe, sans prévenir, il aurait mieux fait de lui dire clairement les choses avant de passer à l’acte ! Sauf qu’apparemment, c’était trop demandé et maintenant, il se retrouvait à se justifier avec nervosité. Vraiment la configuration idéale pour avouer à un ami qu’il lui plaisait ! Des fois, Gabriel avait envie de se coller des baffes et là, clairement, il était dans une de ces situations. Est-ce qu’à cause de stupidité il venait de tout gâcher avec le chorégraphe ? Honnêtement, il comprendrait que ce soit le cas, il ne lui en voudrait même pas, mais ça ne l’empêchait pas d’espérer qu’il en soit autrement. D’autant plus que ce n’était pas rien, pour lui, de se jeter à l’eau et d’avouer à l’américain qu’il lui plaisait. C’était une prise de risque non calculée qui pouvait lui coûter beaucoup, mais ça lui semblait plus correct que de continuer à faire comme si rien ne se passait jamais.

Apparemment, ses excuses ne passaient pas ou plutôt, sa comparaison avec John. En entendant la protestation d’Evelyn, il ne put retenir une légère grimace. Il n’était pas sûr de comment prendre le fait que c’était sur ce point que le chorégraphe revenait en premier mais tant pis, il s’en accommoderait. Il allait ouvrir la bouche pour expliquer son point de vue à Evelyn quand ce dernier termina sa tirade, lui coupant l’herbe sous le pied, en déclarant que lui, au moins, il n’avait pas épousé son ex-con. Surpris, Gabriel resta un instant sans voix, à observer le brun sans savoir comment réagir. Il avait comme l’impression que cette remarque ne lui était pas forcément destiné, comme si Evelyn avait des comptes à régler avec lui-même mais il n’osa pas poser de questions. D’une part parce que ça ne le regardait pas forcément mais aussi, plus égoïstement, parce que l’américain n’avait pas réagi à son aveu et qu’il ne voulait pas lui offrir une diversion sur un plateau.

Du coup, Evelyn profita de son silence pour continuer sur sa lancée. C’était vrai, il s’était débarrassé de John, mais depuis, il était seul, pas vraiment heureux - même s’il n’était pas malheureux - avec la trouille de s’ouvrir à nouveau à quelqu’un. Est-ce que c’était forcément mieux ? D’accord, le mariage d’Evelyn se finissait mal mais lui, au moins, il vivait pleinement. Du moins, c’était l’impression qu’avait Gabriel mais il garda, là encore, ses impressions pour lui. Ce n’était pas un concours et ça ne mènerait à rien. Contrairement à la suite. Après cette parenthèse sur leur ex que Gabriel ne savait pas comment gérer, Evelyn réagit sur l’aveu qu’il lui avait fait. Autant être honnête, la réponse de ce dernier piquait. Même si, quelque part, il s’attendait plus ou moins à ça - un rejet - ça n’en restait pas moins douloureux. Sauf que Gabriel ne comprenait pas bien les raisons qu’avançaient l’américain. Il avait presque l’impression que c’était une excuse de la part d’Evelyn. Un moyen de le repousser en douceur. Une méthode qui aurait fonctionné en temps normal mais pas là. Là, Gabriel décida que quitte à se faire jeter, autant l’être totalement et donc creuser un peu plus la question.

- Je suis pas sûr de comprendre, c’est parce que t’es pas encore divorcé que tu préfères qu’on en reste là ? demanda-t-il franchement, sans prendre de pincettes pour une fois. Parce que si c’est que ça, je m’en fiche, tu sais ?

Même s’il n’était pas au courant de tout dans la vie d’Evelyn, il avait bien enregistré que son divorce était compliqué et que les papiers traînaient. Du coup, il ne voyait pas trop pourquoi le chorégraphe lui avançait cet argument alors autant lui signalait que oui, il le savait et que oui, il s’en fichait. Histoire d’être sûr que le message soit bien passé, il décida même d’être plus explicite, au cas où.

- D’accord, ton divorce se passe mal et j’imagine que c’est compliqué à gérer pour toi, mais je vois pas vraiment le problème. Si ton ex te fait chier, c’est pas mieux, au contraire, que tu sois pas tout seul pour gérer ça ? osa-t-il avec un sourire timide. C’est pas toi qui me rajoute des emmerdes si je suis d’accord avec ça, non ?

Enfin, tout dépendait du type de relation dans lequel ils décidaient de se lancer mais c’était encore trop tôt pour en parler. Ils étaient loin d’en être là. Déjà, il fallait définir si relation il y aurait ou non et, justement, c’était le point suivant que Gabriel voulait éclairer.

- Après, si c’était une façon de m’éconduire en douceur, je préfère que tu me le dises franchement plutôt que de me donner des excuses. Je comprendrais, tu sais, et c’est pas grave, je t’en voudrais pas, je préfère juste le savoir, conclut-il avec un sourire plus ténu.

D’accord, la nouvelle ne le réjouirait pas, mais au moins, il serait fixé et, pour une fois, il aurait tenté quelque chose plutôt que de rester simplement spectateur comme il en avait pris l’habitude ces dernières années. Par contre, il était parfaitement conscient qu’un centre-commercial n’était pas l’endroit idéal pour avoir cette conversation mais il préférait jouer cartes sur table tant qu’il le pouvait au lieu d’attendre et de se dégonfler. Peut-être qu’ils pourraient se poser dans un endroit plus convenable pour discuter, mais tout dépendait de la réaction d’Evelyn.

À ce stade, la journée avait complètement viré de bord et ne ressemblait absolument plus à ce qui était prévue initialement. Elles étaient rendues loin maintenant les promesses de normalité ! Très très loin. Et pour revenir à l'état de normalité précédente, il allait falloir faire un sacré effort et recouvrir le tout d'une sacrée couche de déni pour que ça marche. Sauf que pour ça il fallait être deux, et clairement, Gabriel avait décidé de changer les règles du jeu sans prévenir. D'une certaine façon c'était terrifiant, parce que ça obligeait à prendre un risque. Et ça, Evelyn ne se sentait clairement pas prêt à le faire. Après tout, c'était pas pour rien qu'il avait replongé dernièrement... c'était justement parce que prendre des risques n'était pas trop envisageable... Habituellement, il pouvait faire en sorte d'endormir ces bouts de lui et pas chercher plus loin. Mais là, par définition ils étaient deux. Et à moins d'être un connard fini et de planter Gabriel de la façon la plus sale possible, il allait bien être obligé de répondre. Et justement, e fait était que dans le fond, Evelyn tenait quand même quelque peu à Gabriel. Il n'avait donc aucune envie de le blesser si ça pouvait être évité.

Il avait donc bien fallu trouver un moyen de couper la poire en deux... de ménager Gabriel tout en lui évitant de prendre un risque pour lequel il ne se sentait pas prêt. Evelyn avait donc tenté quelque chose. Une diversion, et puis décaler le problème. L'Américain espérait ainsi pouvoir limiter la casse. ok, ça serait pas un moment agréable à passer, mais au moins comme il allait pas piétiner les sentiments de Gabriel en cherchant à se défiler. Ce serait toujours ça de pris.

Sauf que définitivement, Gabriel ne l'entendait pas de cette oreille. Evelyn s'était attendu à tout sauf à ça, puisque Gabriel avait juste décidé que non. Ha. Ça il s'y était pas encore préparé. Oui non évidemment que c'était pas directement parce que son divorce était toujours pas prononcé qu'il se sentait pas de se lancer là dedans. C'était parce que son divorce n'était toujours pas prononcé, que les rencontres avec son ex continuait de lui pourrir la vie, le mettait à fleur de peau et lui donnait la très tenace impression que tout ça était en bonne partie de sa responsabilité. Mais ça il pouvait pas vraiment le dire à Gabriel... y avait déjà assez de son ex pour lui rappeler qu'il était pathétique, il se passerait que Gabriel arrive à la même conclusion...

Parlant de conclusion, Gabriel avait atteint la sienne et reposait sa question. Enfin la question était sous-entendue, maintenant qu'il avait redéfini les paramètres... Alors maintenant, c'était plus difficile. Tellement difficile que les mots décidèrent de sortir tout seul.

"J'ai pas envie de t'éconduire."

Pas merci les mots. Il faisait quoi lui maintenant ? Comment il était censé continuer là dessus ? Soupir las...

"Ça a rien à voir avec toi ou avec le fait que tu me plaises."

Ha oui donc définitivement on abandonnait le déni... En même temps Gabriel avait pris un risque, alors Evelyn se voyait mal le laisser tout seul avec ça. Ça n'empêchait pas qu'il ne voyait pas du tout comment gérer la suite.

"C'est juste... j'en sais rien. J'ai pas l'impression d'être encore capable de faire ça, alors je vois pas comment ça pourrait finir autrement qu'avec moi qui te blesse d'une façon ou d'une autre, et c'est pas ce que j'ai envie de faire."

Ça au moins c'était une certitude. Sauf qu'il voyait vraiment pas comment éviter de blesser Gabriel si Evelyn le laissait s'approcher trop près.

"Donc oui tu me plais, et c'est peut-être l'une des rares choses appréciables de ces dernières semaines. Je suis juste trop abruti pour savoir concilier ça avec... avec le reste de ce que j'ai sur le feu. Même si..."

Le voilà le noeud du problème. Ça c'était effectivement particulièrement difficile à avouer, surtout pour lui qui en général faisait plutôt en sorte de compenser et donner le change. Ne surtout rien laisser paraître.... Sauf que là, Gabriel ayant changé les règles du jeu en cours de route, l'Américain ne pouvait plus vraiment faire diversion...

"Même si je suis effectivement pas sûr d'être tout seul."

Voilà c'était dit. Là maintenant tout de suite il se voyait mal plus rentrer dans les détails. Surtout que bon, le lieu s'y prêtait pas spécialement. Frottant ses yeux pour essayer de se reconcentrer Evelyn lâcha un dernier soupir grognon. Parce que bon, on se refaisait dans la seconde, il pouvait bien s'autoriser une dernière diversion !

"Puis bon si tu tiens tellement à parler de ça, est-ce qu'on est obligé de faire ça ici ? Mon genou va finir par lâcher, surtout si on doit encore faire face à une attaque de caddies."

C'est bizarre mais c'est cool...

ou l'inverse ?

@Evelyn Clark

Jouer cartes sur table, oser, prendre des risques, Gabriel n’avait pas l’habitude d’agir ainsi, pourtant, face à Evelyn, c’était ce qu’il avait fait. Il lui avait dit la vérité, celle qu’il cachait à tout le monde - et même un peu à lui - depuis des semaines : il lui avait avoué qu’il lui plaisait. Il ne s’était d’ailleurs pas arrêté là puisqu’il avait refusé les excuses du chorégraphe pour demander une réponse claire à ce dernier. Résultats des courses, il attendait le verdict, le cœur battant. Pourtant, il ne regrettait pas sa décision. Il voulait être fixé, quitte à ce que la réponse lui fasse mal, au moins, il saurait comment agir. Heureusement pour lui, Evelyn ne le fit pas attendre une demi-éternité avant d’ouvrir la bouche. En entendant que le brun n’avait pas envie de l’éconduire, Gabriel se sentit soulagé et osa même un sourire timide à l’intention du chorégraphe. Timide, parce qu’il n’était pas idiot, il sentait bien qu’un “mais” n’allait pas tarder à arriver.

Comme il s’y attendait, Evelyn ne s’arrêta pas à cette simple affirmation et même s’il ne prononça pas le mot “mais” il était sous-entendu. Il ne savait pas si entendre que le “mais” en question, toujours implicite, n’avait rien à voir avec lui le rassurer ou non. Alors, dans le doute, il se contenta d’écouter ce que l’américain avait à lui dire sans faire de commentaires. De toute façon, il avait trop peur de le couper sur sa lancée pour oser ouvrir la bouche. Au moins, ça lui permit d’obtenir une réponse honnête cette fois-ci, et pas une excuse comme “je suis pas encore divorcé” qu’il avait obtenu un peu plus tôt. Evelyn avait donc peur de le blesser. Ça, c’était quelque chose que Gabriel comprenait bien, cette peur, de blesser son entourage, de faire quelque chose de travers au point de perdre de nouveau un de ses proches, il vivait avec depuis des années et malheureusement, il n’avait pas trouvé de solution miracle pour faire disparaître cette angoisse. Donc oui, il comprenait parfaitement Evelyn, parce que lui aussi avait peur de le blesser d’une façon ou d’une autre, ce n’était pas quelque chose qu’il pouvait, ni voulait, lui reprocher. Peut-être qu’il pourrait, par contre, essayer de le rassurer, mais il n’était pas sûr que ça marche.

- Arrête, t’es pas un abruti, ne put-il s’empêcher de le reprendre.

D’accord, il n’était pas en reste quand il était question de se dénigrer, il venait de le faire pas pas plus tard que deux minutes plus tôt, mais ça ne l’empêchait pas de vouloir sortir ce genre d’idées de la tête d’Evelyn. D’un seul coup, il comprenait mieux pourquoi Ezra s'agaçait quand il parlait de lui en termes négatifs, mais ce n’était pas vraiment le moment de penser au détective. Pas alors qu’Evelyn lui avouait qu’il n’était pas sûr de vouloir être seul. Cet aveu redonna un peu d'espoir à Gabriel quant à la suite. Il n’avait pas vraiment l’habitude de voir Evelyn vulnérable mais il devait reconnaître que ça ne lui déplaisait pas de découvrir une nouvelle facette de lui.

- T’es pas obligé d’être seul, tu sais ? tenta-t-il de le rassurer, un peu maladroitement.

Pour la subtilité, il repasserait mais au moins, le message était clair. D’autant plus qu’il ne comptait pas le laisser tomber, que leur relation évolue ou non. Jugeant sûrement qu’il s’était trop dévoilé ou voulant juste faire diversion, le naturel d’Evelyn revint au galop, avec un soupir un peu grognon et une remarque très vraie nuancée d’humour. Comme il ne s’y attendait pas, Gabriel fut d’abord surpris, avant de laisser échapper un petit pouffement amusé par tout ça. Au moins, il était rassuré de voir que certaines choses ne changeraient pas.

- Non, on n’est pas obligé d’en discuter debout, plantés comme des piquets devant la quincaillerie, reconnut Gabriel avec amusement. Surtout si ton genoux est douloureux et qu’on risque à tout moment une nouvelle catastrophe à cause de ma malédiction des centres commerciaux.

Lui aussi pouvait faire de l’humour, mais c’était probablement le signe qu’il passait trop de temps avec Evelyn et que ce dernier déteignait sur lui. Ce qui n’était pas pour lui déplaire mais ce n’était pas la question pour l’instant.

- Du coup, je te propose d’aller discuter ça au café là-bas, suggéra-t-il en désignant du doigt la boutique concernée.

Comme ça, ils pourront discuter plus tranquillement, dans un cadre un peu plus classique et, en prime, Evelyn pourrait reposer son genoux. L’idéal aurait quand même été qu’ils aillent ailleurs que dans le centre commercial mais Gabriel n’avait pas envie de reporter la discussion après leur session “shopping pour l’anniversaire d’Ezra”. Il avait trop peur que l’américain se défile entre-temps, ou que lui-même se fasse rattraper par ses doutes et ses angoisses. Autant battre le fer tant qu’il était chaud après tout ! Ils se mirent donc en route vers le café en question, qu’ils atteignirent rapidement. A cette heure de la journée, il n’y avait pas grand monde dans l’établissement, ils n’eurent donc aucun mal à trouver une place assise assez isolée pour que leur conversation ne soit pas écoutée.

- Installe-toi, je vais nous chercher quelque chose à boire. Je te prends un café ?

D’ordinaire, Gabriel était plus thé que café, en bon anglais qu’il était, mais pour le coup, un café le tentait bien. En plus, ça serait plus pratique à boire qu’un thé qu’il devrait laisser infuser. Après avoir obtenu la réponse d’Evelyn, il se dirigea donc vers le comptoir et attendit son tour en observant les douceurs présentées en vitrine. Il ne connaissait pas l’établissement mais il devait reconnaître que leur pâtisseries donnaient envie, si bien qu’une fois son tour arrivé, il commanda, en plus des boissons, deux cookies à partager. Une fois qu’il fut servi, il retourna à la table où ils s’étaient installés, posa le plateau et prit place, face à Evelyn. Histoire d’être plus à l’aise, il ôta son écharpe et son manteau, parce qu’il avait comme l’impression qu’ils n’en avaient juste pour cinq minutes. Il avait beau avoir envie de mettre les choses à plat et de répondre convenablement aux aveux d’Evelyn, maintenant qu’il se retrouvait devant le moment T, il ne savait plus par quoi commencer.

- Hum…et donc, pour reprendre la conversation qu’on avait, je te propose pas de sauter le pas directement. Le but, c’est pas qu’on se passe la bague au doigt dès que ton divorce sera prononcé, expliqua-t-il avec une tentative d’humour maladroite. Comme on dit, il faut apprendre à marcher avant de courir, l’idée, c’était plutôt d’y aller petit à petit, à notre rythme, enfin de mon point de vue…

En fait, il n’avait pas réfléchi jusque-là puisqu’il était plus ou moins persuadé de se prendre un râteau mais ça, il n’allait pas le dire à Evelyn non plus. S’ils étaient deux à être hésitant et réfractaire à l’idée d’aller “plus loin” ils n’iraient nul part. Gabriel décida donc d’être celui qui rassurerait l’autre, même s’il n’était pas très sûr de la manière de faire.

- Je comprends que tu n’ais pas envie de me blesser mais je comprends pas pourquoi tu as l’air aussi sûr que ça va arriver. En plus, tu as dit que ça finira forcément comme ça alors que non, ça pourrait être tout l’inverse, ça pourrait aussi se finir avec moi qui te blesse alors que je ne veux pas, si on décide de se concentrer sur les mauvaises fins. Possiblement, il y a une version de l’histoire où tout se finit bien, tu crois pas ?

L’optimisme, ce n’était pas vraiment son fort, surtout depuis ces dernières années, mais, pour une fois, il avait envie d’y croire. Il en avait assez de partir défaitiste et de s’interdire de vivre par peur du pire. S’ils étaient deux à penser comme ça, ils n’avanceraient pas. Alors oui, il craignait toujours de perdre Evelyn, mais ce n’était pas pour autant qu’il devait stagner et ne rien tenter. Il avait décidé de sortir de son immobilisme, autant continuer.

- Et si t’as peur de pas réussir à concilier…ça avec le reste, c’est pas grave, on peut juste…je sais pas, tenter le coup et voir où ça nous mène ? proposa-t-il en s’efforçant de garder un ton léger.

Lui, il était très partant pour cette idée, mais il n’avait pas envie de forcer la main d’Evelyn. Comme il le lui avait dit, l’idée c’était d’avancer à leur rythme, et pas juste au sien. La balle était donc dans le camp de l’américain et quelque soit la décision qu’il prendrait, Gabriel se promit de s’y plier sans broncher. Ou au moins d’essayer.

Qu'est-ce qu'il pouvait détester ça... Se retrouver à devoir être vulnérable comme ça. Depuis quand on avait besoin de dire les choses comme ça hein ? Qu'est-ce que ça pouvait bien apporter de bon hein ? Evelyn avait horreur de ça. Normalement il se débrouillait bien pour enfouir tout ça, même entre lui et lui-même ! Et voilà que maintenant il se retrouvait contraint de sortir tout ça au grand jour... Sauf qu'en même, il se voyait laisser Gabriel tout seul à être honnête... justement parce que dans le fond il tenait à lui et qu'aussi bouché qu'il était, l'Américain avait quand même bien conscience que ce serait particulièrement douloureux et violent pour Gabriel... Donc oui. Il concédait de faire l'effort, mais ça lui coûtait quand même drôlement. L'impression de se jeter dans le vide alors que justement, il aurait été prêt à faire n'importe quoi pour éviter le vide en question.

Quant à savoir s'il était un abruti... ouai bon. Ça ça restait à débattre. La douleur actuelle dans son genou, causée parce que bourré il avait dansé trop longtemps la veille sans faire gaffe, avait un avis très différent de celui de Gabriel sur la question. Mais bon, Evelyn se sentait pas stupide au point de ramener ce point précis au coeur du débat justement. Alors que justement, c'était bien sur ce genre de choses que ses réticences à tenter quoi que soit de plus sérieux qu'une aventure d'un soir à Gabriel reposaient. Evelyn se retrouvait donc pris dans ses contradictions sans parvenir à trouver une porte de sortie à tout ça. En tout cas pas une qui épargnerait Gabriel. Surtout que c'était pas non plus comme s'il avait pas envie de tenter quoi que ce soit dans le fond... Juste qu'il voyait définitivement pas comment combiner le tout sans se prendre à nouveau le même mur qu'avec ces relations précédentes... et ça commençait à bien faire tout ça. Alors d'un côté, il avait bien envie de croire Gabriel quand il disait qu'il était pas obligé de rester tout seul, de l'autre, Evelyn commençait à se dire que ce serait quand même sacrément plus simple... Mais ça non plus il allait pas en remettre une couche parce que là maintenant tout de suite, l'Américain aurait eu l'impression de dire à Gabriel que lui si méritait d'être seul, par un genre de détour de l'esprit déprimé qu'il connaissait lui-même trop bien. Et c'était pas ce qu'il avait envie de lui dire. Et comme il avait beau réfléchir à ça dans tous les sens sans trouver la solution, il opta pour la diversion, parce que c'était encore ce qu'il maîtrisait le mieux et que peut-être avec un peu de chance ça ferait effet. Au moins il allait gagner du temps...

"On devrait ajouter "boutique de magie" sur la liste à faire histoire de te faire exorciser au cas où !"

Non parce que là, ça devenait rocambolesque son affaire ! Et en plus c'était contagieux ! Donc oui, autant battre en retraite pour le moment. Evelyn jeta un oeil au café que lui indiquait Gabriel, histoire de s'assurer que ce n'était pas celui dans lequel il avait rencontré Kylie et qui s'était avéré détestable en tout point ! Autant limiter le nombre de désastres possibles sur une même journée...

"Parfait..."

Bon dans le fond, sorti de l'adresse détestable qu'il connaissait, il n'avait pas vraiment d'avis sur la question. Après, il aurait pu jouer la montre en les faisant tourner en rond, mais déjà, son genou allait protester, et puis ça allait franchement se voir ! Va pour le café à côté.

"Oui un café ça sera très bien."

Ça aurait peut-être le mérite de lui mettre les idées claires. Enfin non, là dessus il se faisait pas trop d'idées, un café allait pas suffire pour lui apporter les réponses... Alors que Gabriel partait récupérer leurs commandes, Evelyn sortit son téléphone en se demandant à qui il pourrait demander "comment j'annonce à mon crush que j'ai pas envie qu'on aille plus loin parce que je suis alcoolo ?" avant de le ranger tout aussi rapidement. Non il avait personne. Même pas son propre parrain puisqu'il n'avait toujours pas annoncé à celui-ci qu'il avait replongé. Parce que bon c'était censé être temporaire alors est-ce qu'il fallait vraaaaaiment en parler là encore ? Non. Ou plus tard en tout cas. Résultat quand Gabriel revint, il était pas beaucoup plus avancé sur ce qu'il allait pouvoir lui dire ou non, sur ce qu'il voulait risquer ou pas. Juste qu'Evelyn en avait marre de la solitude et qu'il arrivait de moins en moins à se supporter en ce moment. Mais c'était pas le genre de choses qu'on balançait comme ça ! Puis c'était pas un peu tôt pour avoir The Talk non ???? Surtout que Gabriel avait pas l'air d'en mener beaucoup plus large que lui... alors ils étaient vraiment pas rendus...

"Encore faut-il savoir dans quelle direction on va..."

Non parce que ok, il se doutait bien que Gabriel était pas en train de lui proposer le mariage directement. Mais bon, il allait quand même bien va falloir se mettre d'accord sur ce qu'ils attendaient de tout ça. D'autant plus que Gabriel l'avait déjà coincé une première fois, alors on allait pas se faire d'illusion, y aller au pif ne semblait pas une option. Ceci dit, Gabriel avait l'air plutôt décidé. Ou en tout cas avait l'air d'avoir envie d'être décidé. Ce qui était toujours plus qu'Evelyn, il devait bien l'avouer. Quant à savoir pourquoi il était aussi sûr qu'il finirait par le blesser... Parce qu'avec l'alcoolisme dans les pattes, soit Evelyn finirait par faire n'importe quoi comme il savait si bien le faire, soit effectivement Gabriel finirait par le tej parce que c'était insupportable. Le chorégraphe avait pu tester les deux scénarios et franchement, il était pas fan. À ce stade, ces histoires qui y avaient échappé à l'une de ces deux options depuis son arrivée en Angleterre étaient si minoritaires qu'il avait du mal à en retrouver une. Alors c'était dur de croire qu'une option soit possible.

"Sans doute que dans tout l'univers y a une version de cette histoire qui finit bien... juste... sans dire que j'ai testé toutes les combinaisons, j'en suis pas à mon coup d'essai et... disons que là comme ça tout de suite je suis pas capable de te citer une seule de mes histoires qui se soient bien finies. Alors juste... disons que l'optimisme n'est pas vraiment mon point fort. T'as de quoi être de plus optimiste de ton côté toi ?"

C'était une vraie question. Pas tellement un bottage en touche. Juste il avait envie de savoir. Ok il avait rencontré l'Ex connard semble-t-il, mais peut-être que Gabriel avait des fins d'histoire moins désastreuses dans ses histoires. Au moins ça aiderait à voir à quoi se raccrocher. Parce que s'ils étaient tous les deux abonnés aux histoires foireuses... c'était dur de voir comment à eux deux il pouvait en être autrement. Et puis dans le fond, Evelyn avait aussi envie que Gabriel ait eu plus de chance que lui. Juste parce que voilà, il méritait quand même de chouettes histoires.

En attendant, Gabriel avait quand même l'air déterminé à tenter le coup, quel que soit le coup en question. Et ça faisait un peu drôle à Evelyn. Il avait plutôt l'habitude d'être celui qui faisait le rentre dedans, alors ça c'était nouveau... un peu perturbant mais pas désagréable. Même s'il pouvait pas s'empêcher de se dire qu'il valait mieux pour Gabriel aller voir ailleurs, il y avait quand même quelque chose de flatteur à le voir refuser de laisser l'Américain juste lâcher l'affaire. Alors forcément, il pouvait pas s'empêcher de se laisser tenter par l'idée de s'accrocher aussi.

"J'imagine que oui. On peut tenter. On verra bien où ça va j'imagine."

Même si pour le moment c'était quand même beaucoup bizarre. Un peu chaud en dedans aussi. Mais bizarre quand même.

C'est bizarre mais c'est cool...

ou l'inverse ?

@Evelyn Clark

Un café, ça n’était pas l’idéal pour la discussion qu’ils allaient avoir, mais c’était le mieux qui leur était accessible dans un centre commercial. Dans d’autres circonstances, Gabriel aurait pu proposer qu’ils aient cette conversation chez lui, mais il n’avait pas envie qu’Evelyn se défile et, surtout, il n’était pas sûr que le genou de ce dernier tienne durant le trajet. C’était aussi pour cette raison qu’il avait proposé d’aller chercher les boissons. Pour ça mais également pour avoir le loisir de mettre de l’ordre dans ses idées et de préparer les réponses qu’il donnera au chorégraphe. Enfin ça, c’était la théorie, puisque dans les faits, il s’était laissé distraire par les pâtisseries présentées en vitrine. Heureusement qu’il avait déjà une petite idée de ce qu’il comptait dire, sinon il se serait retrouvé bête en retournant près d’Evelyn. D’abord, distribuer les cafés, ensuite, reprendre la conversation là où ils l’avaient laissée, sans rebondir sur cette histoire de boutique de magie. Gabriel n’était pas dupe, il savait bien que c’était une tentative de diversion de la part de l’américain pour, justement, ne pas revenir sur le sujet épineux.

Naïvement, il avait pensé que le plus dur serait de se lancer, mais en fait, non, c’était presque la partie facile. Le vrai challenge, c’était de réussir à convaincre Evelyn et ça s’annonçait ardu. Rien que son premier argument fut balayé aussi simplement qu’un tas de poussières lors d’une tempête. En effet, pour avancer, il valait mieux savoir où on allait, mais ça, Gabriel ne pouvait pas le décider tout seul. Dans l’absolu, il pourrait, mais il n’avait pas envie d’agir de cette manière et d’imposer ses choix à Evelyn. Commencer comme ça, c’était le meilleur moyen de bâtir une relation tout sauf solide qui péricliterait en quelques semaines. Très peu pour lui donc, mais ça ne l’aidait pas à trouver une réponse appropriée à cette remarque. En désespoir de cause, il opta donc pour la vérité, tout simplement.

- Ça, c’est à nous de le déterminer.

Peut-être qu’un chemin tout tracé et balisé aurait rassuré Evelyn, mais Gabriel n’avait pas envie de lui mentir ou de lui faire de fausses promesses. Après tout, il ne savait pas ce que l’avenir leur réservait mais ça ne l’empêchait pas de vouloir essayer et c’est ce qu’il s’efforça d’expliquer au brun qui lui faisait face. Tout en essayant de le rassurer par la même occasion, ce qui n’était pas une simple affaire. Une fois encore, la réponse d’Evelyn le prit au dépourvu. Au moins, il devait reconnaître que c’était honnête mais déroutant. Clairement, le chorégraphe ne sautait pas d’enthousiasme et Gabriel ne savait pas trop comment réagir face à ça. Chose qui ne s’arrangea pas quand Evelyn lui demanda frontalement si ses histoires lui permettaient d’être plus optimiste quant à l’avenir d’une possible relation entre eux. Gabriel aurait été moins déboussolé s’il avait pris un coup de massue sur la tête.

- Euh… commença-t-il, confus, sans trop savoir quoi dire.

Sauf qu’il fallait bien répondre quelque chose à ça. Est-ce que ses histoires d’amour lui permettaient d’être optimiste ? S’il devait être honnête, il répondrait à Evelyn que non, que si ça avait été le cas, il ne serait pas célibataire à l’heure actuelle et que donc, la question ne se poserait pas, mais il n’en fit rien. Il avait bien conscience que ça n’arrangerait en rien leurs affaires - ou plutôt les siennes - et il n’avait pas vraiment envie de se tirer une balle dans le pied. Peut-être qu’il était légèrement maso sur les bords, mais il avait ses limites malgré tout. Au lieu de ça, il se repassa mentalement les histoires d’amour qu’il avait eu et en particulier leur fin pour savoir si oui ou non le constat était déprimant. Une fois son examen terminé, il en arriva à la conclusion que ça aurait pu être pire.

- Je sais pas, avoua-t-il d’une voix calme. Mais je n’ai pas de quoi être défaitiste non plus, je dirais. Ok, avec John, ça a été très compliqué, comme tu as pu le voir, mais en dehors de ça…

Il fit une pause pour chercher ses mots et en profita pour enrouler ses mains autour de son mug de café, plus pour avoir quelque chose à quoi se raccrocher que par besoin de se réchauffer. S’il était décidé à défendre ses idées en arrivant au café, il sentait sa volonté s’effriter au fil de la conversation.

- La première vrai histoire que j’ai eu c’est terminé très abruptement, parce que mon père m’a foutu à la porte en découvrant que j’étais gay. On peut pas vraiment dire que ça s’est bien fini mais c’était surtout à cause de mon père plus qu’à cause du couple en lui-même. Après ça, il y a eu William, un militaire avec qui je suis resté quelques mois, on a fini par se séparer parce qu’il était affecté à l’étranger. On a convenu qu’une relation à distance serait compliquée à tenir et on s’est séparé en bon terme. Ensuite, il y a Matt, on s’est tourné autour au bout d’un moment, avant de se décider à franchir le cap mais on a fini par se rendre compte qu’on préférait être amis qu’amants. Là encore, on peut dire que ça s’est pas trop mal fini, je dirais plutôt que c’est neutre comme fin.

Certes, depuis Matt et lui avaient perdu contact, mais ça n’avait pas vraiment d’importance à l’heure actuelle. L’idée, c’était plutôt de montrer à Evelyn qu’il n’y a pas que les bonnes et les mauvaises fins mais également tout plein de nuances au milieu. Il n’était pas sûr que ça marche, mais au moins, il aurait tenté. Pour quoi ? Ça, par contre, il ne savait plus vraiment. Plus cette conversation avançait, et plus il avait l’impression que tout ça ne motivait pas spécialement Evelyn. Ou plutôt, non, ce n’était pas vraiment ça. L’idée avait l’air d’intéresser Evelyn, mais il n’osait pas se lancer franchement et Gabriel avait l’impression que, quoi qu’il dise, ça ne changeait pas. D’accord, il plaisait à l’américain, et c’était flatteur, mais ça n’avait pas l’air de suffir pour faire évoluer leur relation. Quand Evelyn ouvrit de nouveau la bouche, Gabriel accueillit ses paroles avec soulagement mais aussi avec un pincement au cœur. Clairement, l’américain avait envie d’y croire, ça se sentait, mais il n’osait pas le faire pour une raison qui lui échappait. Malheureusement, sans les informations manquantes, Gabriel ne pouvait rien faire de plus.

- Écoute Evelyn, je suis pas complètement idiot, commença-t-il avec prudence pour ne pas le braquer. J’ai bien compris que t’as peur et que tu as des trucs à régler… Je te demande pas de te décider tout de suite, juste… essaie d’y penser, d’accord ?

Au moins, de cette manière, le message était clair : la balle était dans le camp d’Evelyn. Gabriel n’avait plus qu’à attendre une décision, tout en espérant que le délai de réponse ne soit pas trop long, histoire qu’il ne marine pas trop, mais ça lui semblait malgré tout être le meilleur compromis qu’il pouvait offrir.